15 . Parcours
Durant la nuit, j’avais été tenue éveillée à chaque fois que je sombrais, par les spasmes de mes mains tentant de contrôler les gestes de mon ESAO. Si j’avais heureusement fini par m’endormir, le réveil était dur.
J’enfilai mon treillis et mon t-shirt avant de gagner à pas feutrés le couloir. Lorsque j’arrivai au réfectoire, les conducteurs de blindés venaient d’arriver. La noire qui m’avait été sympathique hier tourna la tête vers moi et sourit en me voyant.
— Salut Jane !
— Salut Clarine ! Alors, il paraît que ça a failli castagner au mess ?
— Des aspirants de merde, soupirai-je.
— Oui, ils ne se prennent pas pour de la merde.
— Je ne comprends pas, nous sommes tous dans l’armée de terre, nous avons tous le même objectif. Au lieu de se foutre de nous, ils devraient nous encourager. Il y aurait plus de pilote qui s’assumeraient, la guerre serait gagnée.
— Si seulement il suffisait de ça pour gagner la guerre. Et les gosses de riches ne voient pas la guerre de la même manière.
— Sans doute.
Dahlia entra, et elle nous rejoignit. Je fis signe à Jane de ne pas aborder le sujet. Dahlia avait déjà du mal à accepter de piloter, c’était inutile de retourner le couteau dans la plaie.
Une heure et demi plus tard, nous étions tous les huit devant la cour. Les six pilotes et les deux gynéciens. Les filles avaient réveillé Kirsten pour ne pas avoir à faire du gainage. L’adjudante eût un sourire amusé lorsqu’elle arriva.
— Repos. Par deux, en petites foulées, sur mes pas.
Nous la suivîmes et elle s’enfonça à travers les étendues enherbées jusqu’en direction du gymnase. Après trois tours de piste, elle bifurqua pour s’arrêter au pied de la piste d’obstacles.
— Voici le parcours du combattant qui va réveiller les souvenirs de votre service militaire. Dans un mois, il y a un chrono, j’espère que vous ferez honneur à votre unité. Le caporal Ehrlich va vous montrer comme il faut faire.
Peter s’élança sur le parcours qu’il réalisait avec chaque promotion et qu’il connaissait donc par cœur. Au visage impatient de l’adjudante, je compris qu’il fallait partir, alors je m’élançai la première. Les obstacles étaient similaires à ceux de Clermont-Ferrand et mes muscles n’avaient pas oublié. Ce fut avec légèreté et vivacité que j’entrepris leur passage. Ayant déjà hérité du sobriquet de suce-moule, autant faire plaisir à l’instructrice.
L’adjudant-chef Charlène Morvan nous fit répéter le parcours jusqu’à ce que nous n’en puissions plus. Dahlia retenait des larmes d’épuisement. Kirsten marchait mollement pour retarder le plus possible le prochain obstacle. Caitlin était rouge pivoine. Mercedes et Sadjia persévéraient en solitaire, masquant leur éreintement derrière un masque de détermination. J’aidai la Parisienne à grimper hors de la fosse.
— Allez, Dahlia ! Ça doit bientôt faire trois quart d’heures.
L’instructrice siffla avec ses doigts.
— Terminé ! Vous avez dix minutes pour prendre une douche et poser vos fesses en salle de briefing.
Ma main tracta Dahlia hors de la fosse, et nous partîmes en courant à travers les pelouses du régiment. Nous entrâmes par les hangars, puis nos pas résonnèrent dans le couloir. Chacune face à notre casier, nous nous déshabillâmes, laissant en boule notre uniforme détrempé. Je ne m’étais pas encore habituée à prendre ma douche avec les autres, surtout avec le regard de Kirsten qui semblait me juger. Mais le timing était si court, qu’elle n’avait pas de temps pour les moqueries. Héloïse essoufflée entra la dernière, une main accrochée à ses seins ronds, mais aucune pour cacher son pubis aussi glabre que les nôtres. Elle lâcha :
— C’est super propre, ce matin.
— C’est Kirsten qui a nettoyé, lui répondit Caitlin.
— Tu y a mis du cœur, t’es une vraie suce-moule aussi !
Toutes les filles s’esclaffèrent. Kirsten dressa les épaules et se présenta face à Héloïse pour l’impressionner avant de répliquer simplement :
— Fais pas trop la maline.
— Tu veux un câlin ? sourit la gynécienne en mettant les mains sur les hanches.
— On n’a pas le temps de se faire des câlins, rappela Caitlin en fuyant la douche.
Nous abandonnâmes Héloïse pour nous sécher et enfiler des uniformes propres. L’adjudante nous attendait dans la salle de briefing. Elle regarda l’horloge puis approuva d’un mouvement de tête sans un mot.
— Ce matin, cours d’histoire. Avant les ESAO, il y avait l’artillerie orgasmique. Chaque véhicule était composé d’un chauffeur et au moins d’une artilleuse équipée d’une sellerie. Parfois le véhicule comportait des artilleurs plus conventionnels. Tanks, hélicoptères, au début, chaque véhicule ayant suffisamment de place était équipé d’une sellerie.
Elle afficha quelques photos de véhicules. Les selleries étaient enfermées dans des caissons étroits pour préserver l’intimité des artilleuses, et elles communiquaient en direct avec les pilotes. Les premiers ESAO furent une expérimentation sur des exosquelettes de manutention qui avaient été équipés pour combattre les Homards. Ils étaient déjà plus mobiles que des tanks, mais le canon plasma à énergie orgasmique avait marqué un tournant dans les unités d’artillerie. De par leur agilité, les exosquelettes étaient les mieux placés pour pénétrer les lignes ennemies, la pilote maîtrisant ses déplacements, elle pouvait plus aisément calculer le moment idéal. Les filles acceptant d’être artilleuses se faisant rares, il parut plus intéressant pour l’armée de les placer dans des exosquelettes totalement autonomes. Les résultats sur le terrain furent assez significatifs pour qu’on préférât développer des ESAO et cesser l’équipement des blindés. Par la suite la technologie évolua et le plaisir remplaça les piles nucléaires. Les ESAS remplacèrent les ESAO, même si le terme d’ESAO persista dans le langage.
Le cours dura trois heures, mais nous ne vîmes pas le temps passer.
J’étais affamée. Alors que nos estomacs grognaient, je me rendis droit vers l’îlot des accompagnements. Je pris une énorme platée de frites. Caitlin se moqua :
— T’as pas peur que ça te déforme ton petit cul parfait ?
— Faudrait pas qu’il ressemble à celui de Kirsten, pouffa Héloïse.
Je secouai la tête. Je ne répondis pas car je ne voulais pas que Kirsten devînt la tête de turc juste pour un sobriquet à la con. Elle n’avait pas un fond méchant, juste une lourdeur de sa façon de s’exprimer. Du coup, je m’assis face à elle. Elle me regarda saler et me dit :
— Toi t’as de la chance de ne pas être grosse.
— Y en a qui ont des nichons, d’autres qui ne grossissent pas, chacun ses avantages.
Elle sourit simplement. Peter rit :
— Ça va transpirer gras dans le furet. Ça va sentir la friture.
— Après, elle ne mange pas tant que ça, souligna Héloïse.
— L’avocate de Clarine a parlé, se moqua Kirsten.
Caitlin désamorça la conversation par une question :
— Vous pensez qu’on va faire quoi aujourd’hui ?
— Je m’en fous du moment que je prends mon pied, répliqua Sadjia à l’œil pétillant. — Personne ne répondit. — Quoi ? Vous n’êtes pas impatiente ?
— Pas moi, glissa Dahlia en haussant les sourcils.
— Au moins, on sait que t’aimes la bite, se moqua Kirsten à l’attention de Sadjia.
— J’aime les femmes et les hommes, répliqua l’Allemande. Du moment que c’est bien fait.
Elle pouffa de rire nous entraînant, nous partageâmes toutes un fou-rire. Les tables autour de nous nous observèrent avec curiosité.
Le repas fut partagé dans une liesse imprévue et inexpliquée. Les tensions qui naissaient dans le groupe avaient besoin d’être évacuées.
Puis ce fut le retour au vestiaire. Face à mon casier, j’inspirai profondément en me certifiant que j’allais m’habituer à me dénuder à côté des autres, et qu’après tout, elles trouvaient mes fesses bien faites. J’ôtai d’abord mon pantalon afin de mettre mes bas, puis le t-shirt pour enfiler la brassière. J’ôtai la culotte en dernier sans empêcher le malaise de me titiller. L’instructrice fut la première à quitter le vestiaire, elle n’eût pas à nous ordonner de nous rendre à nos exosquelettes. Nous lui emboîtâmes le pas, pieds nus le couloir en béton peint, et retrouvâmes chacune l’accès au compartiment de notre ESAO. Des éclats de voix résonnaient dans toute la structure du hangar. Ma porte fut la première à s’ouvrir.
— T’es la première, me sourit Héloïse. J’alterne à chaque fois.
Ça m’allait parfaitement. Plus je passerai de temps à bord, mieux ça serait. Je me présentai à ses grands yeux ronds et ses mains montèrent vers mon front. Le Les lentilles placées, je m’avançai jusqu’à la sellerie déployée. Les sondes étaient déjà grasses. Je m’accroupis légèrement, Héloïse présenta les deux sondes à mes orifices. Sitôt le premier centimètre passé dans le rectum, le transmetteur principal ouvrit mon vagin. Je pinçai les lèvres et Héloïse sourit de me voir savourer l’installation. L’ESAO s’activa lorsque le catalyseur entra en contact. Mal à l’aise je tentai de me justifier par l’humour :
— Déjà accroc.
— Tant mieux.
La fourche évasa mes lèvres principales et Héloïse équipa mon clitoris avant de verrouiller le carter. Elle brancha mes seins, ferma les arceaux de sécurité et me laissa me hisser à l’intérieur de mon ESAO. Mes mains et mes pieds se faufilèrent dans les commandes souples tandis que la coque m’isolait complètement, me laissant légèrement inclinée vers l’avant. Je calibrai mon regard, tournai la tête, mon ESAO la suivit. Enfin nous ne faisions plus qu’un !
Je m’avançai tranquillement dans le couloir en essayant de retrouver les sensations de la veille et en explorant les commandes. Je fis saillir les chaînes dentées de mes avant-bras et les fis tourner pour les essayer. J’espérais que je pourrais rapidement déchiqueter de l’extraterrestre avec. Je tournai mes épaules à gauche et à droite pour me débloquer le dos et mon furet m’imita. J’étais vraiment bien à bord. La sauterelle rouge de l’adjudante attendait.
— C142, marche pour t’échauffer.
— Oui, mon adjudant.
Je fis les cent pas tout en laissant les pétales me masser la poitrine. Il fallut attendre que toutes les filles fussent prêtes. Je bouillonnais, impatiente de découvrir un nouveau défi, tandis que tous les six, nous attendions que le Rhino de Mercedes eût fait quelques pas.
— Pilotes, l’exercice d’aujourd’hui commence par une course. Nous allons rejoindre la Petite Venise. C’est un milieu urbain utilisé pour l’apprentissage des manœuvres de combat. Vous y passerez de nombreuses heures en deuxième partie de formation. Vous me suivez, c’est moi qui dicte le rythme.
J’emboîtai le pas à la sauterelle et son grand disque dorsal. Nous nous éloignâmes des hangars et des pistes de tir que nous avions foulées les deux premiers jours. Je me concentrai sur le massage agréable de mon dos pour ne pas activer les autres stimulateurs. J’étais persuadée que pour fortifier les effets de chacun d’eux, il fallait raréfier leur utilisation. Tant que je tenais le rythme de l’adjudante, c’est que mon niveau de dopamine était bon.
La course dura vingt bonnes minutes, puis nous arrivâmes au canal. Un parcours d’obstacle à échelle d’ESAO formait une ligne infinie au milieu de l’eau.
— Voici la Petite Venise. Ce parcours vous permet de vous essayer sur des obstacles que vous pouvez rencontrer sur le terrain, évaluer votre équilibre pour vous habituer à ne faire qu’un avec votre exosquelette. Si vous chutez, ce n’est pas grave, votre ESAO est pressurisé. S’il résiste au vide, un peu d’eau ne lui fait pas peur. C141, t’es la première.
Dahlia s’avança vers les trois cubes de bétons à escalader les uns après les autres, que désignait la main de la sauterelle. Les griffes de son furet se fermèrent sur l’arête et hissèrent l’ESAO sur le cube le plus bas. Lorsqu’elle parvint au sommet, l’adjudante m’ordonna de me lancer :
— C142.
Je grimpai sur les cubes, tractée sans effort par les vérins de mon exosquelette. Arrivée en haut, j’avançai en découvrant le déroulé. Il fallait sauter sur la plateforme suivante, alors je m’élançai, anticipai l’inertie des jambes de l’ESAO et bondis à pieds joints vers l’autre côté, mes mains en avant pour me réceptionner en cas d’échec. Mes deux pieds atterrirent parfaitement.
Le second obstacle était une passerelle rattachée à chaque rive par quatre chaînes robustes mais qui donnaient du ballant. Dahlia étant parvenue de l’autre côté aisément, je m’avançai avec assurance. Sitôt mon premier pied posé, mon poids provoqua un ballant qui me déséquilibra. Entraînée dans le vide, je lâchai un cri. Quinze mètres plus bas, l’impact violent avec l’eau m’estomaqua.
Mon furet coula, entraîné par sa masse, pendant que je reprenais ma respiration. L’eau était profonde, l’ombre des parois du canal et du parcours dominait. Me remettant du choc, je fis pivoter quelques secondes le transmetteur vaginal. Je fouillai ma console pour activer l’éclairage, puis me mis en marche en interrompant les rotations du transmetteur. Là encore, l’exosquelette faisait l’effort pour moi, effaçant la résistance de l’eau.
Le fond de la fosse remontait à l’approche du départ du parcours. J’émergeai et fis la queue avec les autres, un peu rageuse d’être tombée alors que Dahlia était passée sans problème.
Après quelques minutes, Sadjia s’élança, alors l’instructrice me fit signe de la suivre. J’escaladai les trois cubes, puis retrouvai la passerelle que Sadjia franchissait habilement sur ses deux pieds. J’attendis que la planche d’acier cessât de mouvoir pour m’engager. Mon poids me déséquilibra du même côté, mes mains se lancèrent pour me rattraper. Trop tard !
Je me mis en boule avant de frapper l’eau. Le sol résonna contre la carlingue.
J’explosai de colère.
— Merde ! Merde ! Merde !
J’étais furieuse. J’étais tombée alors que toutes l’avaient passé sans problème. Je n’étais pas assez prudente. Il me fallait juste un peu d’encouragement. Je mis en pivot les deux sondes pour réveiller mon corps. Immobile pendant dix longues secondes, je savourai la demi-sphère roulant sur mon anus, me surprenant à nouveau que ce contact fut si agréable. Une fois ragaillardie par l’appétit sexuel, je repartis en interrompant la rotation. En me voyant sortir de l’eau, la sauterelle de l’adjudante tourna la tête vers moi. Elle ne fit aucune remarque, mais j’entendis ses pensées. Je n’étais pas douée avec un ESAO, j’étais juste douée pour me tripoter.
Je grimpai les trois cubes, sautai le gouffre, puis me présentai à la passerelle qui s’était immobilisée. Je posai les deux mains dessus, résolue à passer, et j’avançai à quatre pattes jusqu’à la plateforme de trois mètres par trois mètres, reliée à la suivante par une poutre métallique moins large que mes pieds. Si je n’étais pas fichue de la traverser, autant abandonner ma carrière de pilote.
Sentant la pression de l’échec affaiblir l’attention de mon corps, j’enclenchai l’aspiration spasmodique de mes tétons à très faible puissance. Mon corps s’enrichit de sensations, assez pour trouver l’énergie nécessaire au moteur, mais ce n’était pas assez agréable pour que je me concentrasse sur le déplacement. Je coupai donc l’aspiration avant de poser mon pied en travers de la poutre. Les griffes se refermèrent autour lorsque je contractai les orteils, et je poursuivis en pas chassés prudents, jusqu’à parvenir de l’autre côté.
La passerelle se finissait en plan incliné, invitant à se laisser glisser, les pieds en avant jusque dans l’eau. Mon ESAO coula. Une énorme buse de béton ovalisée, d’à peine plus d’un mètre de haut m’indiqua le chemin. Je me couchai à l’intérieur et rampai en supposant que le Rhino de Mercedes avait dû râcler la voûte. J’écoutais le son du métal de mes propres bras comme ceux de mes camarades résonner, puis je parvins après trente mètres dans une fosse. Je grimpai sur le cube immergé et sortis la tête de l’eau pour découvrir un mur plus haut que mon Furet lorsqu’il tendait les bras.
N’ayant pas de camarade pour m’aider, je regardai la paroi derrière-moi dont la corniche pouvait être préhensible. Je fléchis les jambes jusqu’à ce que seuls les yeux de mon furet émergeassent, puis je poussai les vérins à fond pour bondir. Je saisis la corniche, plaquai les pieds au mur, puis m’élançai vers le rebord opposé.
Le cœur tambourinant de victoire, je me hissai. Cette satisfaction me donnait à elle seule un regain d’énergie, comme si mon utérus était capable de catalyser les simples satisfactions vers le transmetteur.
Je me lançai sur la suite de parcours, de simples chicanes d’acier de trois mètres de haut qui m’obligeaient à serpenter à toute vitesse. À la sortie, je fis face à un mur de six mètres de haut que je n’hésitai pas à franchir à bout de bras. Je retombai de l’autre côté et trottai jusqu’au défi suivant, une échelle géante suspendue et inclinée permettant de rejoindre Sadjia qui était arrêtée en haut.
Je saisis les barreaux à bout de bras. Les propres muscles de l’exosquelette suffisaient à me porter sans difficulté. En revanche, les saisir demandait la même concentration que pour les boîtes de couleur. Je pris donc mon temps, m’assurant que chaque barreau soit bien au fond de mes paumes avant de fermer mes griffes. Puis, je rejoignis Sadjia au sommet.
Devant elle une nouvelle poutre, un peu plus large que la première étirait le parcours sur cinquante mètres. Au-dessus de nos têtes, un immense portique supportait six lourds balanciers.
Sadjia s’élança, passa le premier, s’arrêta, passa le second. Je me lançai à mon tour. Je passai le premier, voulu m’arrêter, mais l’inertie de ma jambe m’emmena. La masse me percuta. Je tombai en hurlant, me mis en boule, puis fendis l’eau.
— Mais putain ! Fais chier !
Je me redressai et vis le Grizzli de Kirsten debout à l’arrêt. Je passai à côté d’elle avec l’envie de lui dire : « Alors ? On a une panne sexuelle ? » Devant elle se trouvait le Koala de Caitlin. La voix de l’instructrice résonna avant que je sorte de l’eau :
— C146, première à avoir fini le parcours sans chuter.
J’ouvris le canal de communication et demandai :
— Sadjia, comment tu fais ?
— Je me fais vibrer, répondit sa voix essoufflée. Il te faut des détails ?
Je me hissai hors de l’eau. Mercedes et Dahlia étaient tombées également, mais elles n’étaient pas en panne. Dahlia était à l’arrêt tandis que l’énorme Rhino s’engageait. Je lui emboîtai le pas. L’adjudant-chef me dit :
— C’est bien, C142, j’aime les filles qui ont de la détermination.
Lorsque j’arrivai en haut, malgré le compliment, je sentis bien ma baisse de motivation. Notamment, je maudissais que je fusse tombée trois fois, alors que Sadjia avait réussi tout du premier coup. Je ne pouvais pas attribuer la réussite à la petitesse de son Tatou, je savais que ce n’était pas que ça. Après tout, toutes les autres s’en étaient mieux tirées que moi. J’enclenchai la vibration de ma potence. Celle-ci s’en ressentit dans la sellerie tout le long de ma vulve. J’approchai prudemment le palpeur de mon clitoris. L’effet de l’effleurement fut immédiat. Je pinçai les lèvres pour ne pas crier, mes narines échappèrent un soupir. Je tâtonnai, le temps que Mercedes franchît la passerelle. Je m’élançai. C’était comme si mes vérins avaient été sortis de la mélasse. Je bondis par-dessus la fosse et me lançai les mains jointes sur la passerelle, je regroupai mes pieds et bondis comme un chat. Je cessai la vibration, passai le palpeur comme une caresse, puis glissai dans l’eau. Mercedes m’attendait de l’autre côté du tunnel sous-marin pour me faire la courte échelle. Je me hissai sur la plateforme immergée, calculai mon timing, bondis sur le mur, pris appuis aussitôt, me projetai à l’opposée, et parvins en haut. De là, fière, je m’allongeai pour tendre la main au Rhino. Mercedes s’époustoufla :
— Putain ! T’as de l’énergie !
— Je prends la tête.
Je la précédai dans les chicanes, me heurtai dans les angles mais poursuivis sur ma lancée, je sautai le mur, puis me suspendis à l’échelle. J’accélérais, en gardant ma concentration élevée pour ne pas chuter, puis je me retrouvai face aux balanciers. Ma concentration pour calculer le timing prit le pas sur le ressenti de mes caresses, alors je remis le palpeur à vibrer. Une contraction involontaire de tous mes muscles fit tressaillir mon exosquelette. Je finis mon calcul puis me lançai. Avancer, ralentir, accélérer, ralentir, accéler… Je parvins à l’autre bout de la passerelle, le corps enfiévré de la réussite. La suite était un ensemble de pas japonais sur vingt mètres. Je gardai mon attention sur mes pieds, avançai prudemment, pas après pas, puis passai l’épreuve.
À l’autre bout, au-fond de l’eau verdie d’algue, je discernais la cible peinte. Le canal sous-marin ne suivait plus les obstacles sur la gauche, couloir de l’échec, mais sur la droite. J’interrompis le stimulateur, sautai comme un soldat de plomb. Les pieds de mon ESAO se posèrent sur le fond, et je longeai le canal immergé tout le long du parcours. Me voyant sortir, l’instructrice déclara :
— Deuxième, C142.
Je m’arrêtai en me plaçant à côté de Sadjia. J’avais envie de reprendre mes petites stimulations sismiques, mais je ne savais pas ce qui se passait si on jouissait sans avoir ouvert les canons. Risquait-on d’imploser ? Dans tous les cas, il fallait mieux garder l’orgasme pour le dernier moment.
— C146, C142, vous me refaites quatre tours en essayant de battre votre temps.
Au premier tour, j’eus tellement confiance en moi que je tombai de l’échelle suspendue. Mais j’étais trop excitée pour abandonner. Je terminai cinq fois la parcours, cherchant à toujours mieux communier avec mon exosquelette. J’essayais de faire en sorte de varier les stimuli pour ne pas que mon corps s’habituât à un seul d’entre eux comme à un bruit de fond. Ce fut une réussite et une fois les obstacles connus, le déplacement n’était plus qu’une simple formalité. Puis, l’instructrice clôtura la séance.
— Parfait. Retour au hangar, tir sur cible, puis fin de journée. On se retrouve demain en tenue de sport à huit heures. C146 et C142, vous êtes les premières à tirer, le temps que vos camarades se réveillent.
Mon Furet et le Tatou trottèrent d’un même pas en direction des hangars, suivis par la Sauterelle. Nous nous plaçâmes sur les chiffres peints au sol et attendîmes les silhouettes de homard. J’activai le petit brosseur hérissé et ses picots souples chatouillèrent à peine mon clitoris que je me rendis compte de son hypersensibilité. Mes cuisses se bandèrent, résistant à la jouissance. Puis la cible apparut, je libérai la brosse qui roula sur ma pierre, ma bouche s’ouvrit aussi grand que celle de mon ESAO et je chevrotai de plaisir. L’orgasme me coupa le souffle et son énergie transperça la cible.
J’attendis que les doigts du Tatou lâchassent leur rayon d’énergie pour me décider à bouger. Je gagnai d’un pas reposé le hangar et fermai le rideau de métal. Héloïse se présenta avant même que je descendisse la selle, à mon regret, car je gardais un certain malaise qu’elle m’observât après que j’eusse souillé le transmetteur. Je décrochai mes tétons de leur prison, l’air frais vint les agacer. Elle déclipsa le verrou, découvrant mon clitoris gorgé de sang. Si elle ne fit aucune remarque, ses yeux pétillants de fascination parlaient à sa place. Je me redressai, quittant mes sondes, un filet de cyprine vînt se coller à l’intérieur de ma cuisse.
— Je vais nettoyer la selle.
— Si tu veux.
— Tout va bien ?
— Oui, bien sûr.
Je m’évadai dans le couloir, puis entrai la première dans le vestiaire. Je jetai un œil au smart-data dans mon placard pour constater l’heure. Comme la vielle, nous avions le temps pour nous laver les cheveux. Sadjia se déshabilla avant de gagner les douches. En la rejoignant derrière la vitre, je ne pus m’empêcher de regarder ses mamelons bruns marqués. J’appuyai sur le robinet, je posai ma brosse à mes pieds et défis ma tenue de pilote sous la douche battante. Je déroulai mon chignon et laissai mes cheveux tomber jusque sous mes fesses. l’Allemande s’étonna :
— T’as des cheveux super long. On ne dirait pas quand tu as ton chignon.
Je lui jetai juste un regard approbateur puis fis :
— Merci pour le conseil au fait.
— T’aurais trouvé toute seule.
— Peut-être.
Précédant Mercedes de quelques pas, Caitlin nous rejoignit la première, survoltée par la bonne humeur.
— Heureuse ? lui sourit Sadjia.
— Comme à chaque fois que je jouis.
Elles pouffèrent de rire. Sadjia confia :
— Je me suis surstimulée. J’ai cru que j’allais exploser avant la fin de l’après-midi. Et j’aurais pas cru, mais Clarine a tiré avant moi.
— Ben c’est qu’elle n’en pouvait plus non plus. T’as pris ton pied, Clarine ? — J’opinai du menton. — Sont super longs tes cheveux.
Caitlin et Sadjia refirent le parcours à voix haute. Dahlia, Kirsten finirent par nous rejoindre. À voir la tête de la Danoise, elle n’avait pas fait des étincelles. Je savonnais mes cheveux en n’écoutant que d’une oreille. Mercedes restait également silencieuse, le front posé sur la faïence. Elle avait visiblement besoin de calme. Kirsten fut la première à partir, Caitlin et Sadjia suivirent sans s’arrêter de parler. Je restais sous l’eau, un peu amorphe, hésitant sur les enseignements à tirer de ce parcours. Je ne me sentais pas particulièrement douée. Je me connaissais assez bien pour me stimuler au bon moment, mais je sentais bien que je ne maîtrisais pas l’équilibre de mon Furet. Après-tout, Dahlia franchissait la passerelle debout, tandis que j’avais conservé le quatre-pattes. Je n’étais donc pas si douée que ça, j’étais peut-être juste un peu plus chaudasse que la moyenne.
Je rinçai mes cheveux, puis ramassai ma brosse et démêlai mes cheveux à grands coups de poignets. Dahlia se proposa :
— Tu veux un coup de main ?
Je lui tendis la brosse. Au service militaire, toutes avaient envie de jouer à la poupée, ça me faisait plutôt plaisir.
— Viens t’asseoir.
Nous quittâmes les douches, nous nous enveloppâmes de nos serviettes, pour aller suspendre nos tuniques à sécher dans le casier. Ensuite je m’assis sur le banc, et elle commença à me brosser avec une délicatesse surprenante, s’arrêtant à chaque nœud pour les défaire d’un coup sec.
— Ce n’est pas chiant d’avoir les cheveux si longs ?
— Si mais, à chaque fois que je pense à me faire une coupe courte, ben j’ai peur de le regretter. Et ma mère elle adore que je les détache.
Kirsten, Caitlin et Sadjia enfilèrent un uniforme. L’Irlandaise proposa :
— On se retrouve à dix-neuf heures au réfectoire ?
— Ça marche, répondit Dahlia.
Elles disparurent. Je laissai finalement ma serviette tomber sur mes hanches et fermai les yeux, savourant la douceur précautionneuse de Dahlia. Mercedes quitta les douches et rejoignit son casier.
— Ça va ? lui demandai-je.
Elle nous regarda par-dessus son épaule et opina du nez. Elle s’habilla, mais resta pieds nus puis s’adossa à son casier pour me mater. Un frisson de pudeur me mit mal à l’aise.
— Qu’est-ce qu’il y a ? m’inquiétai-je.
— Rien, j’attends que vous ayez fini pour laver.
— Je me dépêche, promis Dahlia.
J’attendis donc que la Parisienne terminât de me coiffer, sous le regard attentif de Mercedes. Lorsqu’elle eût enfin fini, je nouai mon chignon, et conservai ma serviette autour de la taille en avançant vers mon casier. J’enfilai un uniforme sec et amassai mes fringues sales contre moi. Dahlia m’imita et nous gagnâmes d’un pas détendu la buanderie commune au régiment. Les larges couloirs étaient calmes, et l’endorphine de la journée nous rendait sereines.
Nous prîmes chacune une machine. Tandis que je lançai en boule mes treillis et mes-t-shirts humant la transpiration séchée, Dahlia déplia soigneusement ses culottes soyeuses pour les poser dans le tambour par-dessus ses uniformes. Je fermai le hublot, amusé par le côté précieux de ma compatriote. Puis, elle vînt s’assoir à côté de moi.
Nous regardâmes tourner le linge ensemble, en nous remémorant les obstacles de la journée. Je n’avais aucune envie d’appeler un parent ou Mako. Je la questionnai :
— Ça a été mieux aujourd’hui ?
— Je crois, oui. Mais sur l’exercice, je rejoins Kirsten. Le stress du terrain sera complètement différent.
— Oui, mais là, l’apprentissage est progressif. Faut gérer des petits stress, pour gérer des stress moyens et ensuite survivre à des stress intenses.
— T’as sans doute raison.
Nous regardâmes le linge rebondir sans plus rien se dire. Puis après quatre longues minutes, elle se confia :
— Mais j’ai suivi tes conseils, j’ai écouté mon corps. Je crois que ça m’a aidé, même si je n’ai pas réussi le parcours aussi vite que toi.
— Je m’y suis repris à plein de fois. Je suis bonne pour jouir dans un ESAO, mais pour le diriger…
— Dis pas ça, t’es la première à avoir réussi.
— La deuxième… et je n’ai pas réussi à passer la passerelle debout.
— J’ai trouvé ça pourtant simple.
— Tu fais comment ?
— Je pose le pieds et je monte le bras opposé pour récupérer le poids selon combien ça penche. Comme quand t’es petite et que tu apprends à faire le funambule.
— J’essaierai la prochaine fois.
— Faut pas que tu doutes de toi, sinon, je vais carrément perdre confiance. T’es mon idole.
Elle rit, alors je lui fis une accolade. Elle posa son front contre ma tempe et nous restâmes ainsi durant cinq minutes. Au moins, j’avais trouvé une amie avec qui m’entendre.
À vingt heures, nous étions toujours attablées. Le mess n’étant pas un endroit accueillant, il était plus chaleureux de rester assises à table avec les deux gynéciens. Caitlin insistait :
— Allez, vous on ne connaît pas votre histoire. Moi je ne trouvais pas de boulot. Sadjia voulait quelque chose de bien payé pour aider sa mère, Dahlia a eu une condamnation au tribunal. Mais vous, vous ne nous avez pas dit. Allez Clarine.
— J’ai fini mon service militaire, répondis-je, j’ai livré des burritos pendant cinq mois et l’armée me manquant, j’ai décidé de m’engager.
— Et pourquoi les ESAO ?
— Un peu comme vous, je me suis dit pourquoi pas.
— Donc à part Dahlia, vous êtes toutes des chaudasses de la moule, conclut Kirsten.
— Ben vas-y, dis-nous pourquoi t’es là, s’impatienta Sadjia.
La Danoise eut un rictus puis céda :
— Comme Dahlia. C’était ça ou la turne. Je dealais de la drogue à Copenhague, je me suis fait choper et… et il y a des filles qu’il ne faut pas que je croise en prison. Donc finir torturée et poignardée derrière les barreaux ou aller me battre dans un exosquelette… ça se tentait.
— Clairement, j’aurais choisi les ESAO, admit Caitlin. Et toi ?
Mercedes tourna sa langue dans sa bouche.
— Mon ex est la fille d’un député de la Nouvelle Catalogne. Et pour l’image de marque, ça ne le faisait pas. Ils m’ont accusée de manipulation, harcèlement, et au tribunal c’est un soi-disant psychologue qui a témoigné à sa place contre moi. J’ai donc fini en prison. Et la prison, ce n’est pas fait pour moi. Ils ont accepté que je fasse ma peine dans l’armée si je réussissais le test sur simulateur.
— Dur, soufflai-je.
— Si votre curiosité est satisfaite, je propose qu’on aille se coucher.
Elle se leva sans attendre une réponse, alors nous l’imitâmes pendant qu’elle s’éloignait. Kirsten murmura à ma destination :
— Je parie qu’elle était mineure. C’est pour ça qu’elle te reluque.
— Rooh ! râla Caitlin.
Je ne savais pas si je devais me vexer qu’elle critiquât mon physique filiforme ou si c’était Mercedes qui devait se sentir visée. Nous distançâmes la Danoise qui se lamentait de notre réaction.
— Humour ! Les filles !
Nous nous retrouvâmes toutes à la chambre.
Un aller-retour au vestiaire pour me brosser les dents, me rassurer aux toilettes que mon pubis ait repris un aspect normal, et je me couchai avant toutes les autres. Je m’endormis avant que la lumière fût éteinte, et dans mes rêves, je révisai l’ajustement de mes gestes, l’anticipation de l’inertie, et le maintien de l’excitation.
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