« J’ai besoin de votre aide. »

Elle leva la tête vers son bourreau et rencontra un regard bleu et vif : celui d'un vieil homme à la barbe foisonnante, mais parfaitement taillée.

« La situation doit vous paraitre intolérable, et moi-même je ne pensais pas en arriver là un jour… mais c’est une question de vie ou de mort », poursuivit-il d’une voix calme.

Son assurance lui donnait envie de le tuer.

Elle le fixa droit dans les yeux pendant un long moment, le corps tremblant de fureur.

« Pauvres fous ! » dit-elle finalement d’une voix sourde, presque grondante. « Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites. En me soumettant à votre volonté, vous condamnez des milliards d’âmes en colère à errer sur Terre ! Ce sera le chaos ! »

Autour d’elle, personne ne bougeait et ne disait mot. Mais la tension qui régnait dans la pièce était si intense qu’elle en était presque palpable. Elle sut alors qu’ils étaient parfaitement conscients des conséquences de leurs actes, ce qui ne fit qu’augmenter la fureur qui bouillonnait en elle.

Dans un cri de rage, elle essaya de se relever et se défaire de ses chaînes, mais peine perdue.

« S’il vous plait, écoutez au moins ce que j’ai à vous dire », plaida le vieil homme, lorsqu'elle se fut calmée.

Il se releva et dessina brièvement du bout des doigts un symbole dans l’air, et les chaînes à ses poignets s’ouvrirent dans un cliquetis qui résonna en écho dans la pièce.

« Si vous ne m’aidez pas, c’est toute l’humanité qui risque d’être détruite. Comprenez-moi, j’essaie juste d’empêcher que l’Apocalypse ne se produise ! »

Elle resta encore un moment à terre, la respiration sifflante et le regard hargneux. Elle avait envie de s'attaquer à cet homme, mais elle ne pouvait pas.

« Cela ne me regarde pas », finit-elle par répliquer d'un ton sec en se relevant, ignorant la main que lui tendait son bourreau. « Je ne peux pas – je ne veux pas ! – interférer dans tout ça. Ce n’est pas mon rôle. Maintenant, pathétique humain, je t’ordonne de me libérer tout de suite. »

Un silence de plomb s’abattit dans la pièce. Puis…

« Non », répondit le vieillard d’une voix douce, mais ferme. « Je ne vous libèrerai pas. J’ai vraiment besoin de vous et de votre immense pouvoir… » Il hésita une seconde avant de poursuivre. « Je veux que vous protégiez mes enfants de tous ceux qui essaieront de les tuer. »

« Dans ce cas, je ne peux pas vous aider », coupa-t-elle sèchement. « Je n'ai pas le droit de tuer des humains. »

« Je sais. Ne vous inquiétez pas, c’est pour les protéger des créatures surnaturelles que j’ai besoin de vous. J’ai déjà quelqu’un pour s’occuper des menaces humaines. »

Il lui tendit à nouveau la main, dans une invitation à le suivre.

« Permettez-moi de vous offrir des vêtements convenables, et même un peu de thé et à manger si vous avez faim. Je souhaite également vous expliquer plus en détail ce qui m’a poussé à en arriver là… »

Elle le foudroya du regard. L'envie n'était pas là, mais elle était obligée de le suivre, et même d’accepter les pathétiques vêtements qu’il comptait lui offrir. C’est à contrecœur qu’elle saisit sa main tendue.

Toute cette histoire n’avait absolument aucun sens et ne pouvait que très mal tourner.