Rêve et cauchemar

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Donne-moi ton cul, esclave.

Sorj recula. Dans l’ombre, il aperçut les contours d’un corps colossal, gigantesque.

— Non.

Un coup violent le jeta à terre. Puis il fut soulevé, et jeté sur le lit, où l’attendaient deux créatures filiformes aux yeux vides, qui vinrent lui saisir les bras. Pendant ce temps-là, l’ældien approchait, son sexe démesuré dressé vers lui comme une arme de guerre.

Soudain, avec une acuité terrifiante, tout revint à Sorj. Les viols, l’écartèlement. L’humiliation, la peur. La douleur insoutenable qu’il endurait tous les jours, avant d’être de nouveau anesthésié, puis réparé. Encore et encore.

— Non… non ! Pas ça ! Tout sauf ça !

Mais il n’y avait rien à faire. De nouveau, Sorj fut manipulé comme un fétu de paille. Les impitoyables mains du monstre écartèrent ses jambes aussi facilement qu’on ouvre un drap, et bientôt, il sentit sa poigne inexorable enserrer ses cuisses. Comme à chaque fois que l’ældien le saisissait, il ne pouvait plus bouger.

Sachant ce qui l’attendait, Sorj se débattit furieusement. Il hurla à s’arracher les poumons, avec l’espoir fou que cela rebuterait la créature. Cela sembla fonctionner, en effet. Sorj l’entendit grogner, et la pression des griffes sur ses cuisses se relâcha. Le cœur empli d’un nouvel espoir, il tenta de regarder par-dessus son épaule, cherchant à voir quelque chose. Ne pas savoir exactement ce qui le violait ne faisait que rendre la torture plus affreuse. Il voulait voir, affronter le dragon. Mais l’ældien s’arrangeait toujours pour ne pas lui apparaître.

Soudain, Sorj sentit une main puissante lui enserrer le menton. Le démon était devant lui ! Deux de ses doigts durs comme le titane s’infiltrèrent dans sa bouche, lui déchirant la muqueuse au passage. Sa mâchoire fut ouverte de force. À travers ses larmes de douleur, il aperçut le monstre tendre son bras musclé et ouvrir la main, dans laquelle un de ses mignons dégénéré déposa un mors aussi gigantesque qu’agressif.

— Non ! hurla Sorj. Non !

L’instrument avait tout de l’outil de torture. Énorme et rutilant, il figurait un phallus de cauchemar, qui ressemblait à l’épouvantable organe de ces démons. Lorsque l’appareillage fut inséré dans sa gorge, cassant une de ses incisives au passage, Sorj manqua de s’étouffer. Avec une délicatesse écœurante, la créature fixa les attaches sur ses joues : les lanières passaient derrière ses oreilles et son crâne, comme un vil ornement de soumis. Une fois son travail accompli, son bourreau resta un instant devant lui. Sorj ne pouvait rien voir de cette face de cauchemar, mais il savait qu’il l’observait, satisfait de son œuvre. Il sentait sa présence, qui envahissait tout l’espace, tout comme il envahissait son corps. Son odeur, si particulière. La main passa sur sa joue mouillée, presque tendrement. Puis il fut brusquement plaqué contre le lit.

Tremblant de terreur, Sorj attendit. Il reconnut le bruit caractéristique de l’ouverture de la fiole de lubrifiant et ne tarda pas à sentir le liquide épais couler entre ses fesses. Il dut subir, réduit au silence et à l’immobilité, la sensation insidieuse du doigt griffu lui travailler l’œillet. Puis la brûlure, au moment où la griffe le coupa. Enfin, il sentit la tête du monstrueux organe faire pression devant son orifice mutilé, ouvert pour lui.

Tout le corps de Sorj hurla lorsque la créature le déchira. Sans pouvoir bouger d’un centimètre ni extérioriser sa peur et sa douleur, la torture était démultipliée. Écartelée comme un poulet à la broche, les griffes et le poids monumental sur ses cuisses lui scindant les membres, la bouche et l’anus en sang, Sorj dut subir les assauts répétés du monstre. Comme la veille, le supplice fut interminable. Insatiable, la créature le pilonnait, faisant coulisser le bras qui lui servait de membre jusqu’au plus profond de ses entrailles. À chaque pénétration, une substance visqueuse, à l’odeur écœurante, si glaciale qu’elle en devenait brûlante, se déversait dans le fond de son ventre, avant de couler le long de ses cuisses trempées de sueur.

— Ah… pitié…, parvint-il à articuler.

Le solide vétéran était réduit à une loque suppliante. Lorsque le maître le relâcha enfin, il s’écroula, la tête dans le lit. Sa bouche, fut libérée, puis il se sentit saisi à nouveau. Il remettait ça !

De nouveau, le pilonnage, la brutalité du viol. Sorj songea qu’un véhicule de sortie terrestre, en lui roulant dessus, lui aurait fait moins mal. Il se raidit, tourna de l’œil, s’évanouit. Une claque brutale le ramena à la réalité.

Soumets-toi.

La voix basse et rauque semblait lui parvenir de partout à la fois. Se souvenant du dressage, Sorj tenta de surmonter la douleur pour remuer les hanches, donner un meilleur accès et une pénétration plus profonde à son bourreau. L’ældien n’avait que faire de sa résistance – il était mille fois plus fort que lui – mais il appréciait les marques de soumission. D’ailleurs, il le récompensa par une tape amicale sur la croupe.

Sorj avait fini par comprendre que, plus il se donnait, plus son violeur se faisait sensuel. Les coups de reins étaient moins violents. La pénétration devenait lente et profonde, faisant pousser au militaire un râle primal, un cri rauque de bête qu’on dépèce. Il courait sur l’angle aigu de la pure jouissance et de l’extrême douleur.

La salive coulant à la commissure de ses lèvres écartelées, Sorj bascula la tête en arrière. Ses yeux dérivèrent jusqu’à rencontrer son reflet, et s’y cramponner. Il était crucifié au milieu d’un lit rouge sang, cuisses et bras écartés. La créature allait et venait sur lui, en lui, imposant son rythme lascif.

Tu vas finir par aimer ça. Tous les esclaves aiment ça.

Sorj acquiesça. La pression sur ses bras se relâcha, et il les referma autour des reins du monstre. Il saisit ses fesses fermes et s’y agrippa, accompagnant le ramonage de ses entrailles, le poussant à s’enfoncer de plus en plus profond en lui.

— Oui. Oui. Défonce-moi ! Je suis à toi. Ton soumis, ta putain !


                                                                             *


Sorj se réveilla en sursaut. Il était trempé. Comme un animal aux abois, il scruta les ténèbres, cherchant les réminiscences de son cauchemar dans la pièce. Mais il n’y avait personne.

— Andei ?

Seul le ronronnement des machines lui répondit. Alors, il se rappela. Andei n’était plus là. Brüder l’avait emmené en observation : en fait, il n’avait pas pu lui reparler, depuis la dernière fois.

— Sa Seigneurie pense que la mise bas est imminente, avait annonça Brüder au jeune intersexe avec un air réjoui. Vous ne pourrez pas lui tenir compagnie cette nuit.

À l’annonce de cette nouvelle, Andei avait eut l’air soulagé. Son visage s’était émacié, comme si cette vie exogène qui poussait dans son ventre vampirisait toute son énergie. C’est avec un soulagement évident qu’il avait laissé Brüder l’escorter hors du « harem ».

En revenant, l’androïde l’avait appointé nouveau favori.

— C’est votre tour, maintenant. Le Maître est agité, la naissance le rend nerveux. Aucun de ses esclaves n’a jamais réussi à mettre au monde une portée viable, voyez-vous… Il est énervé : il lui faut un mâle solide pour se détendre et penser à autre chose.

Sorj avait fixé l’androïde d’un air faussement blasé. Penser à autre chose… depuis quand cette créature avait des sentiments ?

— Cet esclave, ce sera vous, Sorj, avait continué Brüder en tendant un doigt autoritaire sur lui. À vous de déployer votre science durement acquise pour le calmer !

Sorj se laissa retomber sur sa couche. Ces derniers temps, la frontière entre les rêves et la réalité semblait s’estomper. Il n’arrivait plus à savoir s’il vivait vraiment ces séances de sexe hardcore sous la domination de l’exogène, ou se contentait de les redouter, bercé par un demi-sommeil débilitant.

Sous prétexte de le garder en bonne santé, toujours prêt pour son « maître », Brüder lui faisait avaler quotidiennement un véritable cocktail de pilules. Sorj avait rapidement compris qu’une des molécules, parmi elles, servait à les anesthésier, les rendre hagards et dociles. C’était pour cela que ni lui ni Andei n’étaient capables de décrire précisément ce qui leur arrivait, ou d’en conserver une vision autre qu’un souvenir vague.

Mais ça allait changer. Il avait un plan.

Pendant ces nombreuses heures, seul dans cette grande cabine capitonnée où on le tenait captif, il avait eu le loisir de réfléchir. Il lui fallait impérativement se débarrasser de l’ældien. Pour cela, il devait rester lucide. Ne pas se laisser avoir comme la dernière fois… Alors, il fit des tests pour isoler la molécule en question. Chaque fois que Brüder venait avec ses pilules, il en recrachait une différente. Puis il observait les effets de cette abstention. C’est ainsi qu’il parvint à déterminer laquelle, dans toute cette médication, servait de camisole chimique. Et, le soir fatidique, il la recracha.

Brüder ne l’escortait plus dans les appartements du maître. Lorsque l’ældien voulait baiser, la porte s’entrouvrait. Et son esclave de plaisir s’y rendait docilement, comme hypnotisé, abruti par les drogues. Lorsqu’il ressortait de là, il avait tout oublié : le seul souvenir que la créature lui laissait était une flopée d’images éthérées, des marques sur tout le corps et surtout, un atroce mal au cul. Mais pas cette fois. Cette fois, Sorj avait toute sa tête.

Une peur intense, glaciale, lui descendit néanmoins le long de l’échine lorsque la lourde porte qui menait à l’antre du démon s’entrouvrit. Pendant une terrible seconde, il hésita. Que se passerait-il s’il ne bougeait pas, qu’il refusait de se rendre dans le lit de son maître ? Ce dernier viendrait-il le chercher, ou passerait-il le chercher ?

Non. Tu connais la réponse à cette question. Il viendra, et il sera furieux, plus implacable, plus cruel que jamais. Si tu veux voir et l’affronter en toute connaissance de cause, c’est le moment. Fais face à ton destin.

Alors, Sorj marcha vers la porte qui l’appelait.

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