Chapitre 21, où je prends une vengeance agréable et bien méritée

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Yuga posa son regard sur la toile et sourit. C’était un tableau réussi, le sujet était bien en valeur, même si ces yeux écarquillés et cette bouche ouverte sur un cri n’étaient pas du meilleur effet.

— Bien, dit-il. Allons bon…

Il commença à compter sur ses doigts.

— Aloïs, Evan, Sasha, Oraline… il ne manque que Julius.

D’un geste de la main, Yuga fit disparaître sa baguette et la peinture.

Les allées du village des voleurs étaient désertes. Il n’y avait pas un chat ; dans les terres affamées de Lorule, un félin n’aurait pas fait long feu.

C’était la première fois depuis dix ans que Yuga visitait le village, sa place poussiéreuse et ses chemins boueux. Il pesta en voyant les taches brunes qui maculaient son pantalon de soie. Puis la maison se dessina au loin.

Rien n’avait changé. Le toit était toujours aussi biscornus, et le temps n’avait pas rendu les murs moins ternes ou les fenêtres moins crasseuses. Par la fenêtre, il vit un homme d’allure familière. Sans un bruit, il se faufila dans le hall, puis dans la cuisine.

Julius était joyeux. Il avait été promu au rang de sous-capitaine de la garde. Il avala sa bière en riant, songeant aux honneurs qui lui seraient destinés le lendemain.

Un bruissement de tissu le fit se retourner. Dans l’encadrement de la porte se tenait une silhouette fine drapée de tissus multicolores.

— Eh bien, ce n’était pas une promenade de santé ! soupira l’inconnu.

Il entra dans la lumière de la salle à manger, et Julius put enfin distinguer son visage.

Le douté n’était pas possible. Aucun autre Lorulien n’avait ces yeux sombres et ce long nez pointu. Un instant, Julius crut à une vision, ou que son imagination lui jouait les tours.

— Mais… que ?! Yuga ? Toi ? Ici ? T’était pas censé être mort ?

— Hm, peut-être. Ça ne t’aurait pas dérangé, je présume ?

— Chai pas. Maintenant, j’vais aller chercher les autres et t’coller une raclée !

— Les autres ?

— Ouais, Evan, Aloïs, Sasha…

Yuga sourit sombrement.

— Je m’en suis déjà occupé.

— O… occupé ? Tu les as… tués ?

Malgré lui, Julius commença à trembler.

— Tués ? Oh, non, quelle idée barbare ! Je ne suis pas comme toi.

— Alors où ? Emprisonnés ?

En réponse, son ancien souffre-douleur se contenta de claquer des doigts. Quatre tableaux superbement détaillés apparurent derrière lui.

Julius observa les toiles pendant de longues secondes. Il avait toujours méprisé l’art, seule la force brute l’intéressait. Mais il était forcé de constater la qualité de ces peintures. Le trait était précis, les couleurs soigneusement choisies. Il y avait quelque chose de particulier dans ces portraits, quelque chose qui les rendait presque…

L’évidence le frappa soudain, et il hurla.

— Et bien maintenant, c’est à ton tour ! dit gaiement Yuga.

Un long bâton de magicien apparut dans sa main.

— Je… heu… Tu peux pas faire ça, on est… on est frères, non ?

— Hm, je ne sais pas… chantonna Yuga.

Il battit des cils d’un air absent.

— Bon, alors je te laisse un délai. Je débarrasse le plancher, mais je reviendrai. Un jour ou l’autre.

Du haut de ses dix-neuf ans, le conseiller avait l’air d’un véritable génie du mal quand il sortit de la pièce.

Yuga quitta le village à la hâte. Il se promit de ne jamais remettre les pieds dans cet endroit fangeux et miteux. Qu’importait sa promesse à Julius.

Et puis, l’imaginer passant le reste de sa vie à se retourner pour regarder derrière lui était bien plus amusant.

"""C'est le même Yuga que celui qui boit de l'eau tiède en compagnie de la princesse. Garanti."""

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