Ah, l'athlétisme, c'est une longue histoire ! J'en ai fait pendant deux ans en CE1 et CE2 –je suis incabaple de vous dire l'âge auquel ça correspond. Bref, quoi qu'il en soit, ça commence à remonter... Et si j'ai fait une deuxième année, c'était bien parce qu'on gagnait une coupe en juin après un an d'efforts ! Et oui, quand on est gamin, les coupes, c'est le Graal ! Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de mes cours d'athlé. Le premier, c'est que l'hiver, quand on courait dans le froid et la nuit, ce n'était pas la joie. Le deuxième, c'est un cours durant lequel on a appris avec un nouveau prof le lancer de balles lestées. Tout en nous montrant le bon geste, il disait :

- Ce n'est pas du lancer de grenades !

 Ce jour-là, le soir était tombé et le mercure du thermomètre était bien bas, mais c'est bien ce jour-là dont je me souviens. Allez savoir pourquoi...

 Après deux ans, j'ai donc arrêté l'athlé pour faire de la gym. Et jamais je ne me serai douté de ce qui allait arriver ! Après quelques années, le souvenir du nouveau prof de l'époque –comme si ça faisait trente ans– est resté. Puis mon frère s'est mis à l'athlé à son tour. De temps en temps, je l'accompagnais à son cours. On passait par un petit chemin qui surplombait le stade posé aux pieds d'une colline. Mais peut-on vraiment appeler ça une colline, sachant que c'est juste une bosse dans le paysage qui traverse on ne sait pourquoi la ville en ligne droite et qui accueille la piste cyclable. Et c'est la que la nostalgie arriva. Cette piste rouge, ce décors, ce prof que je n'arrivais Dieu sait pourquoi à oublier. Ne pensez en aucun cas à des amourettes d'enfant.

 Et un jour, venant encore une fois avec mon frère, je l'ai recroisé. Julien ! Il n'avait pas changé de tête depuis la dernière fois, et puis surtout, il ne m'avait pas oubliée !

- Bonjour Christelle !

- Bonjour.

 Mais l'adolescence m'ayant joué un mauvais tour, je ne savais plus si je devais le tutoyer ou le vouvoyer. Ma technique était simple : ne pas utiliser "tu" ni "vous". Et ça consistait en gros à répondre aux questions par oui ou par non. On a discuté un peu –enfin, il a posé quelques questions et j'y ai répondu –, puis il est repartit vers ses élèves et moi vers chez moi. Mais son sourire bienveillant, sa voix chaleureuse et son visage rieur me manquaient toujours autant, voire plus. Au lieu de me soulager, cette rencontre avait amplifié ce sentiment que je ne devais pas m'éloigner de lui.

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 Quelques années plus tard –ou peut-être des mois, je n'ai aucune idée des dates– j'ai trouvé un remède à cela. J'en ai fait un personnage de roman. J'ai essayé de rester fidèle à mes souvenirs, puis j'ai inventé son caractère auquel je connaissais finalement peu de choses. Voilà comment j'ai retrouvé Julien au quotidien, sans me défaire de son image, sans la dégrader. Oui parce que, évidemment, Julien est un gentil dans l'histoire ! Voilà, quand je dis que je m'attache trop aux gens que je connais si peu, n'est-ce pas là un parfait exemple ?

 D'ailleurs, mon frère fait toujours de l'athlé, et bien que je ne lui ressemble pas le moins du monde, Julien sait qu'il est mon frère et sait visiblement encore à quoi je ressemble. Il m'a apparemment croisée à la sortie du lycée l'an dernier. Bien évidemment, je ne l'ai pas vu, ç'aurait été trop beau... Mais quoi qu'il en soit, il est là d'une certaine façon à travers mon personnage, et puis il reste de toute façon lié à la mélancolie qui me prend quand je pense à l'athlétisme.