36. Oui !

5 minutes de lecture

Paulo avale la dernière goutte du précieux breuvage, soutenu par le regard appuyé de sa femme. Léandra n’attend pas plus pour presser ses enfants de se changer et de rassembler leurs affaires. Elle veut regagner ses pénates au plus vite.

John, Sybille et ses enfants en profitent pour s’éclipser à leur tour et Carly me demande de commencer à ranger table et terrasse pendant qu’elle accompagne ses fils dans la chambre où nous nous sommes changés.

— Lukas, tu pars très tôt demain, alors je crois qu’on ne se reverra pas. T’es un mec cool, content d’avoir fait ta connaissance, me salue Thomas avec un check de la main. Au fait, ajoute-t-il en se retournant alors qu’il s’éloigne déjà dans le corridor, merci pour la tondeuse !

L’information prend quelques secondes à atteindre mon cerveau. Mon éclat de rire attire alors Carly qui se profile dans l’encadrement de la porte.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? s’inquiète-t-elle.

— Rien, rié-je, en secouant la tête. Tu es maligne.

Elle fronce les sourcils, puis hausse les épaules et retourne s’affairer auprès des garçons.

Bien joué ma belle, c’est à ton fils que j’ai rendu service, ce jour-là.

La vaisselle jetable repose dans un sac solidement fermé par mes soins, les bouteilles sont rangées dans un cabas et les dernières sauces et bières sont enfermées au milieu des restes de glaçons, dans le réfrigérateur ambulant. Il me reste la serpillère à passer sur la table et le passe plat pour que tout soit identique à notre arrivée. La musique déchire toujours le silence. Je baisse le volume pour ne pas incommoder les jeunes, parce qu’une dernière danse avec ma belle me tente bien et que je ne veux pas qu’ils nous dérangent.

Je déniche un carré jaune et plat près de l’évier, dans la cuisine. Il est humide, je le rince puis l’étale sur le comptoir avant de débarrasser le plateau des miettes qui le recouvrent. Elles tombent sur le carrelage, tant pis, les oiseaux, les fourmis et le vent se chargeront de faire place nette.

Deux bras entourent soudain ma taille tandis qu’un corps chaud se colle contre mon dos. J’opère un demi-tour, coudes en l’air pour faire face à Carly et entourer son visage de mes mains. Nos regards se rencontrent, elle sourit, pourtant, je décèle une pointe de tristesse, ou de mélancolie dans ses prunelles dorées. Elle se serre contre moi et commence à tournoyer, silencieuse, avec lenteur, la tête appuyée sur ma poitrine.

Ed Sheeran récite les paroles de sa chanson Perfect et nous laisse pensifs. Le menton sur la chevelure de ma partenaire, je laisse mes pensées dériver.

Il ne nous reste que quelques heures avant d’être confrontés à une nouvelle séparation. Mon cœur se fend rien que d’y penser. L’attente à l’aéroport sera longue, sans rien pour me distraire, le voyage, interminable. J’en profiterai pour lister les préparatifs à prévoir pour l’arrivée de Carly chez moi. Sauf qu’elle ne m’a toujours pas répondu. Le risque de briser la magie me retient, pourtant, l’occasion ne se représentera peut-être pas et je partirai avec ce poids. J’inspire un grand coup puis m’étonne de ma propre voix quand elle sort de ma bouche, rauque et hésitante :

— Carly, dis-moi que tu vas ve…

— Oui ! s’écrie-t-elle, sur le qui-vive, comme si elle attendait que je repose la question. Évidement que je vais venir, que nous allons venir. J’ai hâte d’y être, de débarquer, pour qu’il nous reste encore plusieurs jours.

Mes nerfs se dénouent, mes muscles se détendent tandis que tout mon corps se relâche. J’aspire l’air à pleins poumons et rempli mon cœur d’un bonheur dont la myriade d’étincelles se diffuse dans mes veines.

Je reprends à peine mon souffle quand ma princesse, sur la pointe des pieds, se jette sur mes lèvres pour m’embrasser avec tendresse et je réponds à son baiser avec un empressement euphorique.

Emporté par l’ivresse de ma joie, je veux qu’elle sache à quel point sa réponse me rend heureux, à quel point sa présence à mes côtés compte pour moi :

— Carly, je… je t’ai déjà dit que tu me rends fou ?

— Mhoui, rit-elle avec une pointe de moquerie.

— Je n’ai pas envie de partir, avoué-je, alors que nous dansons, enlacés, joue contre joue. Du moins, pas sans toi.

Elle s’écarte juste assez pour plonger ses yeux dans les miens et murmure :

— Reste. Qu’est-ce qui t’empêche de travailler d’ici ?

— Je ne peux manquer certaines réunions pour lesquelles ma présence est indispensable, et des associés, futurs partenaires ou autres sponsors auxquels j’ai promis une rencontre en personne attendent mon retour. Sans parler de mes clients, les habitués qui s’inquiètent de mon absence ou les journalistes et leurs ragots.

Son sourire s’est effacé. Son visage exprime l’inquiétude.

— C’est à tous ces gens que tu consacreras tes journées quand nous serons chez toi ?

— Non, bien sur que non ! Le monde tournera autour de toi durant l’ensemble de ton séjour. Ce sera encore mieux que Disneyworld, tu verras. C’est pour cette raison que je dois m’occuper de mes affaires avant ton arrivée. Tu ne regretteras rien, fais-moi confiance.

— Je ne connais que Disneyland Paris. Le vôtre doit être merveilleux, songe-t-elle, la tête sur mon épaule.

Nous nous laissons bercer par la musique. En fait non, le rythme est bien trop énergique. Nos pas sont beaucoup trop lents, comme synchronisés aux secondes d’une horloge. Ma princesse chasse-t-elle ses démons, les vautours, pour laisser place à la magie que je lui promets ?

Moi, je rêve de l’instant où elle découvrira ma maison, puis mon empire, de la visite guidée sur sa gondole et de ses yeux éblouis à chacune de mes surprises. Je dois absolument l’emmener à Orlando.

— Nous irons voir Mickey à l’occasion d’un prochain voyage, assuré-je, confiant, avant de me rendre compte de l’absurdité de ma proposition.

Mickey ! Pas lui ! Me rappeler de ne pas évoquer ce personnage.

Pour toute réponse, cette femme que je voudrais emmener avec moi dépose de petits baisers sur mes paupières, sous mes yeux, autour de ma bouche, dans mon cou…

Benson Boone entame les premières paroles de sa chanson et incite ma poupée à se frotter à moi. Quand le tempo s’accélère, elle s’agrippe à ma chemise et s’y retient avant de pencher son buste en arrière. Mes mains sur ses hanches la maintiennent aussi, jusqu’au moment où elle se redresse et danse sensuellement contre moi. Mes paumes remontent sur sa peau, s’arrêtent sur ses seins où mon index esquisse de petits cercles. Ses doigts courent avec lenteur sur mon torse, effleurent mes épaules alors qu’ils glissent sous le tissu, puis l’entrainent au bout de mes ongles. Ma belle récupère le vêtement et s’éloigne pour l’enfiler. Elle ferme les boutons rapidement, retrousse les manches trop longues, puis saisit l’enceinte. Elle me fait signe de l’index pour que je la suive alors qu’elle recule le long de la piscine, pour me guider jusqu’à un bain de soleil, dans la pénombre du carbet.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ysabel Floake ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0