33. L'échange
Sur la terrasse, mon bro, en maillot de bain, me tend un verre.
— L’apéro dans la piscine, ça vous dit ? propose l’ourse, en tenue, elle aussi. Vous avez pris le nécessaire, comme je te l’ai dit ? s’assure-t-elle auprès de sa copine.
Ma princesse acquiesce, puis se rapproche en souriant.
— Mon short est resté… commencé-je.
Ses bras m’entourent alors qu’elle glousse avant de déposer un baiser sur mes lèvres.
— J’ai rincé les deux, me confie-t-elle avec un clin d’œil.
Ses doigts entrelacés aux miens m’entrainent à l’intérieur de la maison où elle récupère un petit sac. La porte attire encore mon regard quand nous passons devant. Pourtant, je reporte mon attention sur ma poupée, qui me précède dans une chambre. Une lumière extérieure s’infiltre par les interstices des volets et plonge la pièce dans une pénombre aux reflets bleus et violets.
Carly quitte sa robe et son string en dentelle tandis que j’admire le spectacle, fasciné. Elle fouille dans la besace et récupère mon vêtement.
— Ils sont encore mouillés, explique-t-elle tandis qu’elle me présente le mien. Ils dégoulinent, mais de toute façon, dans l’eau, le résultat sera le même.
Pour prouver ses précisions, elle enfile la culote, puis le haut, non sans quelques difficultés.
— Allez ! Déshabille-toi ! me presse-t-elle en tirant sur les pans de ma chemise.
— On vous attend ! crie l’ourse, de la terrasse.
Sa voix se rapproche dangereusement :
— Carly, tes enfants veulent savoir si tu leur as ramené des serviettes sèches. Ils vont se servir à boire et trinquer avec nous.
L’interpellée répond par l'affirmative, m’adresse une moue désolée, se colle à moi et m’embrasse à la hâte avant de disparaitre.
Le bas de mon corps enfin recouvert du caleçon trempé, je m’empresse de rejoindre tout le monde. John m'attend et fredonne le refrain d’un titre du groupe Imagine Dragons qui s’échappe de l’enceinte, près de la piscine. Je récupère mon verre sur le passe-plat et porte un toast :
— À ces françaises, proposé-je avec un clin d’œil.
À quel moment suis-je devenu adepte de cette tradition ?
Le glaçon râle encore, cette fois à cause du temps que j’ai mis à me préparer. Je l’ignore. Les yeux de Carly se posent sur ma chemise humide et entrouverte, ses lèvres se séparent, puis ses iris dorés s’accrochent aux miens. Ma boisson oubliée sur le comptoir, je me dirige vers elle. Elle dépose son pastis sur la table et vient à ma rencontre. Ses doigts glissent sur mon torse, sous le fin tissu. Tandis qu’elle remue, en rythme avec la musique, j’oublie la fraicheur du maillot de bain. Mon corps se réchauffe. Je danse avec elle, entoure son visage de mes paumes et l’embrasse. La passion de sa réponse nous transporte sur un nuage. Mes bras couronnent son cou, nous isolent du reste du monde. Je veux poursuivre notre étreinte, notre baiser.
Hélas, elle se dégage. À regret, je le sens. Je le vois aussi, à ses sourcils froncés. Elle se tourne vers ses enfants, s’assure qu’ils ne nous prêtaient pas attention, puis cours jusqu’à la piscine, où elle saute sans plus attendre.
J’abandonne ma chemise sur une chaise, et m’approche du bassin après avoir repris nos verres. Les premières marches descendues, je m’assieds dans l’eau qui recouvre la moitié de mon corps. Les autres s’installent à leur tour et ma belle nage jusqu’à nous avant de s’asseoir devant moi, entre mes jambes.
Les verres et gobelets s’entrechoquent dans un joyeux tintement à moitié recouvert par nos souhaits de bonne santé. Pourtant, l’ourse, mon vis à vis, ne peut s’empêcher de me rappeler à l’ordre :
— On se regarde, quand on porte un toast, mon vieux. On se regarde, pour montrer sa sincérité, souligne-t-elle en me fixant, les paupières relevées au maximum.
Sans me quitter des yeux, elle passe lentement le bout de sa langue sur ses lèvres ! Interloqué, je m’assure de ne pas me tromper, que personne n’assiste à ses gestes déplacés, puis distingue avec écœurement l’ongle qu’elle s’amuse à glisser entre ses dents. Un sentiment de nausée me submerge et je détourne les yeux.
— Sybille ? Qu’est-ce que tu fais ? demande vivement ma princesse, d’une voix accusatrice.
— Rien, mon verre est ébréché, ma lèvre saigne, répond le fauve en se levant.
Je me réfugie au-dessus de la tête de ma belle et dépose un baiser sur sa tempe alors que mes bras encerclent ses épaules.
Les gamins retournent au milieu du bassin avec leur ballon tandis que les deux nénettes partent profiter de l’intimité du carbet, pour discuter. Garçons, sûrement. Je les observe d’un œil amusé et remarque que l’oursonne me reluque timidement. Elle change aussitôt de position mais je suis sûr qu’elle a sourit. Merde alors ! Je me décale légèrement, de manière à faire encore un peu plus face aux adultes.
Paulo nous explique son métier, ses avantages et ses contraintes. Loueur de bateaux sans permis, ses journées de travail dépendent des conditions météo. L’entretien des embarcations demande du temps et de l’argent. Coques et moteurs sont vérifiés chaque jour, tout comme le réglage des GPS qui trace la route maritime des visiteurs. En effet, le circuit part de la ville de Sainte-Rose et conduit les touristes aux abords de plusieurs sites et ilets protégés, comme l’îlet blanc, l’îlet Caret qui rétrécit d’année en année et destiné à être entièrement recouvert, les deux épaves et un espace marin où, il y a peu, équipés de masques et tubas, on pouvait admirer les étoiles de mer. Il nous explique l’importance pour les clients de suivre le GPS, sous peine d’endommager les fonds marins mais aussi les hélices et le moteur, ou encore de prendre une amende pour non respect des espaces protégés. John, explique ensuite les caractéristiques de son poste et j’en profite pour m’éclipser, sous prétexte de ramener les bouteilles pour un deuxième service.
Sauf que je ne m’arrête pas au passe-plat. La stalagmite est dans la cuisine. Elle sort les boites hermétiques de salades, viandes et poissons des glacières et les dépose sur le plan de travail. Elle ne me voit pas arriver. Tant mieux, je bénéficie de l’effet de surprise. Je m’appuie avec nonchalance au montant de la porte, les mains dans les poches, indifférent à la flaque qui grossit à mes pieds.
— Tu m’expliques ? réclamé-je d’une voix sourde.
Elle sursaute violemment, les paumes sur sa poitrine. Je réprime un rire satisfait alors qu’elle me fusille du regard. J’insiste :
— Alors ?
Je ne la quitte pas des yeux. Elle non plus. Pourtant ses lèvres pincées laissent à penser qu’elle est en pleine réflexion.
Je ne vais pas te lâcher ma cocote. Je ne cède rien :
— Si je suis à la hauteur de quoi ? À quoi joues-tu ?
Elle fait la moue, détourne le regard quelques secondes puis le plante à nouveau dans le mien. Sa langue remue dans sa bouche fermée, pousse sur ses joues ! Saisi d’un profond dégoût, mêlé à une triste colère, je me détourne. Comment peut-elle me suggérer de telles… activités, alors qu’elle couche avec mon bro et que je suis le mec de sa meilleure amie ? Je secoue la tête et m’apprête à retourner en sécurité auprès des autres.
— Attends ! me rappelle la bête.
Je m'arrête et lui présnete mon profil. Mais surtout, je reste hors de la pièce. J’ignore ce qu’elle prépare, ce qu’elle cherche. Pour l’instant, elle hésite, puis prend enfin une grande respiration avant d’avouer en me scrutant :
— Avec Carly, on aimerait bien échanger les partenaires. J’en ai parlé à John, il est d’accord.
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