Chapitre 29, où je trouve la première Sage et un invité indésirable
Devant le sanctuaire, Yuga resta bouche bée. Les parterres étaient bien entretenus, les murs, immaculés, et le toit d’ardoise ne montrait pas la moindre trace de mousse.
Il entra à petits pas. À l’opulence des dorures et la qualité des meubles finement ouvragés, on devinait l’importance que les Hyruliens accordaient à leurs déesses. Face au mur du fond, un homme entre deux âges récitait des prières.
— Savez-vous où je peux trouver les sept Sages ?
Le prêtre se retourna mais, avant qu’il puisse dire quoi que ce soit, une jeune femme apparut. Elle avait de superbes cheveux turquoise coupés à la hauteur du menton, une robe bleue et une cape indigo. Les traits de son visage semblaient baignés de lumière, comme si la déesse elle-même avait mis quelques étoiles dans ses yeux.
Et l’évidence lui sauta au visage : Cette femme était une Sage.
— Mademoiselle ?
— Célès. Sœur Célès, prêtresse d’Hylia.
— Enchanté. Est-ce que vous pourriez vous placer ici, devant l’emblème de la Triforce ? Juste pour quelques croquis, ce se sera pas long.
Célès fit un pas en avant.
Soudain, un homme apparut dans l’encadrement de la porte. Il devait avoir cinq ans de plus que Yuga, et portait un uniforme de chevalier ridicule.
— Ne touchez pas à Célès ! hurla-t-il en fonçant vers cet homme étrange qui osait importuner la fille qu’il aimait.
Un coup de baguette magistral le réduisit à un simple gribouillis sur le mur de briques. Célès hurla. Le Lorulien claqua des doigts, et la porte se verrouilla avec un petit bruit sec.
— Malotru, railla-t-il avec un rictus satisfait. Maintenant, Mademoiselle, si vous voulez bien prendre la pose…
Il allait sortir son carnet de croquis, mais le prêtre leva la tête.
— Ma… Ma fille ! balbutia-t-il, sous le choc. Qu’allez-vous faire de Célès, démon ?!
Il inspira profondément et sembla se calmer un peu.
— Qui êtes-vous ?
— Excellente question ! Je m’appelle Yuga. Je suis… un esthète qui parcourt le monde en perpétuelle quête de beauté.
Il rejeta ses boucles rousses en arrière dans un geste aussi élégant que prétentieux, avant de reporter son attention sur la fille du prêtre.
— Quand à vous, ma sœur, vous êtes absolument ravissante ! Un véritable joyau perdu parmi les immondices ! C’est pourquoi j’ai décidé de vous faire le grand honneur de vous inclure dans mon admirable collection. Vous me remercierez plus tard.
Il invoqua une toile vierge derrière la femme aux cheveux bleus et canalisa un maximum d’énergie magique. Puis il balança sa baguette en arc de cercle.
Célès vola en arrière et heurta la toile mais, au lieu de la crever, elle passa au travers. Il y eut un flash aveuglant, puis un superbe tableau représentant la fille du prêtre tomba au sol. Du mauvais côté.
Yuga s’empressa de ramasser la peinture. Din merci, elle était intacte.
— Magnifique ! Comme je l’avais prévu, votre transformation n’a fait qu’accentuer votre beauté ! Sa Grâce sera ravie.
Le tintement d’une épée mêlé à un bruit de tissu froissé lui fit tourner la tête. Dans l’allée, à quelques mètres de lui, se tenait un jeune homme d’une quinzaine d’années, sans doute un peu plus âgé qu’Hilda.
— Mais dis donc, toi ! lança Yuga. Tu viens d’où, comme ça ?
Il se tourna vers lui et, avisant l’épée du gamin, sourit.
— Ne me dis pas que tu vas essayer de m’arrêter avec cette épée ?
— …Link ! haleta le prêtre. Que… Que fais-tu ici ? Fais attention, cet homme est dangereux ! Le capitaine de la garde lui-même n’a rien pu faire contre lui…
Dangereux. Yuga appréciait pleinement ce qualificatif. Ce n’était pas le mot le plus flatteur pour un artiste, mais il s’en accommoderait. Ça prouvait qu’il n’était plus ce gamin fragile qu’on pouvait martyriser sans rien recevoir en retour.
Et il observa le jeune homme. Peau claire, cheveux dorés, yeux bleus, il semblait tout de soleil vêtu. Mais son visage était quelconque, sa tunique verte filée et grossière. Il n’était pas laid, il était pire que ça : il osait insulter sa propre beauté.
— Tu n’as pas entendu le monsieur ? se moqua Yuga. Qu’est-ce qu’un avorton comme toi peut bien espérer contre moi ?
Il en avait fait l’expérience, un épéiste ne pouvait rien face à celui qui savait manier la magie. Mais le garçon aux yeux saphir semblait penser le contraire. Il fonça droit devant lui, son arme pointée en avant.
Le Lorulien ricana et se transforma en dessin sur le mur. Emporté par son élan, le dénommé Link s’emmêla les pieds et s’assomma contre les briques.
— Link !!! cria le père de Célès.
Sans revenir à son apparence d’origine, Yuga partit d’un grand rire.
— Comme tous les habitants de ton monde, tu n’es qu’un rustre incapable de la moindre subtilité. Et tu oses te mesurer à moi ! Tu fais preuve d’une insolence rare, petit…
C’est une qualité qu’il aurait pu apprécier, si elle n’était pas celle d’un avorton gâchant sa beauté avec des tenues immondes.
— Pire encore, tu es LAID !!! Mais qu’importe tout cela. Ce monde répugnant n’en a plus pour très longtemps.
Et il rit et rit encore, parce que la perspective de quitter Hyrule et de refermer sa faille le mettait en joie. Yuga sortit du mur et écarta d’un coup de pied le garçonnet évanoui au milieu de l’allée.
— Hors de ma vue ! aboya-t-il, détachant bien chaque mot. Tu ferais un bien piètre modèle. Tout comme l’homme que j’ai transformé tout à l’heure, d’ailleurs… Mais rien de tout cela n’a d’importance. Il est temps pour moi de me mettre en quête de ma prochaine source d’inspiration…
Il quitta le sanctuaire en fredonnant, sa joie d’avoir trouvé une superbe Sage l’emportant la colère d’avoir gaspillé son temps et son énergie magique pour deux idiots.
"""Superbe moment. Yuga a envie d'être un peu méchant, je pense qu'il aime ça. Et une Sage, une ! Drôle de liste de courses XD. Oui, les religieux Hyruliens sont autorisés à avoir des enfants."""
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