7. Enquête
John regarde l’intrus le temps de s’assurer qu’il ne se trompe pas sur le contenu de la bouteille puis se tourne lentement vers moi pour me gratifier d’un regard peu amène. Ses yeux verts me transpercent tandis que son cou s’écrase entre ses épaules quand il prend une interminable et bruyante inspiration. Je ne sais plus où me mettre, son silence est pire que toutes les injures qu’il aurait pu m’infliger. Le serveur n’en mène pas large non plus. Le pauvre bougre, conscient de l’électricité palpable qui règne, ne sait quelle attitude adopter et il peine à maintenir son plateau qui commence à vaciller.
Comme je l’ai fait un peu plus tôt avec Dannie, mon fry congédie le garçon d’un revers de main. L’orage approche. Je me détourne légèrement pour lui cacher la majeure partie de mon visage. Il va m’offrir un sermon qui va me fatiguer. Je le surveille du coin de l’œil quand il se décide enfin à commencer :
— À quoi joues-tu, Lukas ?
Que fait ma sœur ? Je suis surpris de ne pas l’avoir encore aperçue aujourd’hui. Elle a forcément déjà appris mon retour à la surface. Je regarde de l’autre côté, la jolie vue en attendant que mon ami termine son discours.
— … responsabilités … redevenir celui que tu étais … venir de toi !
Comment amener Carly jusqu’ici ? Je pourrais envoyer mes gardes du corps, ils s’assureront qu’elle prenne bien l’avion et la déposeront devant chez moi, à Summerlin.
Soudain, ses paroles m’interpellent :
— Carlyanne ne représente-t-elle pas un objectif suffisant ? demande mon frère, maintenant assis sur le bord de mon bureau. C’est cet homme là que tu veux lui montrer, cet ivrogne ? Ressaisis-toi, mon vieux.
— C’est bon, j’ai compris, j’assure d’un ton ferme, posté debout, face à lui. Tu as une solution à m’apporter, m’as-tu dit.
— Donne-moi ton téléphone, dit-il, main tendue.
Mon meilleur ami, le seul d’ailleurs, bénéficie de toute ma confiance, dans n’importe quel domaine. Pourtant, à ce moment précis, il ne satisfait pas pleinement ma curiosité. L’appareil dans ma paume, j’hésite encore :
— En quoi va-t-il te servir ?
Il s’assure que la porte de séparation est bien fermée, que l’interphone est bien éteint avant de se rapprocher et d’avouer, à voix basse :
— Tu te souviens du pote de Bryan, le chef de la sécurité ? Celui qui nous a rendu service quand on soupçonnait le gérant des boutiques de revendre des informations confidentielles.
— Le hackeur ?
— Moins fort ! m’admoneste mon Fry en lorgnant de tous côtés. Il est d’accord pour creuser, moyennant finance, bien entendu. Il te donnera accès aux comptes de Carly sur les réseaux sociaux qu’elle utilise. Ça prendra un peu de temps car on n’a que son prénom et la Guadeloupe pour démarrer les recherches. J’ai rendez-vous avez lui au bar à bières.
Je dépose l’I Phone sur mon bureau sans cesser de réfléchir. Confier mon mobile à un inconnu avec de telles capacités me parait risqué. Les informations qu’il pourrait y trouver et divulguer me porteraient un préjudice considérable.
J’appelle ma secrétaire via l’interphone et l’invite expressément à m’apporter mon plus vieil appareil. Je sais qu’ils sont tous réunis et conservés dans un coffre dissimulé à l’arrière de la pièce.
La jeune femme roule encore des hanches, tout sourire lorsqu’elle accède à ma requête, et me lance un regard lourd de sous-entendus. Je me souviens, amusé, de rapides moments d’intimité, de sa peau laiteuse et parfumée, et de sa bouche experte. Un vif coup d’œil à John me ramène à la réalité. Sourcils levés, il surveille mes réactions, sourire aux lèvres, tandis que Dannie profite de l’échange pour frôler mes doigts. Je me dégage vivement, incommodé. Après m’être assuré que l’appareil ne contient plus aucune donnée importante, je le tends à mon ami.
— Utilise celui-ci. Une estimation de temps ?
— Avec de la chance, à peine une heure, sinon rajoutes-en deux ou trois. Tu peux aussi chercher de ton côté, je reste joignable.
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