18. Fin de semaine

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— Je suis prêt ! On y va ?

Je sursaute avec violence tandis que Carly se redresse vivement. Gênée, elle regarde en rougissant son fils arrêté à l’entrée du couloir, puis m’adresse un bref coup d’œil avant de diriger les yeux sur le carrelage.

— Un petit tour aux toilettes et nous partons, annonce-t-elle alors qu’elle a déjà atteint le corridor, visage toujours baissé. Cyril, tu veux bien fermer tous les volets, mon trésor ? Merci. Lukas, bois ton café et verrouille le gîte, s’il te plait.

*****

Durant le trajet, Carly s’informe de la journée de son fils, heureux d’être enfin en vacances et lui rappelle de ne pas attendre le dernier moment pour commencer ses devoirs. Je découvre qu’il pratique bien le football et le compare au sport joué dans mon pays. J’apprends que le jeune fait partie de l’équipe une de son club et qu’il en est même l’un des piliers, repéré par la ligue guadeloupéenne de football qui l’a convoqué par deux fois hors département et invité à rejoindre le Creps, une école de formation sportive, d’après ce que je comprends. L’année scolaire déjà en cours, le projet ne verra le jour qu’à la rentrée prochaine, s’il doit aboutir, et le gamin est malgré tout convié à s’y entraîner parmi les élèves de son niveau, une fois par semaine. Je ne m’étais donc pas trompé, il est bon !

— D’ailleurs, maman, Tony a organisé un match amical demain matin. Tu pourras m’y emmener ?

— Les clients du gîte un partent demain matin, mon trésor, et je dois le préparer pour les nouveaux arrivants. Tu sais que c’est compliqué pour moi le samedi, en pleine saison. Pierre y va ? Son père t’emmènera.

— Je peux l’accompagner, moi, suggéré-je, attristé par leurs airs déçus. Tu me dirigeras, je poursuis à l’attention du garçon.

La mère ne se montre pas trop emballée, mais finit par accepter ma proposition, soulagée par la mine réjouie de son rejeton. Guère habitué aux adolescents, j’envoie un message à mon bro et lui demande de m'assister, mais il a promis au môme de Sybille d’assister à sa battle ! Je peste en silence contre moi-même, ce type incapable de résister à une femelle génitrice et qui se fourre dans des situations inédites. Je relativise. J’ai pu dompter une tondeuse, je devrais m’en sortir avec un adolescent.

*****

L’hypermarché est plus petit que celui où j’avais accompagné Carly, en métropole française. Le parking est bondé et il nous faut bien dix minutes pour trouver une place où nous garer. Par chance, on n’est pas très loin de l’entrée et de l’air frais.

Dans la galerie, nous dépassons quelques boutiques avant d’accéder à la grande surface.

Cyril nous abandonne pour découvrir le rayon jeux vidéos, et interpellé par l’idée, désireux de me rapprocher de lui, je le suis sans même en informer sa daronne. Le mec est vraiment obnubilé par le football ! Il me décrit avec conviction le dernier Fifa et s’extasie sur des joueurs inconnus pour moi. S’en suit une longue discussion avec un autre fan du jeu dont je profite pour examiner les jaquettes proposées dans les boitiers antivol. Fortnite partout, forcément !

Je connais le jeu par cœur, ses failles, ses bugs… Mes programmateurs n’en sont pas les concepteurs, mais mon équipe aurait pu sortir un tel phénomène. Nous avons beaucoup disserté à ce sujet.

— Je suis sur que je vous prends à Fortnite ton frère et toi, défié-je Cyril avec assurance.

Le mec se moque de moi ! Normal, il ignore qui je suis. Nous nous chamaillons, nous provoquons gentiment, et nous donnons rendez-vous pour une partie qui s'annonce endiablée le soir même, avant l’arrivée des invités.

Son frère arrive, je m’éclipse et pars à la recherche de ma belle.

Elle fait la queue à la charcuterie. J’arrive derrière elle sans bruit et me colle à elle alors que mes bras entourent déjà sa taille. Sans chercher à me faire face, elle se love contre moi, la tête sur mon épaule. J’adore ça ! Nous nous balançons, doucement, tandis que je murmure à son oreille :

— Si tu savais à quel point tu m’as manquée. Je regrette tellement.

Elle se décale légèrement pour poser l’index sur ma bouche.

— Chut, profite de l’instant.

Je pousse le caddie dans les allées pendant qu’elle prend son temps pour le remplir. Elle vérifie les prix, compare le contenu, hésite avec l’article rangé à côté… J’observe ce phénomène étrange et me réjouie de ma bonne fortune. Les courses, quelle activité fatigante ! Les courses de chevaux sont cent fois plus excitantes !

— Tu n’as besoin de rien pour ta toilette, pour déjeuner, diner ? demande-t-elle, inquiète.

— J’avais espéré que tu m’offrirais le gîte et le couvert, ricané-je avec un sourire et un regard malicieux.

Elle réfléchit, hésite, l’expression de son visage, surprise. Puis défiante, elle me tend la main pour celer notre accord et attend que je la serre.

— Ok pour le couvert, tranche-t-elle, par contre, la douche, tu la prendras de ton côté.

Je refuse de bouger mes doigts de la barre du chariot quand je tente ma chance :

— Humm, je nous y vois déjà. Ensuite, on ira froisser les draps au-dessus de la mezzanine.

Je ponctue ma proposition d’un clin d’œil et d’un air alléché tandis que, sans répondre, elle repose les yeux sur sa liste de course pour masquer sa mine intéressée. Ses enfants arrivent. L’ainé me salue d’une poigne ferme, l’air curieux.

Tandis qu’elle les accompagne dans les rayons biscuits et céréales, je découvre celui d’après. Tous ces sachets de bonbons partout ! Lesquels préfère Carly ? Les bananes, non, les schtroumpfs. À moins que ça ne soit les fraises Tagada. Les mêmes que moi, si je me souviens bien. J’arrache un paquet de chaque à l’étagère et rajoute même des bouteilles de coca. Tout le monde aime ça, non ?

Enfin, je demande à ma compagne… Je n’ai pas de compagne, mais faire les courses ensemble, avec ses enfant qui plus est, ça y ressemble, je pense. Aucun de mes habituels produits de toilette n’est proposé ici, et c’est indécis que je l’encourage à choisir pour moi. Les flacons débouchés, elle teste le parfum du shampoing avant de m’autoriser à sentir à mon tour. Certains, fort boisés, la font grimacer tandis que d’autres, un peu trop fruités m’arrachent des cris écœurés. Nous rions, complices, indifférents aux deux garçons qui nous observent avec perplexité.

Nous terminons par les rayons boissons, puis nous dirigeons vers les caisses. Le caddie est bien rempli, il déborde au point que je me vois chargé de porter un pack de bières, tandis que Cyril retient tant bien que mal différentes sortes de pains dans ses bras et que son frère balade un sac de fruits et de légumes.

Les jeunes sur leurs téléphones portables, Carly et moi nous bousculons pour caser les articles dans les cabas. Je n’ai pas oublié son habitude de séparer surgelés, produits frais, cosmétiques, et autres, et je savoure son rire quand elle se rend compte que je me trompe volontairement. Du pur bonheur. Une petite discussion nous oppose cependant au moment de régler la note.

— Carly, laisse-moi participer. Tu me loges, me nourris et il y a mes articles là-dedans. En plus, j'aurai le sentiment d’être normal, comme ton ma…

Elle ne rit plus. Elle détourne le regard et commence à pousser le chariot.

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