Le Trident de Satan

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Elsa et moi-même devions nous rejoindre directement chez Frank à 20h00, notre ami commun de fac. Pour la réussite de notre première année de licence en droit. Avec Franky, toute occasion était bonne pour s'amuser et faire couler l'alcool à flots. Seules conditions, amener un petit quelque chose pour agrémenter l'apéro dinatoire de sa « méga-teuf » et porter un costume de personnage fictif, humain ou humanoïde. Tout animal, végétal et autre forme de hors-sujet serait banni sur le champ pour non respect des « clauses frankiennes ».

Ainsi, chargé d'une bouteille de champagne qui m'avait coûté un demi-bras, Satan et son célèbre trident sonna à la porte, espérant qu'Elsa soit déjà sur place. Nous nous tournions autour depuis un bon mois. Quelques baisers, sextos et caresses coquines s'échangeaient régulièrement depuis peu, parfois même dans les recoins de la faculté, mais nous n'étions pas encore passés à l'acte, malgré notre désir éruptif.

Frank ouvrit la porte, plus que pompette, un grand sourire aux lèvres.

— Yeah baby ! Eh tout le monde ! Ça y est, le Vince est arrivé !

— Que dis-tu mortel ? C'est Satan qui se tient devant toi !

— Avec son gros, très gros trident ! Tu comptes en aligner trois avec, ce soir, c'est ça hein, mon salaud ?

Franky... Un Stifler à la française. Un mec parmi tant d'autres, hélas.

Pas un mot salace ne sortit de ma bouche, ni même une pensée. Seule Elsa m'importait, et ce n'était pas le genre de fille que je comptais traiter comme un vulgaire morceau de viande. À vrai dire, je n'en avais jamais traité une seule de la sorte, contrairement à lui, chasseur invétéré de « gibier », pour le citer.

En quête de ma partenaire, je scannai les lieux des yeux puis repérai alors une silhouette recouverte d'une robe bleu metallique à paillettes, arrivant aux genoux, ornée d'une double paire d'ailes de libellule. Entre celles-ci, une nuque douce et le tatouage d'un sablier cassé, dont le sable s'échappait. C'était elle, en pleine discussion avec deux copines que je connaissais de visage.

Un banc d'étudiants bourrés alpagua Franky, emporté dans le courant. Voie libérée, je me dirigeai vers Elsa, dont je piquai les fesses. Surprise, elle se retourna, presque prête à me gifler.

— C'est diablerie ! fis-je, d'une voix rauque.

— Belzébuth ! Vous m'envoyez ravie... Encore là pour allumer quelques feux ?

— De culottes ! entendit-on brailler au loin, entre deux ricanements.

Mes sourcils exaspérés se levèrent.

— Plutôt de regards, rattrapai-je.

— Bon, les filles... dit Elsa. Je suis désolée de vous planter, mais...

— T'inquiète, fit la copine, terminant par un clin d'œil, avant de s'éclipser avec sa codisciple.

— Je suis tout à toi, annonça Elsa, plaquée contre moi, bras autour de mon cou.

Elle approcha ses lèvres près de mon oreille :

— Je n'en peux plus...

Mon sang ne fit qu'un tour, avec halte pelvienne. La fée me tira par le poignet. Nous sinuâmes entre les bouteilles, les navettes chargées de lipides, les corps déhanchés et les conversations futiles en vue d'atteindre la baie vitrée à moitié ouverte, laquelle donnait sur un vaste jardin. Et, dans ce jardin soigneusement entretenu, trônait au loin une magnifique gloriette presque intégralement recouverte de plusieurs sortes de lierres : verts, panachés, dorés, marginés de blanc. Magnifique.

Nos corps en ébullition s'engouffrèrent dans le chemin bordé de haies d'ifs plus grands que nous, éclairés par des lanternes solaires faiblardes, jusqu'à atteindre le pavillon de verdure. À l'intérieur, obscurité parfaite. Un mal pour un bien.

Aussitôt, Elsa appuya de nouveau sa poitrine contre moi pour m'embrasser sans retenue. Quelle genre de fée se montrait assez audacieuse pour saisir si vite et à pleine main la queue de Satan ?

— Prête à te Lucifer ?

— Tu crois vraiment que c'est le moment de faire le Malin ?

J'étouffai son rire par un mordillement de cou. Nous étions toujours sur la même longueur d'onde. Je n'avais jamais rencontré cela auparavant. Et, fait inhabituel, j'avais l'impression que son intelligence accroissait mon attirance pour sa personne, pas seulement sur le plan mental, mais aussi physique. C'était une attirance d'une puissance sans précédent, sublimée par quelque chose d'abstrait. Symptôme de la sapiosexualité ?

De nature directe et décidée, nature renforcée par une intense soif de charnel, elle se mit subitement à genoux.

— Non, fis-je, en la poussant et m'agenouillant à mon tour. C'est l'heure du trident !

Confuse, Elsa tomba sur son postérieur. Dans l'ombre de la gloriette, mes doigts saisirent ses chevilles afin de la rapprocher de moi, ses cuisses écartées pour accueillir mes jambes fléchies. Je remontai le bas de sa robe sur son bas-ventre, penchai la tête au plus près de son sexe puis écartai sa culotte au bleu satiné, bordurée de dentelle.

D'abord la langue. Allant et venant du zénith au nadir, et inversement, alternant avec quelques tournoiement localisé, tantôt avec douceur et légèreté, tantôt avec appui et fermeté. L'une de ses mains m'empoigna les cheveux telles des serres de harpie autour d'une proie qu'elle ne lâcherait plus avant d'en avoir fini. S'invita ensuite le duo index-majeur, profondément enfoncés à l'intérieur de la fée pêcheresse et déchue, à mon instar. Chaque phalange disparaissait et réapparaissait, recouverte d'une substance éloquente, engloutie dans la noirceur de notre cachette. Ne pas hurler, ni parler, ne pas même gémir, fardeau que Satan lui faisait à présent endurer. Et enfin, quelques minutes plus tard, l'apothéose, sans risque d'erreur fatale car nous avions déjà évoqué nos limites respectives : la troisième extrémité de mon trident.

Le pouce de mon autre main entama, sur le reste de son intimité, un badigeon de mouille, jusqu'à transformer les mouvements circulaires en plongeons timides. De très brefs gémissements s'évadèrent soudain. Peu lui importait d'être allongée dans l'herbe fraîche de la nuit, bien que sèche, de salir son costume ou encore d'être mordue par un quelconque insecte. Elle se faisait dévorer par le diable, jouissant de l'instant présent, tout comme moi, enivré par ses ondulations et la découverte de son corps.

Le moment était venu pour elle de serrer les mâchoires, de se soumettre un peu plus au silence, contractée, sur le point de m'arracher le cuir chevelu. Délicieuse et flatteuse douleur. Au cours de l'apogée, j'accélérai le rythme des trois dents qui la lardaient encore et encore. Enfin, comme une vague scélérate venant de s'effondrer, son corps ralentit avant de s'immobiliser un instant. Je ne la voyais pas, mais je la sentais, en percevais la respiration soutenue.

— Elsa ? Vince ? Vous êtes dehors ? s'époumonna Frank au loin.

Nous nous tûmes, figés comme des statues dans une scène érotique.

— Merde, va falloir qu'on y retourne, pestai-je.

— Non !

Elsa se redressa, me bouscula comme je l'avais fait et découvrit mon sexe dans le but de me rendre la pareille. Mon boxer était noyé. Je priai pour que ça n'aie pas laissé une tache sombre sur le bas de mon costume. Je n'avais rien pour retirer le surplus comme j'aimais à le faire, mais Elsa n'en avait que faire. Manifestement, elle était bien décidée à déglutir davantage. Pour ma part, j'avais horreur de placer mes mains sur la tête d'une fille pendant ce type d'acte, hormis pour protéger une chevelure trop fournie des fluides corporels. Aussi les gardai-je le long de mon bassin, en bon esclave des sensations.

— Bordel de Dieu, vous forniquez dans les brousailles ou quoi ? meugla Frank. Je vais venir vous débusquer, moi.

— Va falloir faire vite, dit Elsa.

Possible effet de la tension combiné à ses talents certains, il ne me fallut pas longtemps avant de lui soumettre l'idée de cesser ses va-et-vient de bouche. Message reçu. Elle m'invita de la tête à faire un quart de tour. Alors, l'impérissable souvenir d'une première éjaculation par la main d'Elsa, sous la gloriette de Franky le satyre, gicla dans les ténèbres pour atterrir quelque part sur l'herbe, scène gravée dans nos mémoires.

— Bon ! Rhabillez-vous, j'arrive, bande de dégueulasses ! hurla Frank.

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