8. Facebook

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Agacé de guetter le retour de John, je prends connaissance des mails en attente depuis ma retraite dans mes appartements.

Dan Burder, notre associé pour Kingdom Incorporation, propose une date pour le lancement officiel de notre nouveau mmorpg et s’impatiente après trois messages restés sans réponses. Je prétexte une mauvaise grippe qui m’a tenu alité et me confonds en plates excuses avant de lui demander encore quelques jours pour rendre ma décision. Période durant laquelle je compte bien planifier le futur séjour de Carly chez moi.

J’étudie les appels d’offre de plusieurs jardiniers-paysagistes susceptibles de réaliser la décoration à l’occasion des fêtes de Noël. Trois sur une douzaine ont retenu mon attention quand un fort coup contre la porte suivi de son ouverture brutale me font sursauter. Je regarde, furibond, John entrer, inconscient de la frayeur qu’il provoque à chaque fois.

Je me lève et contourne le bureau pour venir à sa rencontre tandis qu’il me tend déjà le vieux téléphone.

— C’est fait. Carly n’est pas une grosse fanatique des réseaux sociaux, commence-t-il en prenant place sur le canapé près du bar. Elle utilise Facebook où elle a créé une page pour louer ses gîtes.

Tout ouïe, je dépose l’appareil sur la table basse et sors deux canettes du réfrigérateur avant de m’installer dans un fauteuil, face à lui tandis qu’il poursuit son résumé :

— Elle dispose aussi d’un compte Instagram, mais elle n’y a publié qu’une unique fois, il y a 3 ans. Le type a cependant trouvé une application qui t’intéressera sûrement. Ça s’appelle Scribay. Je te laisse y jeter un œil, achève-t-il en me scrutant de son fin regard perçant.

Un beau rot bien gras s’échappe de sa gorge alors qu’il claque la boite en fer vide sur le plateau et se lève pour prendre congé. Je râle et grimace en le chassant de la main, tandis que de l’autre, je m’apprête déjà à satisfaire ma curiosité.

Un morceau de papier dépasse de la coque : les identifiants et mots de passe des comptes nommés par John. Je me penche sur celui qui me semble le plus propice à me donner les informations dont j’ai besoin. L’écran bleu et blanc m’invite à inscrire les renseignements fournis dans les cadres. Une profonde inspiration me permet de calmer les battements de mon cœur qui menacent de s’affoler. Une nouvelle page apparait.

Après avoir rapidement vérifié la fréquence des publications, je reviens, rassuré, sur la photo de couverture.

Un store bleu et blanc en fond. Ma respiration se bloque. Carly. Magnifique, en jupette, un top cachant juste ses seins. Elle pose, accroupie, en talons aiguille à strass, aux pieds d’autres figurants. À regrets, poussé par un vif intérêt, je détourne les yeux et les détaille, un à un, accoudés et adossés à une barrière blanche. Le plus à gauche doit avoir à peu près mon âge. Le mari. Un sentiment désagréable s’empare de moi. Son sourire m’écrase et le regard qu’il porte sur Elle m’oppresse. J’ai chaud. L’envie de fermer l’application agace mon index, pourtant, je n’en fais rien. Je sais qu’il est mort, mais je parviens difficilement à me concentrer sur le garçon du milieu. Un long sifflement d’admiration m’échappe quand je zoome sur lui. Pas mal, le gars. Sa gueule d’ange, le bleu turquoise de ses yeux, sa carrure et sa posture m’impressionnent. Il en impose le mec, un tombeur à coup sûr. Il a pris beaucoup de son père. L’ado, à côté de lui, est mignon, lui aussi. Une tête de moins que son frère, il ressemble plus à Carly. La couleur marron foncé de ses iris, encore assombrie par ses épais sourcils noirs lui donnent un air filou et sûr de lui. Le sourire parfait qu’ils affichent tous les quatre avec tant de naturel et une telle confiance m’arrache le cœur. Du plus loin que je me souvienne, Angie et moi n’avons jamais connu d’instant semblable. La gorge serrée, je me demande si ce genre de bonheur s’offrira un jour à moi.

Démoralisé, gagné par les frissons, je me lève, range le téléphone dans ma poche et quitte mon bureau. Suivi par mes deux gardes du corps, Kevin et Ryan, je me déplace à grand pas dans les allées du palace et me dirige sur la place extérieure, près des canaux et des gondoles.

J’apostrophe une serveuse alors que j’entre dans un restaurant italien et lui commande trois cafés pour mes hommes restés à l’entrée et moi, sans lui laisser le temps de s’extasier quand elle me reconnaît. Installé à une table au fond de la pièce, dos à la porte, je rallume l’appareil et reviens sur la page que j’avais volontairement laissée ouverte.

La photo de profil est tout aussi splendide que la première. Elle représente un couple de jeunes mariés. Carly et son mari. Je serre les dents. Elle est très belle, dans sa robe de princesse, avec ses gants en satin blancs et son grand chapeau d’où s’échappe un long voile. Pourtant, je ne ressens pas cette envie d’elle que me procure le souvenir de ce soir où elle portait ma robe blanche. Je frémis rien que d’y penser. Le couple se tient enlacé debout, au bord d'une piscine éclairée autour de laquelle végètent quelques arbustes fleuris. Un beau ciel étoilé achève d’éclairer cette scène romantique. Je dépose l’appareil avec violence, l’écran face au plateau de la table, tiraillé entre l’envie de briser cette représentation d’harmonie parfaite, et l’espoir que le verre ait résisté à mon excès de colère.

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