Episode 56 : Jalouse ? Pas du tout !
Hana referma le coffre de la voiture avec beaucoup plus de force que nécessaire. Le claquement sec retentit bruyamment, troublant le silence. Les jumeaux qui s’étaient déjà éloignés en direction du chalet où ils allaient passer la nuit, se retournèrent pour l’interroger du regard. Elle leur adressa un petit signe rassurant de la main et ils continuèrent leur route, croisant Leo au passage. Les mains enfoncées dans les poches de son blouson et une cigarette au coin des lèvres, le jeune homme se dirigeait vers elle.
« Besoin d’aide pour porter tes affaires, Na ? » demanda-t-il.
Hana pinça les lèvres en entendant ce petit nom qu’il lui donnait lorsqu’ils étaient enfants. C’était la première fois qu’il l’appelait à nouveau comme ça. Mais contre toute attente, cela ne fit qu'accroître la colère qui bouillonnait en elle depuis maintenant des heures. Elle avait juste envie de le gifler.
Mais elle ne voulait pas se disputer avec lui, et encore moins devant les jumeaux. La jeune femme prit sur elle et saisit furieusement son sac, avant de se diriger à grands pas vers le chalet en prenant soin de contourner Leo. Ce dernier parut franchement surpris par son attitude et la rattrapa sans effort. Il se planta ensuite devant elle, les sourcils légèrement froncés.
« Hana, attends ! Y a un problème ? Tu m’as l’air euh… en rogne. »
Il parut ennuyé en prononçant le dernier mot, ce qui eut don de la mettre encore plus en colère. Hana leva un regard furieux vers le jeune homme dont les yeux verts reflétaient une incompréhension totale. Il n’avait clairement aucune idée de ce qui n’allait pas et c’était juste rageant.
« Rien du tout ! » finit-elle par cracher en prenant soin de ne pas élever la voix, alors qu’il jetait négligemment son mégot par terre. « Ce n’est pas comme si tu t’es comporté comme un parfait connard la nuit dernière ! »
« Mais de quoi tu parles ? » demanda-t-il, en la regardant, l'air toujours aussi perdu, les yeux légèrement écarquillés. Hana se rendit alors compte qu’il ne faisait pas semblant, qu’il ne se moquait pas d’elle.
Leo ne comprenait juste rien du tout.
Elle soupira et ses ressentiments la quittèrent peu à peu. Ça ne servirait à rien de le disputer, de lui crier dessus. Il n’avait clairement aucune expérience en ce qui concerne les relations humaines, amoureuses. Les relations tout court.
Et tout en se demandant comment il en était arrivé là, Hana laissa tomber son sac sur le sol pour pouvoir poser ses mains sur les épaules du jeune homme. Ce dernier se laissa faire, sans cesser de la fixer d’un air interrogateur. Elle le trouva presque adorable avec ses ridicules lunettes et sa barbe de trois jours.
« Leo », commença-t-elle, avant de s’interrompre. Elle ne savait pas par où commencer, comment lui expliquer sans que ça ne finisse en prise de bec. Elle avait remarqué que Leo avait tendance à se braquer quand il était mal à l’aise. « Hier soir, quand tu étais avec Mo… ton attitude a été blessante. »
Il ouvrit la bouche pour répliquer, mais elle posa un doigt sur ses lèvres.
« Avec les jumeaux, on s’inquiétait pour toi… après ce qui s’était passé… tu étais quand même resté évanoui pendant des heures ! Et hier soir, quand on vous a entendu vous disputer avec Mo… on a accouru. Et toi, tu nous as tout simplement ignorés, jetés ! C’était blessant, pas seulement pour moi, mais pour Kaleb et Kami aussi ! Tu ne te rends pas compte, mais ils t’aiment, Leo… tu es leur grand-frère, n’oublie pas ça. »
Sans même s’en rendre compte, elle avait glissé une paume sur sa joue. Leo attrapa sa main avec douceur, puis il posa son front contre le sien. Il ne dit rien pendant plusieurs minutes, puis finit par soupirer.
« Je suis désolé, Na... » murmura-t-il en baissant les yeux. « Je voulais pas te blesser, et encore moins les gamins… c’est juste que… fallait que je discute seul à seul avec Mo… et voilà, je suis pas très doué pour parler… bien sûr, ça n’excuse pas mon caractère de merde… mais tout ça c’est tellement nouveau pour moi… »
Et le voilà qui se perdait dans des explications maladroites comme cette nuit à son appartement. A cet instant précis, Hana le trouva vraiment mignon. Elle décida d’arrêter son supplice et le fit taire en posant gentiment ses lèvres sur les siennes. Leo saisit alors son visage entre ses paumes et approfondit le baiser. C’était tellement fougueux et passionné qu’Hana gémit contre sa bouche, les doigts accrochés à son blouson.
Ils s’embrassèrent longuement, tendrement jusqu’à ce que le souffle leur manque et qu’ils durent se séparer. Mais Leo attira aussitôt Hana et la serra contre lui, les lèvres perdues dans ses cheveux. Elle ferma les yeux et s’abandonna à cette douce étreinte, en se délectant de son parfum si enivrant.
« Je vais faire des efforts, d’accord ? » finit par chuchoter le jeune homme après un petit silence. « Mais je promets rien… après tout, connard un jour, connard toujours », plaisanta-t-il avec une pointe d’amertume dans la voix.
« Mais non, tu n’es pas un connard », répliqua Hana en levant la tête pour lui adresser un petit sourire affectueux. « Enfin… pas tout le temps », ne put-elle s’empêcher d’ajouter d’un air taquin, ce qui lui valut un petit haussement de sourcil amusé de la part de son… amoureux ?
Elle se pencha ensuite pour prendre son sac par terre, mais Leo fut plus rapide et le jeta négligemment sur son épaule. Il lui saisit ensuite la main et c’est les doigts entrelacés qu’ils reprirent la route vers le chalet.
Hana se sentait sur un petit nuage. Avec Leo, peut-être qu’ils allaient pouvoir prendre un nouveau départ ? Enfin, à condition d’arriver à surmonter tous les problèmes (mortels) qui les attendaient au tournant. Et justement en parlant de la Mort… Hana s’arrêta malgré elle. Une question la taraudait depuis des jours et elle se dit que c’était le bon moment pour obtenir une réponse franche.
« Leo, dis-moi... »
« Oui, Babe ? »
Son cœur rata un battement en entendant le petit nom. Il ne l’avait encore jamais appelé comme ça avant. Leo la fixait avec son petit sourire en coin si craquant, visiblement conscient de l’effet que ça lui faisait. Hana fit la moue avant de retrouver son sérieux. Elle voulait vraiment être sûre…
« Entre toi et Mo, il n’y a rien n’est-ce pas ? » demanda-t-elle alors d’une traite en ramenant une mèche derrière son oreille, le regard baissé. Maintenant qu’elle avait posé la question à voix haute, la jeune femme se sentait tout simplement ridicule. Elle leva la tête vers Leo et rougit devant ses yeux écarquillés comme des soucoupes. Puis il éclata soudain de rire.
« Ce n’est pas drôle », cracha Hana, vexée alors que l’autre était franchement plié en deux. « Leo… répond à la question, tu veux ? »
Mais le jeune homme continua de s’esclaffer comme un enfant pendant encore un moment.
« Sérieusement, Na ? » pouffa-t-il en lui reprenant la main. « Cette question n’a même pas lieu d’être ! Entre Mo et moi y aura jamais rien ! De un parce que je ne suis qu’un pauvre et misérable humain et de deux, elle me déteste ! »
« Mais… tu flirtes avec la Mort depuis tellement d’années ! » s’exclama Hana avec exaspération. « Et maintenant qu’elle est vraiment là en chair et en os... »
« Babe, s’il te plait », la coupa Leo en levant les yeux au ciel. « Franchement… le jour où on fricotera avec Mo, c’est quand il gèlera en enfer ! Et maintenant, arrête de penser à des trucs comme ça », ajouta-t-il en l’attirant de nouveau vers lui pour l’embrasser. « Sinon je vais finir par croire que… tu… fais… ta… jalouse ».
Joueur, il prononça les derniers mots entre deux baisers.
Toute rougissante, la jeune femme se sentait effectivement comme une adolescente piquant une crise de jalousie.
Et pourtant, il y avait des moments où Mo et Leo lui donnaient tellement cette étrange impression… de flirter. Ils interagissaient avec tant de naturel, sans aucun malaise. Comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Et c’était vraiment déstabilisant pour Hana qui avait souvent la désagréable impression de marcher sur des œufs avec Leo. Surtout qu’avec la situation actuelle, tout pouvait s’effondrer à n’importe quel moment…
Son bonheur s’étiola lentement à cette idée et ses doigts s’accrochèrent davantage à ceux de Leo. Ce dernier était encore en train de ricaner comme un gamin. D’un côté son attitude la rassurait, mais en même temps, avec l’Apocalypse à venir et tout… qui sait ? Peut-être qu’à un moment, il pourrait vraiment geler en enfer ?!
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