21. Match de foot

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Des coups frappés contre la porte, accompagnés de cris répétés nous réveillent en sursaut et je reconnais, le cœur affolé, les voix de Thomas et Cyril.

Carly panique parce qu’elle s’est endormie dans mes bras, tandis qu’elle remonte le drap sur elle. À moitié ahuri, je me hâte d’enfiler mon jean, me précipite vers l’entrée puis ouvre à la volée.

— Salut ! clamé-je, enjoué et tout sourire, ébloui par le soleil déjà bien haut.

— Salut, maman est là ? demande l’aîné, gêné, sans chercher à masquer sa curiosité quand sa tête tente de regarder derrière moi.

— J’arrive les garçons, j’apportais juste le petit déjeuner à Lukas, explique ma belle, le ton haut perché, en provenance de la cuisine.

Je me retourne et me retiens de rire alors qu'elle grimace, enroulée dans le drap. Du doigt, elle me désigne sa robe qui traine sur le carrelage, bien comme il faut dans le champ de vision des adolescents. Je me concentre sur eux, mon rictus si étendu que les zygomatiques en deviennent douloureux. Le regard fixe du cadet, en direction du canapé déplié, ne laisse planer aucun doute quand à ce qu’il observe. En l’occurrence, le témoin de nos ébats et le vêtement de sa mère.

— Maman, tu as oublié mon match ? demande-t-il alors qu’il hausse les épaules et soupire avec Thomas.

— Non, c’est juste que… j’étais fatiguée et je me suis endormie devant le film.

Cette fois, je me mords les lèvres pour retenir mon fou rire tandis que les deux gars secouent la tête et font demi-tour. Je referme la porte et admire ma beauté, en train de lutter pour rester cachée sous le drap tandis qu’elle récupère sa robe et son shorty. Elle peste, râle contre elle-même pour s’être laissée aller au point d'avoir négligé l’importance du football pour son fils. Je m’approche en silence, attend qu’elle ait revêtu, avec impatience, son vêtement, pour entourer son visage de mes mains. Je plonge mes yeux dans son regard angoissé et la rassure :

— Calme-toi, tout va bien. Tes enfants sont des gars bien, et surtout, ils sont loin d’être idiots. Tu vas aller nous préparer quelque chose à avaler vite fait dans la voiture et je vais les emmener, comme c’était prévu.

Je dépose un baiser sur ses lèvres frémissantes et tapote vivement sa fesse en m’effaçant pour l’encourager à rejoindre sa maison.

*****

Carly nous a munis d’une glacière garnie de tranches de brioches au Nutella et à la banane, de compotes à boires et de bouteilles d’eau. Un régal. Fort heureusement, elle a même pensé aux serviettes en papier, car une rondelle de fruit s’échappe et laisse une trainée marron peu ragoutante sur le papier blanc.

Pendant le trajet, j’apprends que Thomas, en plus du foot, possède un don de dessinateur et qu’il aime particulièrement réaliser des portraits. Je retiens l’information. Elle pourra m’être utile si Carly décide d’accepter mon invitation.

Son frère par contre, outre le sport qu’il pratique déjà, ne s’intéresse guère à d’autres activités, si ce n’est la pratique des jeux vidéo. Je le taquine lorsque qu’il enfile ses chaussettes, si longues qu’elles couvrent sa peau jusqu’à mi-cuisse, tel un bas. Puis il glisse dessous ses protège-tibias avant de les maintenir avec une large bande élastique.

— Si tu les montes encore, tu seras beau avec tes collants bleus et tes transats rouges, me moqué-je, encouragé par le rire de son frère.

Ce dernier m’explique que les crampons s’abiment avec le gravier et qu’il vaut mieux les chausser une fois sur le terrain.

Je suis surpris par le nombre restreint de voitures stationnées sur le parking. À peine garés, le joueur sort du véhicule, ses chaussures à la main, et récupère son sac à dos à l’arrière avant de nous saluer et de partir à le rencontre d’un petit groupe de garçons. Tous habillés de la même tenue, ils s’approchent du bâtiment et des vestiaires en trainant les pieds. Leur attitude me surprend et j’espère vivement qu’ils vont se montrer plus énergiques s’ils veulent remporter le match.

— Fais leur confiance, me rassure Thomas, quand je lui confie mes craintes. L’entraineur arrive avec le reste de l’équipe. Le type tout en noir, c’est le papa de Pierre, m’explique-t-il. Il fait souvent l’arbitre lors des rencontres amicales.

Munis de chaises pliantes qui ne m’inspirent guère confiance, le jeune homme et moi prenons place autour du grillage, où quelques parents patientent déjà sur des fauteuils identiques.

Ma sœur m’appelle pour m’annoncer que ma gondole est achevée et prête à être livrée. Son ton geignard m’agace profondément.

— Je reviens dans quelques jours, Angie, fais patienter Monsieur Galla.

— Il insiste, il n’a pas la place pour la garder. Lukas, qu’est ce que j’en fais ? Je la fait déposer dans le canal ?

— No ! Definitely not ! I don’t want to see any scratches on it. You have to keep him waiting.*

Je raccroche, exaspéré. Elle n’était pas sensée découvrir mes projets, même s’il ne s’agit que d’un tiret sur la liste de mes intentions. Les femmes, les daronnes, me regardent en souriant de toutes leurs dents. Même l’ancêtre, au visage profondément ridé, sortie sans son dentier. Je grimace un retour et me concentre à nouveau sur les adolescents. Cyril en particulier.

Les deux bataillons de jeunes arrivent un à un sans se presser et procèdent chacun de leur côté à des séries d’étirements en attendant les coachs. Ces derniers à peine sortis des vestiaires en compagnie de l’arbitre, invitent leurs équipiers à démarrer un footing le long de la clôture. Au bout de deux tours, ils procèdent à de nouveaux exercices en guettant l’appel du croque mitaine en short. Alignés au centre du terrain, face à lui, chaque membre des deux équipes serre la main aux adversaires, après s’être incliné face au public. Les spectateurs applaudissent, quelques géniteurs aperçus en train de somnoler dans leur voiture se sont approchés et se mêlent aux encouragements.

— Allez les bleus ! les imité-je, poing levé, aussi fort que je peux.

L’écho provient de ma propre voix. Surpris de me retrouver seul à soutenir les enfants, je jette un œil à mon entourage et constate que les femmes me lorgnent toujours avec ce sourire beat. Certaines vont jusqu’à bouger leurs cils avec frénésie en se hâtant de cacher leur rictus satisfait dès que mes yeux se posent sur elles. L’aïeule tord sa mâchoire édentée tandis que ses yeux me dévorent de la tête aux pieds. N’y a-t-il personne pour lui dire qu’elle est ridicule ? Qu’elle fait chavirer mon cœur… de peur ? J’avale ma salive avec difficultés et reporte une nouvelle fois mon attention sur le terrain.

Le match a commencé. Les joueurs, d’un côté comme de l’autre, ne sont pas encore à fond dans l’épreuve. Chaque partie teste et examine le jeu de l’autre. L’entraineur aboie ses ordres de sa voix forte, admoneste verbalement untel qui tarde à regagner sa place. Le gars râle et reprend son poste en trottinant après s’être assuré que le ballon est assez loin.

Puis soudain, tout accélère. Un type en vert tire au but. Le gardien réactif, intercepte la balle et la renvoie aussitôt à Cyril, arrière droit, qui s’évade à reculons, à ras de la ligne, en direction du camp adverse. Il réceptionne le projectile avec adresse, se retourne et file droit devant, au pas de course. Ses yeux observent rapidement les possibilités. Tous les joueurs remontent, les bleus tentent de se démarquer, l’entraîneur s’égosille :

— Vas-y, Cyril ! Oui ! Oui ! Maintenant !

Le forcené se déleste de son fardeau d’un coup de pied adroit. Un Charly le récupère habilement et tire !

— Yes ! Yes, yes, yes ! je m’esclaffe, agrippé au grillage, à côté de Thomas.

*— Non ! Surtout pas ! Je ne veux voir aucune rayure dessus. Tu dois le faire attendre !

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