Episode 57 : Au coin du feu

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Parfait, songea Leo en prenant soin de bien verrouiller la porte du sous-sol. Il venait de faire l’inventaire et ils avaient exactement tout ce qu’il fallait pour continuer la route. Si cet enfoiré de Vassago venait à se pointer, Leo pourra désormais l’accueillir comme il se doit.

Le jeune homme se frotta les mains d’un air férocement réjoui, puis se dirigea vers la sortie dans l’intention de fumer une clope avant de rejoindre Hana à l’étage. C’est alors qu’il remarqua Mo, tranquillement installée dans le salon, au coin de la cheminée. Les yeux fixés sur l’âtre vide, elle semblait perdue dans ses pensées. Oubliant complètement son envie de cigarette, Leo s’approcha d’elle, intrigué. Elle se tourna vers lui au moment où il arrivait à sa hauteur.

« Que veux-tu, Humain ? » demanda-t-elle avec agacement.

« T’étais passée où encore », répliqua Leo. « Tu devrais arrêter de disparaître on ne sait où comme ça, surtout après ce qui s’est passé la dernière fois... »

Mo ne répondit pas et se contenta de le dévisager d’un air bizarre. Exactement de la même façon qu’hier soir. Un peu comme si elle était furieuse, frustrée ou comme si elle n’arrivait pas à mettre le doigt sur quelque chose.

Leo ne comprenait d’ailleurs pas sa réaction. Pourquoi elle en faisait tout un plat franchement ? Il allait bien maintenant, plus de mains qui tremblent, plus de nausées et ses tatouages ne le brûlaient plus. Et puis, pour être honnête, Leo s’en foutait complètement d’avoir perdu quelques années de vie. De toute façon, c’est pas comme s’il avait prévu de vivre vieux et entouré d’une ribambelle de marmots. Faire la peau à Belzébuth et ses sbires, voilà tout ce qui comptait. Après s’il mourrait, bah tant pis. Ainsi soit-il.

Mo continuait de le sonder avec insistance et Leo haussa les épaules. Il se rappela soudain de ses intentions premières avant toute cette distraction. Il décida alors de s’en griller une dans le salon. Avec un peu de chance, l’odeur de tabac sera partie d’ici le lendemain matin.

« Tu devrais arrêter ça, Humain », lança soudain Mo alors qu’il s’allumait une cigarette en s’adossant contre la cheminée. « Ne sais-tu pas que ces immondes choses que tu ne cesses de fumer jour et nuit sont de véritables poisons ? »

« Mmmmm », marmonna distraitement le jeune homme en se tirant une taffe.

« Tu n’es vraiment qu’un idiot », grinça alors la jeune fille en le fusillant des yeux. « Attends au moins que je sois libérée de mes chaînes pour mourir d’un cancer, je me ferais une joie de faucher ton âme de débauché. »

« Attention à ce que tu dis, à t’entendre, on penserait que je t’obsède », répliqua Leo avec un petit rictus.

A sa grande surprise, Mo lui rendit son sourire moqueur. Et pour la toute première fois, il remarqua qu’elle avait des dents du bonheur. Il ne put s’empêcher de trouver ce détail vraiment mignon.

« Sinon, tu fais quoi ? Tu veux que je t’allume un feu ? », demanda le jeune homme en avisant sa petite veste en laine qui ne devait sûrement pas la protéger de la température glaciale. Quoique… elle n’avait pas l’air de grelotter.

« Pourquoi faire ? » répondit-elle en penchant la tête sur le côté, les sourcils froncés. « Contrairement aux petits êtres faibles que vous êtes, je ne crains pas le froid. Et puis de toute façon, je n’ai pas besoin de toi pour m’allumer un feu, je peux le faire toute seule. »

Elle ponctua ses dires en esquissant un petit geste dédaigneux de la main vers la cheminée et des flammes jaillirent aussitôt dans l’âtre. Leo eut juste le temps de bondir en avant pour éviter que le bas de son pantalon ne prenne feu.

« Mais putain, Mo ! » protesta-t-il en roulant des yeux exaspérés vers la jeune fille. Il en avait même fait tomber sa cigarette sous le coup de la surprise. « Continue comme ça et je vais vraiment finir par croire que tu essaies de me tuer ! »

Pour toute réponse, le sourire de cette dernière se fit plus éclatant, puis elle pouffa brusquement de rire. C’était tellement inattendu que Leo resta un instant interdit devant le spectacle.

Mo était en train de rire.

Son regard doré était tout pétillant, son visage détendu… à cet instant, il émanait d’elle une telle innocence ! Et les petites dents de bonheur ne faisaient qu’accentuer cette impression. C’était vraiment fascinant.

Le moment d’hilarité ne fut cependant que de courte durée, car la jeune fille reprit bien vite son sérieux. Elle parut toutefois étonnée, comme si elle-même ne s’était pas du tout attendue à cette petite explosion de joie. Elle leva ensuite des yeux incrédules vers Leo qui paraissait tout aussi ébahi qu’elle.

Il y eut une petite minute de flottement, puis ils éclatèrent de rire dans un bel ensemble. Mo se cacha la bouche derrière ses mains, sans cesser de rigoler, tandis que Leo s’esclaffait sans retenu, appuyé contre la cheminée. Il n’avait aucune idée de ce qui les faisait marrer, mais franchement, quelle importance ? Ça faisait juste du bien de rigoler un bon coup… avec Mo.

Sans même s’en rendre compte, le jeune homme amorça un mouvement pour la rejoindre au coin du feu…

« Vous faites quoi ? » demanda brusquement une voix curieuse dans leur dos. Il s’agissait de Kaleb. Debout dans l’embrasure de la porte, un verre d’eau dans chaque main, il les dévisageait d’un air suspicieux.

Le charme fut aussitôt rompu. Mo cessa de rire et son visage reprit son habituelle expression lisse et froide. Leo, lui, resta un instant planté à mi-chemin entre la cheminée et la jeune fille. Et les paroles d’Hana lui revinrent en mémoire avec la force d’un coup de poing en pleine figure.

Entre toi et Mo, il n’y a rien n’est-ce pas ?

Le jeune homme recula lentement vers la porte.

« Euh, je crois que je vais y aller », dit-il comme si de rien n’était, alors qu’il avait brusquement une furieuse envie de quitter la pièce.

Mo ne répondit pas et se contenta de le suivre des yeux. Ses prunelles mordorées étaient insondables, c’est comme si le petit moment au coin du feu n’avait été qu’un rêve. Oh et puis on s’en fout !

Tu flirtes avec la Mort depuis tellement d’années…

Mais pas du tout ! songea le jeune homme alors que le regard doré ne quittait pas les siens. Impossible de deviner à quoi Mo pouvait bien penser… Mais sûrement pas à des trucs… salaces. Et lui non plus d’ailleurs !

La jeune fille se détourna ensuite avec dédain au moment où Leo passait le pas de la porte, toujours à reculons. Ce dernier se sentit agacé par son attitude.

« Évite de disparaître cette nuit », lâcha-t-il sèchement avant de s’en aller, passant devant Kaleb sans lui accorder la moindre attention.

Et alors qu’il montait les escaliers quatre à quatre, Leo se dit qu’Hana avait vraiment de drôles de pensées quand même. Il n’y avait absolument rien entre lui et Mo. Et c’est clair qu’il n’y aura jamais rien.

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