34. Confidences
Elle attend. Moi, je suis interdit. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Mon frère ne serait pas contre, c’est une évidence. Mais Carly ? Ma Carly ! Non ! Je refuse. Hors de question. Et puis, l’ourse, franchement, impossible.
— Même pas en rêve.
J’abandonne la folle à ses fantasmes et pars retrouver ma femme. Que j’ai laissé avec un mec auquel elle plait un peu trop.
C’est la fête, dans l’eau. Ils bataillent et se coulent avec moult cris, sous la surveillance de Léandra, assise dans les marches. Ma belle vient tout juste de s’éloigner de Paulo que John se rapproche d’elle. Pas touche ! Je saute entre elle et lui, la protège de mon corps.
— Pousse-toi, Lukas ! Elle m’a coulé. À mon tour !
— Non, laisse-la.
Stalagmite en approche ! Elle va refroidir tout le monde, même l’eau ! Mon adversaire appuie sur mes épaules, m’immerge. Il se bagarre avec Carly quand je remonte à la surface. Un mouvement, à côté, détourne mon attention. L’ourse ! À son tour, elle enfonce ma tête dans les profondeurs du bassin. Agrippée à mon caleçon de bain, elle m’entraine à travers la piscine et ne me permet de reprendre mon souffle qu’à l’opposé de nos partenaires. Furibond, je m’emporte :
— Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans « même pas en rêve » ?
Je m’apprête à rejoindre ma princesse alors que sa soi-disant meilleure amie adresse un geste apaisant au reste du groupe et me retient par le poignet.
— Attends, écoute-moi, s’il te plait, tente-t-elle de me calmer tandis qu’elle me tend un verre récupéré au bord. C’était un test. Ils ne sont pas au courant.
— Tu es complètement cinglée ! Un test de quoi ? Qu’aurais-tu fais si j’avais accepté ?
J’avale mon bourbon d’un trait.
— J’en aurais immédiatement informé Carly. Et John, mais lui, ce genre d’échange ne le dérange pas, pas vrai ?
Elle marque une hésitation dont elle profite pour m’observer, puis reprend, une fois certaine d’avoir toute mon attention :
— Elle s’était très attachée à toi et elle a énormément souffert à notre retour de France. Elle s’en voulait de s’être laissée séduire, de ne pas avoir eu la force de te résister. Léandra et moi voyions qu’elle n’allait pas bien, mais on ne vit pas avec elle, on ignorait à quel point. C’est Thomas qui m’a alerté. Ma sœur et mes parents sont venus s’occuper de mes enfants pendant une petite quinzaine.
— Hey ! Vous faites quoi, tous les deux ? l’interrompe mon bro, à quelques brasses, suivi par ma belle.
— On discute, revenez dans cinq minutes, répond l’ourse d’un ton autoritaire avant de poursuivre ses révélations. Je me suis installée chez eux, où j’ai découvert qu’elle s’abrutissait d’antidépresseurs pour oublier, pour calmer ses larmes, mais surtout sa douleur. Elle buvait beaucoup trop d’alcool aussi. J’ai pris les choses en main. Je la forçais à se lever, à s’occuper de ses fils, de ses clients, de sa maison. Je l’obligeais à sortir, à voir du monde. J’ai contacté Mickaël aussi. Il l’a menacée de ne pas attendre son accord pour venir si elle ne se ressaisissait pas.
Après lui avoir adressé un regard désapprobateur, je baisse la tête. J’ai honte. Honte de nous avoir séparés de la sorte. D’avoir ignoré mes sentiments au point de rabaisser la femme… celle… ma femme. J’aimerais tant revenir en arrière, réparer mes erreurs.
L’animal continue :
— J’ai eu peur quand tu as débarqué avec John. Mais Carly s’est relevée, et elle est plus forte qu’avant. Je lui fais confiance. John m’a dit dans quel état il t’a trouvé. Franchement, il faut vraiment être con pour se voiler la face à ce point !
Elle se tait pour me dévisager. Je ne trouve rien à dire. Un bourdonnement enfle dans ma tête tandis qu’un poids écrase mon estomac. Une boule dans ma gorge m'étrangle, mes lèvres tremblent. J’ai froid.
— Vous vous entendez mieux, vous avez franchi un cap tous les deux. Carly rayonne, je ne l’avais pas vue sourire autant depuis… très longtemps. Elle est heureuse, épanouie. Quels sont vos projets ?
— Je veux qu’elle vienne à Las Vegas, qu’elle découvre ma vie, que mon entourage fasse sa connaissance.
— Sois patient. Votre « relation », tu es d’accord, il s’agit bien d’une relation, revient de loin. Et après, qu’envisagez-vous ?
— Je ne sais pas. On ne sait pas. Il faut déjà qu’elle accepte mon invitation avant de penser à plus. Tu peux sûrement l’influencer.
— Ne compte pas là-dessus. Elle est assez grande pour prendre ses décisions. Tu as beaucoup mûri, même s’il y a encore du travail. Alors si elle me demande mon avis, je l’encouragerai à faire le voyage. Après tout, on n’a pas tous la chance de visiter Las Vegas aux frais du prince.
Elle m’adresse un clin d’œil tandis que je réprime un rire, puis elle se dirige vers les marches.
Léandra nous rappelle alors que l’heure tourne et que nous devrions nous sécher avant de dîner.
Réunis autour de la table, les ados relégués dans le coin salon en bois, nous entamons le repas. J’ai Léandra pour voisine, qui s’amuse à prendre des selfie d’elle et moi, pour narguer son amie. Cette dernière nous gratifie de grimaces avant de reprendre sa conversation avec John. Je suis curieux de savoir de quoi ils parlent, mais la femme mariée ne m’accorde aucune seconde de répit. Elle me pose des questions sur mes projets d’avenir. Mes réponses restent évasives puisque je n’en sais fichtre rien ! Ça va dépendre de ta pote, ma chère, et à l’instant t, je ne veux surtout pas y penser.
Des frissons me parcourent, la galette de ma chaise est mouillée et une légère brise s’infiltre entre les arbres, derrière moi. Je récupère ma chemise et l'enfile rapidement.
— Vos rapports se sont améliorés, à Carly et toi, remarque ma voisine avec sérieux.
— Nos rapports ont toujours été parfais, rétorqué-je avec humeur.
De quoi se mêle-t-elle ? Ça ne la regarde pas.
— Je ne parle pas de ces rapports là, précise-t-elle, mais de votre relation en général. Je ne vous ai pas entendu vous disputer de la journée.
— Ouais. J’en avais marre de passer pour un con, grogné-je.
Que cherche-t-elle ? Ce début d’interrogatoire ne me plait pas du tout.
— J’ai cru comprendre que tu repars demain matin. Vous allez vous revoir ?
Je bous intérieurement. Je veux juste profiter, ne pas me soucier de demain, mais on dirait qu’ils se sont tous concertés pour m’empêcher de vivre cette dernière soirée. Je ne me rends compte que je fixe les ouassous qu’au moment où l’ourse me réveille :
— Tu en veux, Lukas ? Je te le décortique ?
Elle rigole et m’adresse un clin d’œil avant de lever son verre vers moi, puis vers ma chérie.
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