Nous sortons de la faille, celle-ci se situe au sud de leur capital. Après avoir rétracté mon arme, je me dirige immédiatement vers les quartiers les plus pauvres car je sais que c'est là qu'ils se trouvent. Ayant prévenu tous les participants de l'opération, ils volent des voitures pour se diriger vers les autres villes et ramener tous les monstres humains chez nous. Une fois dans le quartier pauvre, je leur explique tout et les dirige vers la faille. Par chance, il n'y a aucun résistant. Je leur dis qu'une fois de l'autre côté, il faut qu'ils reprennent forme humaine et qu'ils aillent sur l'engin flottant où une équipe les accueillera pour les référencer et les briefer. Alors ils se transforment et sautent un par un.

Je fais toutes les villes ainsi accompagnées de mes camarades. Les rares qui ne veulent pas venir et qui comptent prévenir leur roi se font tuer. Ce qui me rend triste mais nous n'avons pas le choix. Nous ne pouvons prendre aucun risque. D'autres veulent plus d'explications que je leur donne volontiers. Ils ont besoin d'être rassurés, d'être sûrs qu'ils ne vont pas se faire tuer en arrivant là-bas. Je les comprends parfaitement, donc même si cela me prend du temps je leur explique à tous.

Mais comme le bien n'arrive jamais sans mal, le roi fini par être prévenu. Il envoie tous ces plus fidèles monstres. Nous allons devoir nous battre, et ça, c'est ce que je voulais éviter, autant pour eux que pour nous. Je sors mon arme, produit un canon et je commence à leur tirer dessus avec, cela me brise le cœur.

Tandis que je me bats avec d'autres soldats contre nos attaquants, une autre partie de mon équipe continue d'évacuer les monstres humains. Nous sommes sûrs de gagner. Nous sommes en supériorité numérique et bien mieux préparer donc nous ne risquons rien. Quand quelqu'un se fait blesser, il rentre et un autre prend sa place. Mais ils sont de plus en plus nombreux et il nous faut du temps pour en finir définitivement. C'est à force de coup d'épée et d'arme à feu que nous avons réussi à gagner mais surtout grâce à notre persévérance. Derrière nous se trouve des tas de corps sanglants, nous avons fait un massacre. Comment cela a pu arriver, nous n'avons pourtant rien négligé. On vient me dire que de toute façon, ils auraient fini pareil car leur roi les aurait envoyés dans notre monde. On m'annonce également qu'il n'y a plus aucun monstre-humain vivant ici. Nous retournons dans notre monde, pour ma part, les larmes aux yeux. J'ai échoué... C'est la seule impression que j'ai. Je cherche où a été mon erreur, à quel moment cela a pu arriver. Tout ce que je voulais, c'est qu'il y est le moins de mort possible.

À notre retour, nous sommes félicités mais nous ne nous sentons pas bien. Nous avons besoin de repos et d'oublier tout ce sang versé de nos mains. Nous sommes tous tachés à vie car nous avons tous vu ce massacre avant de revenir. Une mare de sang avec des corps. Bien que ce soit ceux de monstres, cela nous fait nous poser des questions : et si ce n'était pas eux mais nous, nous sommes des monstres. Beaucoup essaient de se convaincre que c'est de la faute de leur roi car c'est lui qui les a envoyés, et n'ayant pas fini la mission, nous ne pouvions pas partir. Mais ce n'est pas mieux de tuer. Au fond, personne n'arrive à le croire : nous avons tué, il n'y a rien d'autre à dire.

Le référencement est long, il y a énormément de personne, beaucoup plus que ce que nous aurions pu penser. Nous les aidons à trouver un lieu où vivre, ils ont des cours de langue du pays dans lequel ils habitent, et surtout du travail. Nous les aidons à en trouver, ce n'est pas les meilleurs jobs possibles mais c'est mieux que rien. Ils s'intègrent étonnement vite et bien.

Le premier soir, je ne peux pas dormir, dès que je ferme les yeux, je revois le massacre. En traînant dans les couloirs, je vois Emma qui gère les dossiers. Elle n'a pas vu cette horrible scène, elle fait partie de ceux qui ont continué à faire l'évacuation. Elle essaye de me convaincre que je n'ai rien fait de travers, que la mission est une réussite mais je n'y crois pas. Pour moi, c'est et cela restera toujours un échec. Ce n'est pas temps le fait de les avoir tués, mais celui de les avoir fait souffrir et de ne leur avoir laissé aucune chance de s'en sortir. Nous aurions pu trouver une autre solution.

Durant les deux semaines suivantes, je fais mon travail mais je dors très peu. Toutes les nuits, je me réveille en faisant le même cauchemar : du sang, des corps, la mort... Mais au moins, je dors. Chez les autres soldats, le suivi psychologique a beaucoup aidé mais la plupart ont quitté l'armée, ne voulant plus jamais revivre ça. Heureusement, l'armée leur a donné son accord. Rares sont ceux qui restent pour m'aider à empêcher que cela ne se reproduise. Notre unité travaille d'arrache-pied, nous faisons des visites de routine chez les monstres-humains pour voir comment se déroule leur intégration.

Petit à petit, j'ai appris à dormir avec mon cauchemar, je dors mal mais je dors. À présent, je travaille avec ma nouvelle équipe mais je ne suis pas heureuse car jamais je n'oublierais ce qu'il s'est passé. Je fais de mon mieux pour aider ceux que nous avons accueillis. Les soldats de mon unité me soutiennent tous les jours et je les aide en retour.

Emma a pris place dans l'administration de l'armée car cela lui convient mieux. William a trouvé une petite amie avec qui, il s'entend très bien. Alex a quitté l'armée ne voulant plus subir d'expériences de fusion, il ne veut plus se sentir exploité. Il n'ose plus m'adresser la parole, ce qui m'a gêné au début, puis je m'y suis habituée, le fait d'être parti a beaucoup aidé. Enfin, Riley est revenu s'excuser auprès de moi et m'a dit qu'il veillerait à ce qu'aucune expérience du genre ne se reproduise.

Ma vie est le seul choix que j'ai, je ne me vois pas fonder une famille. Surtout après tout ça, je ne vis pas pour moi mais pour les autres, pour mon équipe et pour l'avenir des monstres humains dans notre monde.