Coucher de soleil
Alta Avenue, Santa Monica
C’est le gardien de la résidence qui nous a fait visiter les lieux et remis les clés, le propriétaire ayant déjà quitté le pays. Il n’a pas eu l’air enchanté en nous voyant arriver, Lucy et moi, dans cet immeuble haut de gamme. Comme beaucoup de latinos, son mépris pour les afro-américains est palpable. Quand nous lui avons expliqué que Lucy était productrice de spectacles et que j’étais musicien professionnel, il s’est empressé de nous rappeler les règles de vie dans l’immeuble. Au bout de trente minutes, il a fini par nous laisser poser nos quelques bagages dans le logement.
L’appartement est conforme à la description de l’annonce. Il y a un grand salon, meublé dans un style moderne, très épuré, deux chambres, dont l’une est agencée en bureau et une belle cuisine. Toutes les pièces donnent sur un grand balcon orienté au nord. Comme promis, la plage et l’océan sont visibles à travers une fine rangée de palmiers. L’exposition me convient, en Californie, on cherche plutôt à se protéger du soleil. J’installe le clavier et l’ordinateur achetés à Palm Springs sur le bureau. Bien entendu, le frigo et les placards sont vides, à l’exception de deux bouteilles d’eau et d’une bouteille de vin français laissées en guise de cadeau de bienvenue, avec une petite note nous donnant quelques indications utiles sur le fonctionnement des équipements, ainsi que les codes d’accès à l’internet, qui est resté actif.
Je ne prends pas le temps de ranger mes effets personnels. J’appelle Lucy qui admire le Pacifique et nous partons en quête d’un centre commercial. Le Walmart le plus proche est au diable, nous nous contentons d’une petite zone commerçante à Brentwood.
Le soleil commence à décliner quand nous revenons avec les provisions. Le temps de tout ranger, Mary m’annonce son arrivée. Je lui sers un verre et nous sortons tous les trois pour profiter des derniers instants de jour. Pour le coucher de soleil, c’est raté, l’angle du bâtiment voisin nous masque la vue sur l’astre au moment où il plonge dans l’océan. Demain, je descendrai et je traverserai le boulevard.
Nash arrive quelques minutes plus tard avec une bouteille de vieux bourbon. Nous entreprenons immédiatement de le goûter, sauf Lucy qui préfère le vin blanc. Après quelques minutes d’échange de banalités, c’est Lucy qui pose la question.
« Vous avez progressé ? demande-t-elle.
— Pour être franc, avec Leonardo, on n’est pas plus avancés, déclare Nash. Il est toujours aussi remonté contre Jack. Je pense qu'indirectement, il veut se venger de l'humiliation paternelle. Il a fait un transfet sur toi.
— Je ne suis pour rien dans leurs affaires de famille, protesté-je.
— Ce n’est pas le problème de toute façon. Il a perdu énormément d’argent avec le vol de sa marchandise et son organisation l’a sommé de rembourser.
— C’est pour ça qu’il a changé de voiture ?
— Je n’en sais rien, c’est possible. De toute façon, on n’ira nulle part avec lui directement. Comme je te l’ai expliqué il y a deux jours, je vais passer à l’échelon suivant. J’ai déjà pris contact avec le bureau d’Angelo Giordano. Tu penses bien qu’on ne l’appelle pas directement sur son mobile. J’ai parlé à un certain Marco Riccio, qui semble être le bras droit d’Angelo. J’ai compris qu’il ne portait pas le fiston en haute estime. Il devrait me recontacter prochainement.
— Si ça ne suffit pas, compléta Mary, j’ai trouvé quelques failles dans les opérations de Chance. Ils ne sont visiblement pas très rigoureux sur les aspects cybersécurité ! On pourra utiliser ce levier si nécessaire, mais ça sera un peu plus long.
— Ce sera peut-être utile pour négocier avec le père, opina l’Indien.
— Si je vous comprends bien, je risque de profiter de cette vue pendant quelques temps, dis-je en guise de conclusion. Pensons à autre chose. Ça vous dirait d’entendre mes nouvelles compositions ?
— Doucement quand même ! sinon on va avoir des ennuis avec nos voisins, modéra Lucy. »
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