Mystère de Baudelaire

Une minute de lecture

Je descends cette rue d’escaliers où brille la lame coupante du jour, pareille au silex. Rien ne me sera donc épargné, comme si la pluie, à l’unisson de ma tristesse, voulait m’exiler bien au-delà de moi- même, m’entraîner dans une irréversible chute. Faut-il que les métaphores soient parlantes, bavardes, pour qu’elles nous intiment l’ordre d’interpréter, avec autant d’acuité, le chiffre de leur symbole ! Aucune lucidité ne se mettra entre parenthèses, aucune vérité ne se dissimulera à la clarté de mon entendement. Aucune fuite à l’horizon qu’un fin brouillard noie dans le doute et l’approximation. La lumière est si basse, à peine une vague blancheur dans le réseau serré de l’heure, une ligne tremblant à l’idée même de sa native ambiguïté. Vois-tu, toi qui dois lire dans quelque chambre d’hôtel, sous « la clarté déserte » d’une opaline - je connais tellement tes petites manies, tes infinies obsessions -, toi qui dois lire une histoire romantique, tes yeux, au moins, perçoivent-ils ce que je perçois, la fin d’un cheminement, le saut irréversible dans un inconnu qui, nécessairement, deviendra notre commune geôle ? Je le sais, pas plus que moi, tu n’échapperas à tes tourments. Ton regard, sous ton casque de cheveux courts, est parfois si semblable à l’insondable mystère de Baudelaire, comme si, depuis le pli de ta conscience, depuis la source de ton intimité, tu ne pouvais serrer dans tes doigts fragiles, que ces « Fleurs du Mal » qui s’invaginent en toi avec la puissance de quelque esprit maléfique. Tu sais, ces fleurs qui croissent en nous, elles ne repoussent jamais, elles ne sont nul Phénix qui pourrait renaître de son propre flétrissement. Rien ne s’exhausse de soi qui a été perdu par insoumission ou bien par une insuffisance de la vue. Oui, je sais combien mon discours te paraîtrait « décalé », moralisateur. Pourtant il apparaît comme le seul possible dans ce que nos vies sont devenues, cette sente étroite qui disparaît à même son apparition dans la complexité du monde. Des sentiments, surtout, qui sont si solubles dans l’eau, cette eau qui tombe du ciel avec une belle insistance.

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