2. Attrait
Tous ne parlaient que de ça. Dans toutes les bouches, les pilotes étaient qualifiées de putes. J’en avais de la peine pour ces filles, surtout que sans elles, la guerre serait à l’avantage des Crustacés. En faisant la queue à l’immense réfectoire, j’écoutais Rita, une de mes camarades de chambre.
— Elles ont une solde, mais elles ont surtout une prime en plus des POPEX.
— C’est quoi les POPEX ? demanda un garçon derrière-moi.
— Les primes aux opérations extérieures, répondis-je.
— Elles touchent une prime de préjudice intime, reprit Rita. C’est payé au nombre d’heures passées dans l’ESAO, et ça rapporte énormément.
— Faut bien motiver les filles, dit Mako devant elle.
— On leur demande de jouir et en plus faut les payer ? Ah ouais, c’est vraiment des putes ! rit le garçon. Et puis elles doivent avoir des POPEX selon les zones de combat où elles vont, ça doit rapporter.
Je fis signe à mon camarade de l’autre côté de la vitre de me remplir une assiette de frites et de carottes trop cuites. Puis, je suivis mes camarades à une table sans prendre part au débat qui me heurtait. Je trouvais le jugement qu’on faisait de ces filles, un peu hâtif. Ressentant au fond de moi le plaisir que j’aurais à piloter, je le prenais personnellement. Ma tête me disait que c’était un avenir aberrant, impudique et socialement déconsidéré, et mon corps continuait malgré tout à me diffuser des signaux d’humeur aventureuse.
Malheureusement, à table, aucun n’abordait le sujet avec sérieux. Chaque thème virait à des plaisanteries. Comme j’avais toujours été une taiseuse, personne ne remarqua ma discrétion sur le sujet.
Quand l’Histoire était enseignée à l’école, on ne détaillait pas le succès, on parlait d’une super-arme. Et quand un de mes camarade avait demandé ce qu’était un ESAO, on lui avait répondu : Exosquelette à alimentation organique. D’une certaine manière, ce n’était pas faux. En même temps, comment expliquer à un enfant ce qu’est un orgasme ? Aujourd’hui, mon regard était complètement changé.
Avant de rejoindre le baraquement, Mako et moi passions par habitude aux WC du réfectoire, toujours plus tranquilles que ceux du dortoir. Dans le bruit des pas, des commentaires rieurs au sujet des pilotes d’ESAO, je restais immobile sur le siège des WC en parcourant le site de l’armée de terre sur mon smart-data. La foire aux questions sur les ESAO était fournie. Des schémas répondaient parfaitement aux questions qui m’intéressaient. La source d’énergie se trouvant dans le ventre, elle était transmise par induction via la sonde vaginale. Les dimensions de celles-ci étaient rassurantes, deux centimètres à deux centimètres et demi d’envergure pour dix à quinze centimètres de long selon les modèles de sellerie. La stimulation du vagin pouvait se faire par rotation, vibration ou par électrisation. Il en allait de même pour le clitoris. À noter que les selles modernes stimulaient également des zones secondaires telles que le dos et la poitrine. Les combinaisons pour atteindre l’orgasme étaient infinies et laissées à l’initiative de la pilote pour répondre au maximum de femmes.
La candidature au poste de pilote n’exigeait ni taille, ni condition physique, ni QI particulier. Il suffisait de passer un test sur un simulateur mettant en opposition la concentration stressante d’une mission, et la nécessité d’obtenir un orgasme. À en lire ces lignes, le taux d’échec était de cinquante pour cent. Et le taux d’abandon aux six premiers jours de formation était tout aussi inquiétant. Les pilotes étaient donc rares et recherchées. Afin de protéger les pilotes si précieuses et les mécanismes à plusieurs millions d’euros, les blindages étaient particulièrement robustes.
Ma curiosité était enflammée par l’envie de piloter un véritable ESAO. Les simples explications titillaient mon imagination à m’en rendre humide. Il fallait me l’avouer, l’idée m’excitait. Pourquoi ? Je n’en savais rien. Mais c’était sans doute un atout pour faire partie des cinquante pour cent de réussite. La chasse tirée, je regardai l’eau tourbillonner dans la cuvette tout en me demandant si dans une autre vie, je ne me serais pas présentée. Etais-je une fille trop normale pour pouvoir me distinguer d’une vie quelconque ou étais-je capable de faire partie d’une élite ?
Je rejoignis l’étroite chambre avec les huit lits superposés, séparés de quatre-vingt centimètres les uns des autres. Deux armoires au pied de chaque lit contenaient nos affaires. La plupart attendaient que des douches se libérassent. Rita, allongée sur son matelas, patientait en parcourant son smart-data. Une autre, debout en culotte et soutien-gorge, brossait ses cheveux châtains trempés devant un miroir placé dans sa porte d’armoire.
Rita me prit à partie :
— T’es retournée poser des questions au colonel Paksas ?
— Non, si j’en ai, je te les poserai. T’as l’air d’avoir tout appris sur le sujet.
Mako éclata de rire :
— Pam !
Rita esquissa un rictus, un peu désarçonnée. La fille qui se brossait les cheveux dit :
— Paksas a pas dû convaincre grand monde.
— Pourquoi ? demandai-je.
— Vous l’avez trouvée convaincante ? Qui ici a envie de candidater à des zones de combat avec un gode dans la chatte ?
— Personnellement, répondit une autre, c’est clair que ça ne me donne pas envie. Passer pour une salope auprès de tous les régiments de la planète, non-merci.
— Tu passes déjà pour une salope, pouffa sa voisine de lit.
— Va te faire foutre, pétasse.
Pendant qu’elles se chamaillaient, je troquai mes chaussures de combat contre des tongs. Ma serviette sous un bras avec mon débardeur et mon short de nuit dans l’autre main.
— En tout cas, ce n’est pas Clarine qui pourrait, sourit Mako.
— Qui pourrait quoi ? demandai-je.
— Piloter un ESAO. T’es bien trop pudique pour ça.
Je la corrigeai :
— Elle a dit que l’intimité de la pilote était toujours préservée.
— À bord, dans un hangar, répondit Rita toujours allongée. Mais tu n’es pas toujours dans un hangar. Une fois sur le terrain, dans un camp provisoire… Et s’installer sur une sellerie complète est si compliqué qu’il faut être deux.
Je souris :
— T’es vraiment bien renseignée.
— T’aurais pas des envies ? se moqua une autre camarade en sous-vêtements.
— Ben attends ! Un an sans baiser, je la comprends un peu.
— Je ne saute pas sur n’importe quelle bite pour soulager mes envies, répliqua Rita.
— Non, t’es plus bouffeuse de moule qu’amatrice de saucisse.
— Il y a une douche de libre ! s’exclama une fille en entrant.
Rita voulant fuir la discussion, se redressa sur le lit en secouant la tête puis me demanda :
— Clarine, tu veux passer avant moi ?
— Non, vas-y.
Elle se leva et se dévêtit de son uniforme sans pudeur. Ses plaques militaires reposèrent entre ses deux seins généreux. Elle abandonna sa culotte sur le lit, dévoilant une toison taillée en point d’interrogation, ce que j’avais toujours trouvé original. Elle empoigna sa serviette et conclut en montrant le formulaire d’inscription affiché son smart-data :
— Je vais tenter ma chance dès la fin du service militaire.
— Sérieux ! Elle l’a fait ! s’exclama Mako.
Elle ferma son smart-data et quitta la chambre en roulant des fesses. Je n’avais jamais été à l’aise avec mon corps, et la voir traverser le couloir sans frémir me sciait toujours. La fille qui se brossait les cheveux devant le miroir de son armoire, conclut incrédule :
— Elle fait genre.
— Elle en serait capable.
— Je ne crois pas, non.
— Parce que ?
— Parce qu’elle préfère les chattes.
Le débat se poursuivit, Rita ayant toujours tissé un mystère sur son orientation sexuelle. La discussion se transforma en rixe jusqu’à ce qu’un consensus soit trouvé sur le fait qu’être lesbienne n’empêchait pas d’aimer la pénétration avec des jouets, et donc l’utilisation d’une sellerie d’ESAO.
Rita revint après quelques minutes, ses pieds nus laissant leurs empreintes sur le sol.
— Il y a deux places de libres.
Mako et moi traversâmes le couloir pour nous rendre dans la salle d’eau où s’alignaient face à face les cabines de douches, vissées sur du carrelage blanc sous lesquelles nous distinguions des chevilles. Une fois enfermée dans l’étroit vestibule au carrelage inondé, je pus me dévêtir en toute intimité. J’envoyai ma serviette par-dessus la paroi de la cabine, puis j’accrochai mon pantalon de treillis et mon t-shirt à la patère. Ma poitrine n’ayant presque pas de relief, je ne portais pas de soutien-gorge, juste des adhésifs pour cacher les tétons. Mon chignon se déroula, et une fois l’élastique enlevé, mes cheveux formèrent un rideau blond qui couvrit jusque sous mes fesses. Habitude pudique, je n’enlevai ma culotte qu’une fois cette barrière capillaire déployée. Une ligne humide la marquait et me fit réaliser combien le sujet m’avait travaillée.
D’une main sur le bouton poussoir, je rinçai le savon qui coulait depuis la cabine voisine, concentrant les cheveux dans la grille. Ravie d’en avoir fini avec les corvées de nettoyage des douches, je me plaçai sous les jets déjà brûlants. La pluie artificielle battit sur mon visage en démêlant mes songes. Mon esprit se vida de toute barrière de jugement. À cette seconde j’étais seule, à l’écoute de moi-même. Je m’imaginais m’installant dans un ESAO, et mon corps ne restait pas de marbre à cette idée. J’ignorais pourquoi, l’idée d’être à bord d’un de ces engins était excitante. Je n’étais pas une fille assez à l’aise avec la nudité pour me lancer dans ce genre d’aventure. Je n’aimais pas ma poitrine informe et je n’étais fière que de mes fesses, petites et rondes, portées par des hanches légèrement dessinées.
Mes cheveux trempés jusqu’à la racine, je me savonnai en chassant ce fantasme nouveau qui s’était bâti à l’opposé de mes idées cartésiennes et de ma pudeur. Mes mains ne firent que souffler sur des braises fraîchement attisées. J’étais tout aussi pudique, que férue de péchés en solitaire. J’avais toujours été à l’écoute complète de mon corps et des sensations délicieuses qu’il était capable de prodiguer. Mes phalanges me connaissent par-cœur et mon épiderme réagissait délicieusement à ces glissades furtives et légères.
Mon majeur se perdit dans ma courte toison châtaine, s’enfonça entre mes premières lèvres et écrasa délicatement mon clitoris sous sa capuche. Il joua d’avant en arrière avec la petite pierre avant de plonger dans mon écrin chaud et détrempé. Délice assumé, mes muscles étreignirent mon doigt. Je posai une main sur le bouton pressoir pour que l’eau battît sur mes épaules, masquât les bruits éventuels. Le savon ruisselant dans mes cheveux, je laissai mes instincts diriger ma main. Mon cerveau se baladait dans un exosquelette imaginaire, mon corps se répondait à lui-même. Mes cuisses et mes fesses se laissèrent surprendre dans un premier spasme. Je gardai les paupières et les lèvres closes pour étouffer mon plaisir. Mon majeur remonta sur mon clitoris et m’acheva en quelques secondes. Toujours en appui, je tremblai de tout mon être.
Une fille rit au loin dans le couloir. Je me redressai et lâchai le bouton. L’eau cessa, alors je m’enroulai dans ma serviette rapidement en glissant mes pieds trempés dans mes tongs pour ne pas qu’ils touchassent le carrelage sale. J’essorai mes cheveux. Je ne voulais pas attirer l’attention en revenant trop longtemps après Mako. L’armée nous imposait notre pyjama : un short gris et un débardeur beige.
Je sortis en tenue et une fille prit ma place. Je gagnai la chambre, mis ma culotte dans le sac qui me servait de panière. Je prévoyais une dernière lessive juste avant de partir. Je suspendis ma serviette et empoignai ma brosse à poignée creuse. Une résistance et une petite hélice envoyait un souffle chaud. Je cherchai Mako du regard.
— Elle est toujours sous la douche, me dit Rita. Tu veux que je te coiffe ?
J’opinai en lui tendant ma brosse, posai mon front sur mon bras, en appui sur l’armoire, et la laissai me coiffer. Lorsque Mako arriva, elle protesta :
— Eh ! C’est ma poupée !
— Fallait pas perdre ton temps sous la douche, rit une camarade.
— Depuis le temps que je rêvais de le faire, chantonna Rita. C’est dommage, ça trempe ton débardeur.
Mako s’assit sur son lit tandis que je savourais sereinement l’aide de Rita. Cette camaraderie allait vraiment me manquer. Nous avions beau être seize, notre groupe avait une entente inespérée. Mon frère n’avait pas eu cette chance à son service militaire, sa chambre avait été divisée en deux clans.
La pièce était silencieuse. La plupart des filles regardaient leur smart-data. Rita reposa la brosse et me mit une petite tape aux fesses.
— Voilà, poupée.
— Merci.
Je réunis mes cheveux et les tendis jusqu’à faire un chignon étroit sur le dessus de mon crâne. Notant que toutes étaient allongées, je demandai :
— J’éteins ?
Elles opinèrent. J’appuyai sur l’interrupteur puis les lueurs des smart-data me permirent de rejoindre ma couche, au-dessus de celle de Mako. Je me glissai dans mon lit. Cet oreiller était devenu en un an le plus confortable du monde. Il m’était assez douloureux de me dire que tout allait prendre fin d’ici quelques jours. En un an, j’avais forgé de véritables liens avec d’autres filles, et j’avais trouvé un rythme de vie qui n’était pas dénué de sens. Reposer mes fesses dans une salle de classe après ça me faisait mal au cœur. Embrasser une carrière militaire m’intéressait bien plus. Hélas ma mère ne voulait pas que mon frère et moi suivions les traces de notre père. Il y avait deux ans, à l’issue de son service militaire, ça n’avait pas empêché mon frère de s’engager dans la marine spatiale. Ma mère avait éclaté dans une colère monstrueuse. De mon côté, je ne lui en voulais pas. J’enviais les paysages constellés qu’il admirait depuis l’espace, tout comme je rêvais de voler à travers l’atmosphère de planètes étrangères à l’instar de mon père. Dans l’armée de terre, j’aurais pu fouler le sol d’autres planétoïdes que la Terre, ça aurait été mille fois plus excitant que reprendre les études.
Alors que les filles éteignaient leur smart-data les unes après les autres, je me surpris à imaginer fouler d’autres mondes à l’intérieur d’un ESAO. L’idée m’arracha un sourire car ma mère qui ne voulait pas me voir suivre la trace des hommes de la famille, ça lui aurait fait bizarre qu’en sus, ce soit en tant que pilote d’exosquelette.
Dans les minutes qui suivirent, l’idée ne s’évapora pas. Elle se renforça, obsédante. J’imaginais les vibrations des pas de l’armure tout en devant supporter le transmetteur enfoncé dans le vagin. J’imaginais les hordes de crustacés avancer vers moi, et un mécanisme abstrait s’enclencher pour chatouiller mon clitoris et déclencher un tir de plasma meurtrier.
Le sommeil ne venait pas. Par peur de me réveiller avec un short souillé, je le retirai. Le contact du drap sur mes cuisses nues n’eut pas l’effet de calmer mes pensées. Une main remonta mon débardeur pour caresser mon ventre raffermi par une année d’exercices sportifs. L’autre fouilla ma toison, puis la massa nonchalamment. M’étais-je bien masturbée sous la douche il y avait de cela une heure ?
J’hasardai une main entre mes cuisses et me découvris inondée comme jamais. Imaginant le scénario de l’ESAO, je passai une main sous mes fesses et enfonçai mon majeur au plus profond. Je ne pouvais lui donner un va-et-vient qui n’échappât pas un son mouillé, alors je le figeai. Mon autre main joua le rôle du stimulateur clitoridien.
Les doigts trempés de cyprine, je glissai autour de ma petite pierre avec l’idée de faire durer le plaisir. Je serrais les dents pour ne pas laisser échapper de gémissement tandis que mon souffle s’accélérait. Je n’aurais pu m’arrêter, le fantasme était plus fort que moi. Je broyais des carapaces et démembrais des Homards en nombre et mon corps s’arquait d’impatience. Mes cuisses écrasèrent ma main, mes doigts accélérèrent autour de mon rubis. Il était temps de noyer l’ennemi sous un feu nourri. Tous mes muscles se contractèrent, mes fesses décollèrent du matelas puis retombèrent, agitées des spasmes délicieux d’un orgasme de qualité.
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