59. Contre-ODIM

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Le briefing de mission venait de se terminer, beaucoup plus tendu que celui pour l’assaut du satellite de Cendrillon II. Pour abaisser les boucliers énergétiques du site, il faudrait deux ESAO jouissant simultanément, pour créer une faille qui permît à un autre d’entrer et détruire les générateurs extérieurs produisant cette énergie. Au total, c’était six trinômes d’ESAO qui allaient être largués en première vague. Il fallait conserver le reste de l’infanterie, pour pénétrer l’intérieur du bunker et tenir l’unique pont d’accès. Pour le reste, la stratégie devrait être affinée selon le degré de riposte des Crustacés. La poignée d’informations dont nous disposions était beaucoup plus ténue que ne le prétendait le colonel. Et notre seul atout était l’effet de surprise. Je n’aurais pas pensé que les désaccords et les tensions entre les officiers pouvaient être aussi marqués. Malgré les grades, malgré la rigueur militaire, chacun avait défendu son unité. Le lieutenant Conti voulait un support aérien immédiat et des tirs orbitaux pour abaisser les boucliers sans exposer les pilotes d’ESAO. Balancer deux orgasmes simultanés, c’était déshabiller le trinôme de ses possibilités de défense. Mais les officiers de la marine avaient leur propre vision de la bataille, celle qui se déroulerait en orbite. Utiliser l’énergie des armes à plasmas trop tôt, c’était les mettre en danger eux-mêmes face à une éventuelle flottille ennemie. Mon père, fut mal inspiré de prendre la défense de Conti, on lui rappela très vite que d’avoir sa fille en première ligne brouillait son objectivité.

Alessia Conti sortit furax, tandis que je ne disais mot. Mon père pose sa main sur mon épaule.

— J’espère que tout se passera bien en bas.

— Je serai prudente.

— La prudence, une fois qu’on est en infériorité numérique, c’est une bien mince qualité.

Je m’arrêtai et le regardai dans les yeux, sans trouver quoi lui répondre. Je cherchai et lui dis :

— Toi aussi, tu peux être abattu à chaque seconde. Ce n’est parce que t’as survécu vingt ans que ce n’est pas demain que ça arrivera, peut-être même avant l’atmosphère.

— Je sais. Mais mes probabilités ne sont pas celles d’un soldat de l’armée de terre, ESAO ou non, envoyé en première ligne.

— Faut bien que quelqu’un y aille en première ligne.

— Pas une fille brillante comme toi.

— Parce que c’est le QI qui fixe qui se trouve en première ligne ?

Il serra les dents, s’en voulant à lui-même d’avoir dit ce qu’il ne pensait pas. C’était le premier à apprécier le mélange des origines sociales que l’armée créait, ce mix qui rappelait à chacun qu’il était humain. Il se mit à rouler des yeux à toute vitesse, la bouche entrouverte. Je m’inquiétai :

— Qu’est-ce que tu fais ?

— J’essaie de rembobiner la conversation.

— Ça veut dire quoi, rembobiner ?

— C’est du vieux français, à une époque que même ton grand-père n’a pas connu, où les enregistrements se faisaient sur bande. Ce que je voulais dire…

— J’ai compris ce que tu voulais dire.

— Tu veux passer quelques heures en compagnie de ton vieux père.

— Je te rejoins. Je dois passer voir Héloïse avant.

— À cause du truc déplacé dans ton utérus ?

Je pinçai les lèvres et lui dis :

— Ce n’est pas dans mon utérus, c’est dans le col, et c’est super dérangeant d’entendre mon père me poser des questions sur mon utérus.

— Désolé. Tu veux que je dise comment ?

— On n’est pas obligés d’en parler.

— D’accord. À tout à l’heure.

Il m’embrassa sur le front et me laissa longer la coursive menant à l’infirmerie. Je passai la porte dans laquelle Héloïse attendait, si impatiente qu’elle montait et descendait sur le flanc de ses pieds. Elle m’indiqua :

— J’ai tout branché.

J’opinai du menton, mal à l’aise de me prêter à ce service rendu et verrouillai la porte. Un sourire fit briller ses yeux, et elle commença à se déshabiller en fredonnant. Lui tournant, le dos, je me gantai avec la satisfaction de couvrir mes doigts. Je trouvais ça moins dégoutant. Elle passa à côté de moi, nue et impudique, puis s’empara des patches pour les appliquer elle-même. Elle s’allongea, l’air enthousiaste, ses seins ronds s’affaissèrent et j’observai ses mamelons sombres. Elle posa les pieds sur les étriers en ouvrant grand les cuisses pour poser le dernier patch. Sa vulve pourpre s’entrouvrit, révélant des petites lèvres épaisses. Elle semblait à l’aise, confiante, sans pudeur. Je réalisais combien nous-autres pilotes, nous lui abandonnions notre aspect le plus intime, celui que normalement nous n’aurions montré qu’à un amant. Elle regarda sur son smart-data si l’application récupérait toutes les données. Elle me le tendit :

— Je suis prête. Ça va aller ?

— Oui.

Honnêtement, non. Son intimité offerte me mettait mal à l’aise. Je passai la sangle sur ses cuisses, emprisonnai ses poignets en prenant garde à ne pas la torsader, puis je tendis jusqu’à ce qu’elle ne pût plus bouger. Je lui confiai :

— Ça fait bizarre cet échange de rôle.

— C’est super excitant, tu veux dire !

Je présentai la baguette ointe de lubrifiant à son anus et l’introduisis lentement par peur de lui faire mal. Elle lâcha un soupir de bien-être décomplexé lorsque son sphincter se referma autour du câble. Le plus délicat restait à venir. Répugnant un peu à toucher son sexe moite malgré les gants. Je fis glisser la petite cloche autour de son clitoris, calai ses rebords doux puis, pressai la poire d’aspiration. Héloïse me rappela :

— Faut qu’il touche à peine, et qu’il tienne bien.

Son clitoris se leva à la première aspiration, plus gros que le mien. J’ajustai sa position à fleur de l’aiguille, puis ôtai la pompe. Réalisant que je n’avais plus rien à faire, j’ôtai mes gants et pressai le démarrage de l’application. Héloïse ferma les yeux, souriante, cherchant les premières sensations, et instaurant un silence inhabituel.

Je m’adossai à la paillasse. Si on m’avait dit que mon service militaire me mènerait à ce genre de situation, je n’y aurais pas cru. Je ne m’y sentais pas vraiment à ma place, et pourtant c’était un juste renvoi d’ascenseur, ni plus ni moins. La poitrine d’Héloïse prit du volume, ses tétons s’assombrirent et les contractions lentes de son périnée commencèrent à donner vie à sa vulve. C’était curieux d’observer de l’extérieur, et j’imaginais une voix-off de reportage animalier me commenter ce qui se passait.

Héloïse n’ayant pas mon appréhension, elle commença à se tendre au bout de cinq minutes, lâchant un gémissement sur chaque expiration. De ma position, sa vulve, son anus semblaient respirer en même temps qu’elle. Et la première bavait sur le second. Si sa nudité n’évoquait aucun attrait en moi, le souvenir de ma propre expérience me laissait imaginer ce qu’elle ressentait.

Lorsque nous atteignîmes la huitième minute, les tremblements de sa jambe la surprirent. Ses mains se tétanisèrent comme des serres d’aigle. Ses gémissements se transformèrent en couinements plaintifs.

Je ne trouvais rien d’excitant à la voir prendre du plaisir, ça me confortait dans l’idée d’être asexuée et que ma sexualité égoïste n’était tournée qu’autour de mes propres sensations. Le sentiment qui m’animait à l’instant ressemblait davantage à celui de la vengeance. Je m’approchai d’elle, observant ses muscles que je n’avais jamais vu aussi dessinés. Elle tourna la tête vers moi, les yeux trempés.

— C’est bon, j’abandonne.

J’esquissai un sourire sadique et murmurai :

— On est à neuf minutes.

— Libère-moi s’il te plaît.

— Ce n’est pas agréable ?

— Si… Mais j’ai trop envie !

Un cri termina sa phrase et elle se cabra. Son corps se relâcha dans un râle, trembla, puis se tordit à nouveau. Il y avait quelque chose de fascinant à l’observer. Les halètements pour contrer les tremblements étaient criards puis s’étiolaient quand la tétanie lui coupait la respiration. J’étais bien déterminée à lui faire battre mon record. J’espérais juste que ses cris n’alerteraient personne. Son visage se fit plus grimaçant, les dents saillantes, sa cyprine trempant ses fesses.

— S’te plaît, s’te plaît, s’te plaît…

J’ignorais ses complaintes, même si elles me brisaient les oreilles. Mon ventre brûlait de mes souvenirs de la veille. Je surpris mon ventre se contracter involontairement juste en se remémorant. Je pinçai les lèvres et regardai ses abdominaux qui se dessinaient, les veines de son cou qui saillaient. Ça m’excitait malgré moi de la voir dans cet état, ça m’excitait énormément. Je lui dis avec un brin d’humour :

— Je crois que je commence à aimer notre relation.

Elle voulut répondre, mais le plaisir l’en empêcha. Je restai au-dessus d’elle et observai chaque détail de son corps, chaque réaction, chaque muscle, chaque trait de son visage.

On aurait pu croire qu’elle souffrait tant son visage se transformait. Ses lèvres dévoilaient toujours ses dents blanches comme si sa mâchoire voulait sortir de son visage, et pourtant, entre chaque contractions son sourire exprimait combien elle prenait de plaisir. Je l’avais vécu, je savais combien c’était agréable et que la seule torture était la frustration de ne pas parvenir à l’orgasme.

Lorsque je fus à dix-sept minutes, je la libérai sans lui dire. Sa tête se releva, ses yeux s’exorbitèrent et son ventre fut agité de spasmes. Ses gémissements furent plus empreints d’une note suave et apaisée, entrecoupés par sa respiration chaotique. Sa cyprine abondant à flots surprenants. Je comptai douze vagues de plaisir.

Je m’assis sur le tabouret et attendis qu’elle se remît de ses émotions.

Elle resta allongée plusieurs minutes puis me confia :

— Je viens d’avoir une idée pour après l’armée. On monte un donjon et on propose des expériences ODIM. Avec ton air imperturbable, tu ferais une excellente dominatrice.

— Ce n’est pas mon kif.

— Tu n’as pas aimé me voir souffrir ?

— Pour le petit côté vengeance, c’est tout.

Elle ôta ses patches et s’assit pour décoller la ventouse. Elle tira sur le fil qui lui sortait d’entre les fesses et fit vibrer ses lèvres dans un soupir.

— Je pense que… Je ne sais pas ce que je pense. Tu la trouves comment ma chatte ?

— Elle ressemble à une chatte.

— Mais encore ?

— C’est rose, moche et ça bave.

— Alors tu préfères les bites ?

— Quand ce n’est pas mou et fripé. Après, je n’aurais jamais envie qu’on m’éjacule dans la chatte ou dans la bouche. Ça me répugne un peu. Autant avoir un gode, ça ne débande jamais et c’est propre.

— C’est un point de vue qui se défend.

Elle s’essuya puis épongea la table sous mon regard passif. Après tout, c’était elle qui avait eu envie de la nettoyer à grandes eaux. Quand elle eut terminé, elle s’approcha de moi et plaça ses pieds entre les miens. Je me levai du tabouret pour ne pas lui laisser le contrôle. Son bassin s’appuya contre mes hanches et elle me confia :

— J’ai encore la chatte qui vibre.

— Et t’espère que je me serve de toi comme vibro ?

Elle rit, plongea ses yeux dans les miens et ajouta :

— J’aime quand tu fais de l’humour.

Sa bouche se posa délicatement sur la mienne. Je la suppliai :

— S’il te plaît, Hello. T’es toute nue.

— C’est peut-être la dernière fois qu’on passe un moment toutes les deux.

— T’as encore envie de sexe ? Après ce que tu viens de subir ?

— Je n’ai pas envie de sexe, j’ai envie de toi, j’ai envie de câlin, j’ai envie de t’embrasser. Putain, Clarine, si tu savais combien j’aimerais que tu ressentes ça un jour, que tu comprennes.

Elle posa son front contre le mien en laissant deux larmes griffer ses joues. Je lui murmurai en caressant les cheveux. :

— Ce n’est rien, c’est juste une décharge d’hormones.

Un hoquet de rire lui échappa et elle me dit en prenant ma main libre pour la plaquer sous son sein gauche :

— On s’en fout quelle hormone provoque ça. Le résultat, c’est mon cœur qui bat.

Elle fit glisser ma main sur son sein, m’observa avec un regard provoquant. Je lui rappelai.

— Je n’ai pas de gant.

Ses mains s’emparèrent brutalement de mon visage et sa langue me lécha la bouche. Je la repoussai sèchement. Elle perdit l’équilibre et se rattrapa sur la table d’auscultation. Héloïse s’emporta, la voix brisée par l’émotion :

— Pourquoi ? Pourquoi ? On s’entend super bien, et je sais bien que ça t’a excitée de me voir jouir.

Je secouai la tête, peinée de la voir dans cet état de détresse. Je soupirai et tentai de la calmer.

— Les jeux érotiques, c’est sympa. Mais tu sais bien que le reste…

— Je veux juste t’embrasser.

— R’habille-toi, s’il te plaît. T’es en train de gâcher le bel instant que tu as eu.

Je quittai l’infirmerie, en la laissant fondre en larmes. Enervée, je décidai d’aller au dortoir avant de retrouver mon père. Je préférais me calmer. Héloïse venait de détruire notre amitié. J’aurais dû me douter que ça se terminerait ainsi. Elle rêvait de corps qui s’entrelaçaient, de cœurs qui battaient à l’unisson. Moi, je ne savais apprécier que le sexe, dans son plus basique intérêt.

Je m’allongeai sur le lit et regardai le décompte que j’avais lancé sur mon smart-data. L’assaut était dans quarante-huit heures.

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