Il était dix heures du matin lorsqu’Imogen se résolut à re-décortiquer tous les éléments qu’elle avait en main. La jeune femme avait décidé d’aller interroger elle-même les séquestrés de la supérette quand son portable sonna.

C’était Martin, son supérieur hiérarchique. Elle décrocha en grommelant.

« Marlo, comment avance ton enquête ? » demanda immédiatement l’autre d’une voix bourrue.

Comme à son habitude, pas de bonjour ni autre formalité. Imogen leva les yeux au ciel, mais sans être froissée par son attitude. Martin n’était pas méchant, il avait juste un sale caractère… comme elle.

« J’espère que tu vas arriver à le coincer cette fois ? »

« J’y travaille chef », répondit-elle avec une pointe de sarcasme dans la voix.

« Eh bien, tu devrais y travailler encore plus sérieusement, parce que le FBI a décidé de fourrer son nez dans tes affaires ! »

« Quoi ? Comment ça ‘fourrer son nez dans mes affaires’ » ?

« Ils devraient t’envoyer deux types aujourd’hui, » grommela Martin à l’autre bout du fil. « S’il te plait Marlo, ne fais pas de vagues d’accord ? Essaie un peu de tempérer ton caractère de merde et ne fais pas trop la mégère. Je n’ai vraiment pas envie d’une petite guéguerre stupide entre le FBI et Interpol…»

Puis sans aucune cérémonie, il lui raccrocha au nez, la laissant bouillonnante de colère. Non mais sérieux ? Ces deux idiots du FBI allaient à coup sûr lui mettre des bâtons dans les roues et lui pourrir son enquête !

Imogen était sur le point de pousser un cri de rage, quand on frappa à la porte de sa chambre. Furieuse d’avoir été coupée dans son élan, elle se précipita pour ouvrir, prête à gueuler sur le ou les visiteurs indésirables. Elle se retrouva alors nez à nez avec deux drôles de types en costume.

Enfin, nez à nez était un bien grand mot vu leur taille.

L’un d’eux était un véritable colosse d’au moins deux mètres et surement cent kilos de muscles ! Il avait une longue barbe et des cheveux auburn ondulés qui lui tombaient en mèches folles sur ses épaules massives. Son regard de braise rajoutait encore plus de virilité à son physique déjà très avantageux.

L’autre, était un peu plus « petit », mais façon de parler, car il devait faire dans les 1m80. Avec son physique fin et androgyne, ses longs cheveux polaires et son visage aux traits parfaits, on aurait dit un ange. Il dégageait une telle grâce et sensualité que c’en était presque surnaturel.

Imogen en resta interdite. Elle n’était pas du genre à s’extasier devant de belles gueules, mais la beauté de ces deux là lui donnait presque des bouffées de chaleur !

« Agent spécial… Imogen Marlo ? » demanda celui qui ressemblait à un ange. Sa voix mélodieuse et nonchalante avait quelque chose de très érotique.

« Euh oui, c’est moi », répondit l’intéressée, avec un temps de retard. Elle avait anormalement chaud. Très chaud. Bizarre…

Comme s’il ressentait son trouble, le blond esquissa un petit sourire qui ne fit qu’accentuer sa beauté irréelle. Puis sans y être invité, il entra dans la chambre d’Imogen d’une démarche souple et élégante, suivi par son acolyte musclé qui écarta la jeune femme sans ménagement.

« Mon nom est Rukkia, et voici Vassago », se présenta le décoloré de sa voix de velours en dardant sur Imogen un regard très pâle, presque translucide. « Nous sommes du... FBI. »

Il prononça le dernier mot avec amusement.

Il fourragea ensuite un instant dans la poche de son veston et en sortit un badge qu’il présenta brièvement devant Imogen, avant de le replacer soigneusement dans la poche intérieure de son costume.

La jeune femme eut quand même le temps de remarquer que ce cher « agent » Rukkia avait tenu plaque à l’envers. Non, mais sérieux ?

« Oui c’est ça, le FBI. Donc nous sommes là pour vous aider à traquer et attraper… hum… cet humain là… comment il s’appelle déjà ? »

Le dénommé Rukkia se tourna vers le colosse – Vassago (drôles de noms quand même !), qui haussa les épaules en grognant une réponse inintelligible. Les bras croisés et la mine revêche, il avait l’air aussi aimable qu’une porte de prison.

« Vous parlez de Liam Arden, je présume ? » répondit sèchement Imogen.

La parenthèse hormone en folie passée, elle trouvait ces deux hommes vraiment étranges. Pas pour leur physique atypique (ce n’était quand même pas elle qui allait porter ce genre de jugement)… Imogen n’arrivait pas à se l’expliquer, mais il y avait quelque chose de très dérangeant chez eux.

« Ah oui, c’est ça, Liam Arden », acquiesça l’agent Rukkia en agitant une main parfaite d’un geste désinvolte. « Alors, qu’avons-nous là ? » ajouta-t-il ensuite en s’emparant des dossiers de l’affaire qu’Imogen avait posés sur son lit.

Sans aucune gène, il feuilleta rapidement les documents d’un air ennuyé avant de tout jeter en l’air sous le regard furibond d’Imogen.

« Non mais pour qui vous vous prenez à débarquer comme ça et mettre le bordel dans mes dossiers ! » explosa la jeune femme en se retenant pour ne pas étrangler cet espèce de décoloré.

« Toute cette paperasse n’est d’aucune utilité ! » coupa ce dernier avec un petit sourire suffisant. « Je puis vous assurer que Vassago et moi disposons d’autres moyens beaucoup plus rapides et efficaces pour vous aider à débusquer ce petit insecte. »

Son rictus s’élargit devant l’air furieux d’Imogen.

« Rassurez-vous, agent Marlo », dit-il de sa voix de velours. « Nous n’avons pas du tout l’intention de vous voler la vedette en ce qui concerne la capture de… cet humain, Arden. Ce sont les enfants qui nous intéressent… et la fille. N’est-ce pas Vassy ? »

Vassy, qui n’était visiblement pas loquace du tout, répondit par un grognement incompréhensible en levant les yeux au ciel, puis il se dirigea vers la porte.

« Allons-y Rukkia », lança-t-il d’une voix rauque, presque grondante. « On perd du temps ici, plus on attend, plus son aura nous échappe ! »

Humain ? Aura ? Mais de quoi est-ce qu’ils parlaient ? Ces deux types n’étaient vraiment pas nets. Imogen n’aimait pas du tout la tête condescendante de l’armoire à glace.

Elle se précipita à leur suite alors que Rukkia emboitait le pas de l’autre, les mains nonchalamment nouées derrière le dos.

« Vous allez où comme ça ? C’est mon affaire ! Je veux savoir ce que vous comptez faire pour retrouver Arden et les otages ! »

« Oui, bien sûr », lui répondit Rukkia en souriant aimablement. « Je vous invite d’ailleurs à nous suivre ! Vous verrez, agent Marlo, ce sera très amusant. »

De nouveau ce petit rire que certains pourraient trouver charmant, envoûtant. Imogen, elle, le trouvait juste glaçant.

La jeune femme suivit quand même les deux types, en se disant qu’elle allait se renseigner un peu sur eux.

Juste au cas où.