31. Un cadeau

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Ma belle reste silencieuse. Si après ces quelques jours durant lesquels je n’ai eu de cesse de dévoiler mes sentiments, je ne suis pas parvenu à la convaincre, je vais devoir me faire violence et lâcher l’affaire. Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. En l’état actuel de notre relation, en tout cas. Si Carly refuse de me revoir, j’en aurais le cœur brisé, et je ne sais pas comment je le supporterai. Situation non envisageable. Elle viendra à Las Vegas, même si je dois revenir la chercher.

— J’ai peur, confesse-t-elle soudain.

Je sursaute et reviens au moment présent. Je réfléchis à toute vitesse et demande :

— Qu’est-ce qui te fait peur ?

— Toi, les gens, ton …

— Moi ? l’interrogé-je, interloqué.

Merde alors ! En deux mots, elle vient d’anéantir mes efforts et pire encore, mes rêves.

— Oui, de toi. J’ai peur qu’une fois rentré chez toi, tu m’oublies et de ne plus représenter qu’une obligation, une promesse ridicule, que tu redeviennes ce type arrogant et méprisant que je détestais.

Qu’est-ce qu’elle raconte ? Je pensais lui avoir prouvé mon… attachement.

— Carly, regarde-moi, la forcé-je, la main sous son menton. Tu as oublié mes aveux chez l’our… Chez Sybille ? Je veux te faire découvrir mon univers. D’ailleurs, j’ai déjà envisagé pas mal de surprises.

— Les gens vont me juger, me reluquer, m’examiner sous toutes les coutures. Sûrement rire aussi. Tu n'y échapperas pas non plus, parce qu’ils ne comprendront pas ce que tu fais avec une femme comme moi. On a beau dire qu’on s’en fout du regard des autres, c’est faut, ça pèse malgré tout. Tu les sens, leurs yeux dans ton dos, tu les vois même, parfois. Tu entends leurs murmures derrière toi, ou tu vois leurs lèvres bouger. Je ne suis pas de ce monde, Lukas. Je ne sais pas faire semblant. Et puis, je me méfie de tes surprises.

— Est-ce que tu feras cet effort pour moi ?

Une sonnerie retentit. Carly tressaille, elle tend l’oreille. Son corps aussi, d’ailleurs, comme un ressors. La musique de son téléphone accapare son attention.

Ma belle roule, se jette hors du lit et cours jusqu’à son appareil, oublié sur la terrasse. Je sais qu’elle a décroché quand son « halo ? » inquiet arrive jusqu'à moi.

— Nous serons là dans une petite demi-heure, répond-elle à l’intrus.

Je fulmine. La stalactite a encore frappé. Que fais–tu, John ? Tu n’as pas encore réussi à la dégivrer ? Tu me déçois, mec !

Quand Carly réapparait, je suis déjà debout, en train de refermer sa fichue moustiquaire.

— C’était Sybille, se croit-elle obligée de préciser.

— Sans déconner ! Il n’y a qu'elle pour me faire chier autant !

Aïe. C’est sortit tout seul.

— Tu devrais aller te préparer, ils nous attendent pour dîner, précise-t-elle, sur un ton presque aussi froid que celui utilisé par sa copine quand elle s’adresse à moi.

Ne voit-elle donc pas à quel point son amie me déteste ? Je tente de lui ouvrir les yeux :

— Tu n’as pas entendu sa façon de me parler ? De me défier ? Et même de me regarder ?

— Elle t’en veut encore pour ce que tu m’as fait en France, Lukas. Elle est têtue, c’est vrai, mais je ne connais personne avec un cœur aussi grand que le sien. Tu n’as que Sybille à supporter, moi j’avais toi, et ta sœur !!! Poursuis tes efforts et ça lui passera.

Elle dépose un tendre baiser sur mes lèvres et me renvoie dans mon gîte avec un clin d’œil :

— Je ne veux pas que tu traverses le jardin nu comme un ver après avoir pris ta douche ici, alors file, et rejoins moi ici dès que tu seras habillé.

L’eau, fraiche, parce que froide, ici, pas sûr que ça existe, me rafraichit tout de même. J’enfile mon jean, une chemise dont je replie les manches et lace mes Weston.

Un flacon me laisse pensif. Il me rappelle notre virée dans les boutiques du centre commercial. Invictus, le parfum qu’elle avait choisi pour moi. Je m’en suis fait livrer une boite avant de quitter Las Vegas. Je m’en asperge tandis que les fragrances me ramènent avec nostalgie à ce jour là, au plaisir que j’ai ressenti juste en lui offrant une fiole d’Insolence. Je lui ferais cadeau de la lune si elle le voulait.

Une noisette de mousse étalée dans mes cheveux suffit à leur donner un effet mouillé et à mettre en valeur le noir satiné de mes cheveux. Après avoir replacé quelques mèches, je souris à mon reflet et lui adresse même un clin d’œil. Quel beau gosse ! Et dire que Carly hésite à s’afficher avec moi. Nous formerions un couple parfaitement assorti, splendide.


Elle m’attend dans un fauteuil de sa terrasse quand je quitte mon gîte, puis elle se lève pour s’accouder à la barrière et me suivre des yeux.

— Tu es vraiment à tomber, avoue-t-elle alors que je la rejoins, ses yeux me détaillant de la tête aux pieds.

— Oui, je trouve aussi. Mais tu n’as rien à m’envier. J’espère que ta maison n’est pas construite sur un cimetière sinon tous les morts vont remonter pour venir t’admirer.  Merde ! J’espère que son mari n’est pas enterré dans le jardin ! Je n’ai vu ni pierre tombale, ni stèle quand j’ai tondu la pelouse. Alors pourquoi fait-elle cette tête ?

Ses paupières, surmontées d’un trait noir, restent immobiles sous les sourcils arqués tandis que ses iris s’accrochent aux miens et que ses lèvres brillantes, pincées, forment une sorte de demi-lune et creusent ses joues roses. Après quelques secondes de stupeur, ma poupée bat des cils et s’exprime enfin :

— Je vais te présenter un ami qui a fait fille en deuxième langue. Il t’apportera de très bons conseils.

Je n'éprouve pas spécialement l'envie de rencontrer ses ami is, les ies me suffisent. Et puis j'ai la malchance d'en connaitre déjà un, j'ai nommé Mickey ! Sa langue pendrait comme celle d'un chien assoiffé, s'il la voyait ce soir, renversante dans sa robe noire à petites fleurs rouges. L’envie de faire glisser les fines bretelles qui mettent en valeur ses épaules délicates, et d’y déposer de légers baisers me taraude déjà. Le bout de mon doigt remplace ma langue alors qu’il suit le doux liseré en fil noir, ondulé, qui souligne le décolleté plongeant et ouvert du vêtement.

Ses longs cheveux forment une rivière mouvementée dans son dos quand elle remue et que les boucles soyeuses s’agitent. Des effluves de violettes chatouillent mes narines, suivies par des senteurs fruitées. Insolence. Nous étions complices, quand nous avons choisi ces eaux de toilette. Il faut absolument que je réserve un moment pour le shopping lors de son séjour chez moi. Ce besoin de la toucher, avec délicatesse, m’oppresse et je m’empare de ses mains.

— Carly…

La bouche entrouverte, ses yeux brillants dans les miens, elle attend la suite, tandis que mon cœur gonfle et m’étouffe, que l’air me manque et qu’une chaleur intense m’envahit.

— Je…

Je ne sais pas trop ce que je cherche à lui dire. Ou ce qu’elle attend. Elle est comme suspendue à mes lèvres.

Face à mon hésitation et à mon regard fuyant, elle se dégage et se dirige vers la cuisine d’un pas pressé, pour réapparaitre quelques secondes après, une bouteille de champagne entre les mains.

— C’est ton anniversaire ? demandé-je, déçu de ne pas y avoir pensé.

Imbécile, tu n’as même pas eu l’idée de regarder sa date de naissance sur Facebook. Du coup, tu n’as rien pour elle !

Si, moi.


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