Est-ce un art ?
Où suis-je ? Je ne perçois qu'une grande fente de lumière en hauteur, d'où sort un soleil brûlant, et ce qui semble être un drôle de personnage en rouge. Je l'observe attentivement depuis plusieurs instants, ses yeux injectés de sang s'appuient sur mon regard.
Je ne sais pas ce qui peut bien se passer, je me revois auprès de mes enfants en balade à la belle étoile dans un champ. Les cris d'agonie de ma fille ressurgissent, alors que mes hurlements ne peuvent arrêter son supplice. Je ne lui donne pas le plaisir de verser une larme, pendant qu'il ricane, face au corps de ma petite luciole qui gît sur le sol, j'aperçois ses yeux se fermer pour la dernière fois. Cela ne lui suffit pas, il prend ce qui me paraît être un outil tranchant et arrache un à un les membres de mon enfant. Je fuis ces souvenirs insupportables pour revenir au calme pesant de l'obscurité, mais ses yeux me fixe encore de leur air malsain.
J'entends comme des cris, ce qui est en train de se passer derrière cette porte, me glace le sang. Ce qui constitue sûrement une de ses victimes, vient de se coucher sur le sol, il respire à peine, et l'être rouge s'éloigne doucement de sa proie. Son regard de détresse se confronte à ma tristesse de ne pouvoir empêcher que ces tourments cessent, il se rapproche de nouveau d'elle, et d'un coup d'épée lui retire la lueur d'espoir qu'il restait sur son visage. Son regard se tourne ensuite vers moi, comme pour me signaler que je suis la prochaine. Je ne saisis pas son sourire presque joyeux, au vu de toute cette souffrance qu'il fait endurer à des êtres qui lui sont si proches.
La porte s'ouvre brusquement sur cet être, que la création n'aurait pas dû faire naître. Il gesticule comme une danseuse, mais la fureur de ses yeux percent le plus profond de mon âme. Je cours dans tous les sens cherchant désespérément une sortie, je me résigne à devoir me battre contre lui, ayant épuisés toutes les possibilités pour m'enfuir. Je prends mon corps entier afin d'essayer de le déstabiliser, il m'évite avec une facilité déconcertante.
La fatigue ne me permet plus d'avancer, chacun de ses lourds pas me fige de plus en plus. Je distingue une mare de sang sur le sol qui avait vu mourir ce pauvre type l'instant d'avant, mais je constate bien que ce sang-là n'est pas le sien.
Je veux me reposer, juste un moment, et fermer mes yeux un petit instant, alors que ses rires tonitruants se précipitent vers moi. Je lève dorénavant ma tête, car jusqu'à maintenant, je n'en ressentais pas le besoin, et une foule de yeux injectés de sang, demande à ce qu'à mon tour ce sombre clown transperce ma gorge de son épée. Qu'a-t-on fait pour mériter ce triste sort ?
"La corrida, ni un art, ni une culture ; mais la torture d'une victime désignée."
Émile Zola
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