Episode 12 : Miss cafteuse
« Vous n’auriez pas dû être accompagnés de deux personnes en plus ? » demanda Kami avec curiosité, alors qu'ils s’étaient installés au salon, une grande pièce avec de larges et hautes fenêtres ventrues.
Il y faisait agréablement frais et Leo se félicita d’avoir insisté pour y boire une petite bière. Les autres avaient accepté de lui tenir compagnie et même Miss secrétaire était là, bien qu’elle n’ait pas du tout l’air ravie. Installée du bout des fesses dans un coin de canapé, elle affichait une expression de profond ennui qui lui donnait un air boudeur.
« Le pilote et l’hôtesse du jet ne devaient pas venir avec vous ? Papa avait dit qu’ils resteraient une nuit à la maison avant de repartir. »
Tout en savourant sa bière, Leo eut une petite pensée pour les deux cadavres qu’il avait laissés dans le jet. Il n’avait cependant pas envie d’en parler, mais c’était sans compter sur Miss secrétaire qui était apparemment aussi une Miss cafteuse.
« Ils sont morts », dit-elle d’un ton abrupt alors qu’il ouvrait la bouche pour inventer une explication plausible. « Ce pathétique humain les a tués », ajouta-t-elle en pointant un doigt dédaigneux vers Leo.
Trois paires d’yeux se tournèrent instantanément vers lui : Hana et Kami avaient l’air horrifiées, tandis que Kaleb semblait très intéressé, comme s’il voulait en savoir plus.
« Hey, pas la peine de me regarder comme ça ! Ils ont essayé de me tuer ! C’était eux ou moi, je n’ai fait que me défendre », riposta Leo en jetant un regard mauvais en direction de cette espèce de faucheuse de pacotille.
« Ou alors, tu aurais tout simplement pu les ligoter et on les aurait livrés à la police dès votre arrivée », répliqua sèchement Hana.
Non, sans blague ?
« Mais oui, bien sûr. Et tu leur aurais ensuite proposé un peu de thé lorsqu’ils seraient revenus pour prendre leur revanche », ricana Leo, ce qui lui valut un regard noir de la part d’Hana.
Il se fit la réflexion qu’elle n’avait pas du tout changé... mis à part la coiffure : ses cheveux autrefois très longs avaient laissé place à un carré ondulé qui lui allait plutôt bien.
« Comment est-ce que tu vas ? On a entendu dire que tu as failli mourir lors de ton dernier contrat », demanda brusquement Kami. Elle le regardait d’un air anxieux et Leo frissonna d'horreur. Les marques d’affection de cette petite commençaient sérieusement à lui foutre les boules.
« Il aurait dû mourir dans cet entrepôt », commenta alors Miss secrétaire de son habituelle voix plate, mais Leo crut y déceler de la déception. Il leva les yeux au ciel.
« A t’entendre, c’est vraiment dommage qu’il soit encore là », fit remarquer Kaleb. « Et puis au fait, t’es qui déjà ? »
« Je vous présente Miss secrétaire, une espèce de tarée qui se prend pour la Grande Faucheuse en personne », répondit aussitôt Leo d’un ton moqueur alors que l’autre était en train de prendre la fameuse pose grandiloquente de celle qui allait annoncer qu’elle était « la Mort ». Il ressentit alors un petit plaisir mesquin à l’idée de lui avoir coupé le sifflet à cette Miss cafteuse.
« Je t’ai dit de ne plus m’appeler comme ça humain ! » gronda cette dernière en bondissant sur ses pieds. « Je ne suis pas une secrétaire, mais la Mort ! »
« Si c’est vrai, alors pourquoi tu n’as pas – je ne sais pas moi – genre instantanément foudroyé les deux idiots du jet lorsqu’ils ont essayé de me tuer ? » contre-attaqua Leo avec un petit sourire en coin.
« Peut-être parce que je voulais te voir ENFIN raide mort ? », répondit l’autre d’une voix sifflante.
Les poings serrés, elle le fusillait de son regard mordoré et Leo se surprit à la trouver plutôt jolie à cet instant précis.
« Vos disputes de couples sont vraiment trop mignonnes, mais on ne sait toujours pas comment tu t’appelles », intervint Kaleb en se raclant exagérément la gorge.
Après un dernier regard noir vers Leo, Miss secrétaire se tourna vers lui et le considéra avec dédain.
« La Mort n’a pas de nom », répondit-elle froidement en se rasseyant. Les autres la regardèrent d’un air perplexe, mais elle les ignora royalement et Leo esquissa un sourire amusé.
Enfin, bref, il était temps de passer aux choses sérieuses. Il termina sa bière d’une traite et posa la bouteille sur la table basse, puis il croisa les mains sous son menton, toute trace d’humour ou de malice ayant déserté son regard.
« Eh bien eh bien, maintenant qu’on s’est bien marré, venons-en aux faits : la raison de notre venue ici. » dit-il avec sérieux. « Pour gagner du temps, je vais vous la faire très courte d’accord ? Vos têtes (il fit un geste du menton vers les jumeaux) sont mises à prix, et votre Vieux nous a envoyés pour empêcher qu’on vous bute. »
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