Oups !
Se réveillant en plein milieu de la nuit, Amaelle se sentit une envie irrépressible d'exploration. Elle avait besoin en outre de se détendre, se délasser, toutes ses aventures l'avaient un peu nouée.
Elle déploya ses membres agiles, s'étira, inspira longuement, et après avoir tournoyé sur elle-même très silencieusement, se décida à "prendre le vent" et à suivre son instinct.
Elle découvrit un endroit fascinant, dont elle ne mesura pas tout d'abord l'ampleur, la majesté et l'intimité propice à sa détente.
Entre les Marches du légendaire et bannières se trouve un inselberg de trois cents toises de haut, aux parois abruptes que jamais personne n’est parvenu à escalader. De forme approximativement elliptique, il mesure environ huit lieues de poste dans l’axe est-ouest et quinze dans l’axe nord-sud, sur le plateau duquel se situe le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle.
Au nord du monde perdu, s’ouvre à sa base une dislocation tectonique de rupture sans déplacement visible d’une largeur d’une cinquantaine de toises qui se referme à douze lieues du Pays imaginaire (sans doute y a-t-il deux plaques dans cette partie du MOOC).
Au sud, une zone de marais, variable, elle s’étend, se restreint, se déplace telle une vermine.
Ceci explique pourquoi voyager entre les Marches du légendaire et Bannières, il faut transiter par le Pays imaginaire, ou par Mediatika. Au nord, il existe bien des pistes menant à des ponts de cordes permettant la traversée de la rupture. Mais, ils sont souvent rompus pour diverses raisons.
Compte tenu du temps accordé à Roland pour rejoindre Ryana, il ne peut prendre le risque d’arriver devant un pont détruit, faire demi-tour, prendre une autre piste ne lui permettrait pas d’arriver avant le départ de Ryana.
L’inselberg du pays perdu est lui-même déchiré d’est en ouest par un canyon sinueux qui mesure selon les endroits entre deux et six toises. Au fond coule Coursprofond le bien nommé. Coursprofond sur tout son parcours est longé par la sente du fol, l’encore mieux nommée.
La sente du fol mesure selon les endroits entre un pied et une coudée, elle est faite, tantôt de rocher non poli, tantôt de galets roulant les uns sur les autres, elle est tantôt à dextre, tantôt à senestre de Coursprofond. Il faut tantôt traverser des guets, tantôt bondir d’une rive à l’autre. On ne peut s’y croiser, certains passages de la sente du fol sont sous l’eau même quand Coursprofond est à son niveau le plus bas.
En cas de fortes pluies, dans les passages les plus étroits, le niveau monte de deux toises en quelques minutes, emportant tout sur son passage. Autrefois des coupe-jarrets s’y dissimulaient, mais jamais à plus de cent toises. Bref, comme le dit l’adage : « la sente du fol, le fol, jamais ne prendrait ».
Très peu ont réussi la traversée.
D’une longueur de dix lieues, le canyon serpente, s’élargit, se rétrécit, le Coursprofond bouillonne, se calme. … Puis, à environ une lieue de poste de Bannières, la paroi sénestre du canyon virait dextrogyre de quarante-cinq degrés, tandis que sa paroi dextre virait dextrogyre de cent soixante degrés, avant de redevenir parallèle à la paroi sénestre, formant ainsi une poche, située en contrebas d’une toise. Là, le fond du Coursprofond générait une cascade.
Cette poche se nomme : La Crique aux loups, elle mesure dix toises en son ouverture, trente en sa profondeur, et vingt en sa largeur.
Ses parois ne sont pas verticales, mais en entonnoir, parfaitement lisses et suffisamment inclinées pour qu’un aventurier qui aurait réussi à rejoindre le monde perdu, puisse s'y laisser glisser sans trop de dégâts, cependant très loin de l’être assez pour rendre l’ascension envisageable.
Devant la Crique aux loups, le Coursprofond se transforme en torrent sur cent toises jusqu’à élargissement du canyon.
La Crique aux loups est divisée en trois secteurs rayonnants. Le premier, celui contigu au cours naturel du Coursprofond, est aquatique, il s'étire sur quinze toises dans sa plus grande longueur. Si l'eau, dans la Crique aux loups, est quelque peu agitée, passé deux coudées, elle devient limpide, fraiche et lisse comme un miroir. Le second est une étendue sablonneuse, tout au plus longue de cinq toises. Le dernier est une petite prairie grasse et verdoyante de dix coudées.
Dans cette prairie pousse un noyer centenaire, foyer d’un couple d’écureuils roux, ce qui est surprenant dans un lieu où il semble que seuls les animaux volants ou aquatiques peuvent accéder. Peut-être viennent-ils du monde perdu. Y a-t-il des écureuils dans le monde perdu de Sir Arthur Conan Doyle ?
La sente, seule solution de continuité dans la pente de la paroi de la crique aux loups, large à cet endroit d’une coudée, relie les deux niveaux selon une pente de vingt pour cent.
Ensuite, le canyon reprend son cours sinueux, plus ou moins large, jusqu’à la sortie de l’autre côté de l’inselberg.
Roland range le study-pad dans une poche, il a mémorisé la carte. Il s’oriente et se dirige vers l'entrée du canyon.
Il est maintenant devant l’entrée, il observe le ciel qui est particulièrement couvert, les nuages sont bas et noirs.
Ils doivent être impressionnants vus du monde perdu.
Mieux vaut perdre un quart d’heure
Roland s’assied, prend l’oo’lu, se concentre, commence à jouer. Le vent chaud du sud souffle, les nuages s’élèvent, sont poussés vers le nord.
Roland se lève, il s’engage sur la sente du fol. Le vent continuera à souffler encore un long moment, le ciel sera complétement dégagé avant que Roland n’ait parcouru la moitié de la sente. Il porte l’oo’lu sur l’épaule, en bâton de marche sur ces terrains, il serait un handicap.
Pour traverser les gués, et cheminer sur les parties inondées, Roland enlève ses bottes et les suspend à l’oo’lu, puis les enfilent pour marcher sur les rochers ou les galets. Il avance plus vite qu’il ne l’avait craint.
Deux à trois lieues heure dans ces conditions de marche, c'est bien, je devrais être à Bannière vers dix-sept heures.
Après un voyage dans la pénombre, il est ébloui par la luminosité.
Roland pénètre dans la crique aux loups inondée de soleil, et découvre Amaelle, de l’eau jusqu’à la taille, elle prend son bain, Roland reste figé.
Ayant fini de se savonner, Amaelle s’immerge, nage sous l'eau en direction du torrent, puis retourne vers la plage en dos crawlé.
Roland est fasciné.
Amaelle sort de l’eau, elle se dirige vers ses vêtements, elle s’ébroue, sa natte ruisselle sur ses reins.
La main de Roland se crispe sur l’oo’lu.
L’oo’lu, fils de mère nature, joue (peut-être le mouvement engendré par la main de Roland, combiné au déplacement d’air dû à la cascade) une brise légère caresse Amaelle, qui en a la chair de poule.
Amaelle se retourne, lève le regard vers Roland.
Quelle femme !
Heureusement que ma houppelande est fermée
Depuis combien de temps sait-elle que je suis là ?
Heureusement que la capuche cache mon visage
Mais, elle me fixe dans les yeux !
Amaelle sans cesser de fixer Roland, se baisse, ramasse la cape verte et s'en drape.
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