27. L'ensorceleuse

5 minutes de lecture

Léandra, rejointe par ma belle, nous tend des serviettes puis nous enlace et nous invite à la suivre pour une présentation de sa famille, laissée à l’ombre des arbres. C’est le moment de parler à Carly. J’espère qu’elle comprendra mon expression insistante et saisira l’opportunité.

— Avancez, je vous rejoins dans une minute.

Ma serviette étalée sur le sable brûlant, j’invite ma poupée à s’y installer, près de moi. Côte à côte, l’un contre l’autre, les jambes étendues, je savoure cet instant de quiétude quand soudain, ses cuisses remontent contre sa poitrine. Mon coeur s'affole alors que ses mains s’appuient sur le drap de bain. Ne me quitte pas déjà. Mon bras sous sa nuque l’entoure avec hésitation et l'espoir qu'elle ne me laisse pas, tandis que j’ose admirer son profil. Immobile quelques secondes, elle finit par poser sa tête sur mon épaule. Il est un peu tôt pour le coucher de soleil, mais si nous restons suffisamment tard… peut-être pourrons-nous parler étoiles.

Finalement, ce sont les autres qui nous rejoignent, un gobelet à la main. Sybille et John nous tendent un verre de punch tandis que Léandra me présente son mari et ses enfants. Le premier a l’air cool, les mômes ont sensiblement le même âge que ceux de l’ourse et de Carly.

Que font-ils tous ? Ils se dirigent vers l’océan, leur gobelet toujours entre les doigts. Ils s’éloignent vers la mer, tandis qu’indécis, j’interroge mon bro. Après un haussement d’épaules, il se décide à les suivre. Allons-y.

Attroupés dans l’eau, nous trinquons à cette magnifique journée, pendant que les garçons font se font des passes de foot, un peu plus loin. Les deux gamines, celle de Sybille et la fameuse Linda discutent, allongées sur le rivage, la tête curieusement tournée vers la droite. Ok, je vois ! Un jeune mâle bien bâti se prépare à aller observer les poissons, un masque sur le nez, un tuba enfoncé dans la bouche.

Les femmes se rapprochent du bord pour retourner sous les arbres. Le cœur en émoi, je retiens mon souffle et frissonne quand ma Carly m’effleure au passage et frôle mes doigts. Le soleil fait briller les gouttes d’eau qui roulent sur sa peau bronzée quand elle se redresse et son sourire m’éblouit alors qu’elle se retourne vers moi.

La voix grinçante de l'ourse me sort de l'enchantement quand elle agresse mes oreilles :

— Ma poule, il serait temps d'attaquer le barbecue ! crie-t-elle, les mains sur les hanches, à l'intention de mon bro.

Tous les deux, les oursons dans leur sillage, sont venus tôt pour réserver un emplacement ombragé et, je suis bien forcé de l’avouer, splendide avec sa vue sur l’océan. Ils n’ont pas chômé en nous attendant. Ils ont accrochée une bâche aux branches pour éviter de tout remballer à la hâte si un grain venait à nous surprendre.

De grosses pierres délimitent le foyer déjà garni de brindilles sèches récupérées aux alentours et quelques feuilles de papier essuie-tout gracieusement huilées, accompagnées de morceaux de vieux journaux attendent au milieu, l’étincelle qui leur permettra de s’embraser.

John recouvre la totalité de charbon et craque une allumette tandis que Sybille ouvre une boîte hermétique dans laquelle reposent des brochettes de poulet.

— Retourne-les pour les enrober de marinade, exige l’ourse en m’adressant un regard de défi.

Les autres discutent ou son occupés à déposer les plats sur la table alors que je me demande comment l'envoyer se faire voir en restant poli. Ma réponse fuse, animale :

— Fais-le toi-même.

J'accèderais à n’importe quelle requête de Carly. Mais pas à celles du fauve dont les narines vont bientôt expluser la colère. C’est moi, le donneur d’ordre et ce n’est pas cette ourse mal léchée qui y changera quoi que ce soit. Elle me fixe du regard. Tu veux jouer à ça ? Aucun souci. Ses mains appuyées sur la table la soutiennent, alors qu’elle se tient prête à bondir. Mes poings sont serrés et ma mâchoire crispée, comme la sienne, qui forme une ligne droite. Mes nerfs tendus rendent ma respiration plus difficile, mais elle n’en mène pas large, elle non plus.

Ma belle, témoin de ma rébellion intervient et me désigne la plage du menton :

— Laisse, je vais le faire.

John quitte alors son feu pour nous rejoindre et passe un bras protecteur sur mes épaules avant de m’envoyer dans la même direction. Je refuse de baisser les yeux devant le glaçon, même pour faire plaisir à Carly. Merde ! L’autre a sa fierté ? Moi aussi et je ne me conduisais pas en lavette quand j’ai attiré l’attention de ma poupée. Sans laisser à la gonzesse le temps de m’envoyer une réponse cinglante, John s’empare de la viande et tente d’apaiser les tensions :

— Je m’en charge. Carly, emmène-le se rafraichir, on vous appellera quand ça sera prêt.

Ma poupée me prend par la main et m’entraine sur la plage en riant. La bonne humeur qu’elle dégage est communicative, elle me gagne peu à peu et finit par me rendre joyeux.

Ses doigts glissent, elle s’échappe et court sur le long de la bande de sable. Elle m’amuse, et si elle croit conserver sa distance, elle se trompe. Justement, elle en train de la perde, à force de se retourner pour me surveiller. Enfin, elle ralentit et me fait face, hilare et essoufflée et j’en profite pour me jeter sur elle et l’encercler de mes bras. Enlacés, nous dévalons une légère pente qui nous dépose sur le rivage, dans l’écume qui tente de nous emporter. Nos regards s’emprisonnent alors que mon corps recouvre le sien. L’effet s’avère instantané, l’émotion me transporte dans un monde ouaté qui nous est réservé.

Elle patiente, la bouche entrouverte, sans me quitter des yeux, après que j’ai déposé un timide baiser sur ses lèvres. J’hésite quand je m’approche encore, et puisqu’elle ne me repousse toujours pas, je me laisse aller et l’embrasse cette fois avec une passion grandissante.

Le sable glisse entre mes doigts, les grains courent après l’écume qui s’en va retrouver son élément en essayant de m’emporter. Mes bras entourent la taille de ma sirène qui se laisse entraîner avec moi, jusqu’à ce qu’une vaguelette nous enveloppe et nous invite à suivre son retrait.

Entouré des jambes de mon ensorceleuse, je recule, jusqu’à ce que l’eau recouvre ma poitrine. Nos souffles qui se mêlent, la caresse de nos langues et la douceur de sa peau me procurent ce sentiment d’ataraxie où rien d’autre n’existe hormis elle et moi, et où rien ne nous séparera jamais.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ysabel Floake ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0