Chapitre 03 : LE MIROIR
Monde 1 : Planète Terre
Amélia
Amélia doit faire son choix
Ethan Walker, PDG de Walker et Compagnie, se tient devant la porte d’entrée d’Amélia, un genou posé sur le sol, l'autre légèrement relevé. Entre ses mains tremblantes, il tient un élégant écrin de velours noir. La scène est évidente, pourtant Amélia n’en croit pas ses yeux. Certes, elle avait perçu quelques tentatives de rapprochement, mais jamais elle n’aurait imaginé une demande en mariage. Son estomac se noue, confirmant ainsi le pressentiment qu’elle avait ressenti plus tôt dans la journée.
Ethan était le célibataire le plus convoité avant de rencontrer Amélia. Il avait la prestance d’un leader, le magnétisme d’un séducteur et le succès qui en faisait rêver plus d'une.
Le sourire aux lèvres, Ethan attend impatiemment la réponse tant espérée. Cependant, Amélia ne désire pas cette vie. Enfant unique, elle n'a jamais réellement connu la vie de famille. Sa mère, séparée de son père avant même sa naissance, n'a jamais réussi à garder un homme. Ainsi, la jeune femme ignore jusqu’au sens des mots 'foyer familial' et n’éprouve donc aucun besoin d’en bâtir un.
Elle ne se voit pas vivre chaque jour à ses côtés, lui préparer des petits dîners tous les soirs ou fonder une famille. Elle n'en ressent pas le besoin. Et le voir là, à genoux devant elle, me confirme l'idée que c'est impossible.
Alors qu'Amélia ouvre la bouche pour lui donner sa réponse, elle voit une fenêtre qui s'allume, sa voisine. Connaissant cette commère, Amélia sait que toute la rue sera au courant de cette scène dès le lendemain matin. En un éclair, elle ramasse les bouquets éparpillés, saisit la main tenant l'écrin et entraîne Ethan à l'intérieur de la maison. Une fois dedans, elle le plaque contre le mur avant de capturer ses lèvres avec une passion inattendue.
Ce dernier, surpris par cette initiative, se laisse emporter par un tourbillon d’émotions. À cet instant, tout ce qui les entourait disparaît, laissant place à un mélange d'adrénaline et de désir brut.
Ils ne prennent même pas le temps de monter à la chambre pour commencer à se déshabiller. D'un geste rapide et assuré, Ethan lui retire son tee-shirt, les mains tremblantes de désir. Amélia, le cœur battant, déboutonne son pantalon avec des gestes précipités. Il empoigne sa chevelure avec une intensité presque sauvage et plonge ensuite sa bouche gourmande dans le creux de sa poitrine, ses lèvres brûlantes de passion.
- Tu me rends fou ! murmure-t-il entre deux baisers fougueux., deviens ma femme… Je veux t’avoir tous les soirs, rien que pour moi…
À ces mots, Amélia haletante, stoppe soudainement les baisers. Elle le repousse doucement, posant ses deux mains sur son torse ferme, et plonge son regard dans le sien, troublée. « Rien que pour moi. » Ces mots résonnent dans son esprit… « Rien que pour lui ? »
- Quoi ? demande-t-il, surpris par cet arrêt brutal.
Le conflit intérieur d'Amélia est palpable, mais l'ardeur de son corps prend à nouveau le dessus. Elle attrape sa main et commence à monter les escaliers d’un pas lent et sensuel, ses hanches ondulent à chaque marche sous le regard fiévreux d’Ethan.
Chaque pas qu’elle fait, chaque mouvement de son corps est une promesse silencieuse de ce qui est à venir. Ethan la suit, hypnotisé par la passion et l’intensité de l’instant. Les pensées d’Amélia tourbillonnent, mêlant envies et questionnements, mais pour l’instant, tout ce qui compte, c’est le feu brûlant qui les consume tous les deux.
Et comme à chaque fois Ethan a été un bon amant.
Il s'est endormi, là juste à côté, tandis qu’Amélia, elle, ne peut fermer l’œil. Des questions se bousculent dans son esprit, avec cette phrase en écho : « Je veux t’avoir tous les soirs, rien que pour moi. » Elle suffoque. Elle n’en peut plus.
Elle se lève sans réveiller l’homme avec qui elle a passé la nuit, et se dirige vers la salle de bain. Une fois la porte verrouillée derrière elle, Amélia peut enfin respirer, loin de lui. Elle entre dans la douche et ouvre le robinet. L'eau chaude coule le long de son corps, apaisant petit à petit ses muscles tendus. Ses pensées se heurtent les unes aux autres. Elle essaie de se concentrer sur les sensations physiques – la chaleur de l'eau, la texture des gouttelettes glissant sur sa peau – mais son esprit revient toujours à cette phrase, à ce qu'Ethan lui propose, et qu'elle n'est pas sûre de vouloir.
Le tonnerre gronde à nouveau, plus proche cette fois, comme un écho de ses propres tourments. Amélia ferme les yeux, laissant ses larmes se mêler à l’eau de la douche. Elle reste ainsi un moment, immobile, cherchant à se retrouver dans le tumulte de ses émotions.
Alors qu'elle essuie la buée du miroir d’un geste de la main, Amélia se sent un plus légère. Ses cheveux sont enveloppés dans une serviette soyeuse, tandis qu'elle fixe son reflet. Quand soudain, s ses yeux accrochent un détail qu’elle est pourtant certaine de n’avoir jamais vu là. Elle cligne, hésite. Quelque chose ne tourne pas rond.
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***
Monde 2 : Planète Terra
Émelie
La magie du miroir
Les yeux fermés, Émelie savoure ce rare moment de solitude sous la douche. L’eau chaude glisse le long de son corps, tandis que la mousse du shampooing se répand sur ses cheveux et sa peau laiteuse. Le doux parfum apaise ses pensées. Elle inspire, gonflant ses poumons, puis expire lentement, comme pour expulser toutes ses inquiétudes, les laissant se dissiper avec la vapeur.
Cette journée a été éprouvante. Entre le travail à la maison, les enfants… et ce mari qui court auprès de sa maîtresse, Émelie se sent vidée. Alors elle profite de cet instant rien qu’à elle.
Mais comme toutes les bonnes choses, ce moment de répit touche à sa fin. Elle sort de la douche, se drape dans une serviette moelleuse et enroule ses cheveux mouillés dans une plus petite. Elle sursaute au bruit du tonnerre, la main plaquée sur sa poitrine. Son cœur s’emballe. La pièce bascule soudain dans l’obscurité. Les plombs ont sauté.
Sans se laisser envahir par l'inquiétude, Émelie ouvre un tiroir du meuble-lavabo et en sort quelques bougies. La lumière vacillante des flammes adoucit l’atmosphère. Tandis qu’elle termine de se sécher, elle essuie à nouveau une portion du miroir et y voit son reflet.
Sous la lueur dansante des bougies, elle rassemble quelques produits pour sa routine du soir. Lorsqu’elle applique sa crème de nuit — celle avec le couvercle bleu — un grondement soudain la fait sursauter. Le pot lui échappe et tombe juste à côté de ses pieds. Elle se baisse, le ramasse précipitamment, vérifie qu’il est intact, puis le repose sur le rebord de la vasque.
Sa main, toujours, au-dessus, puis on regard effleure les rides naissantes sur son visage, descend jusqu’à son cou, puis glisse vers le reflet de son soin de nuit. Une pensée la traverse : il faudra en racheter, il est presque vide.
Elle s’apprête à détourner les yeux… quand quelque chose la retient.
Elle plisse le front, se penche un peu plus et scrute le miroir avec attention. Son cœur fait un bond. Le couvercle du pot, dans le miroir, est vert. Pas bleu.
Dans le reflet, sa main ne repose pas dessus. Pourtant, elle sent encore l’objet contre sa paume.
Son esprit vacille, incapable de relier ce qu’elle voit à la réalité. Elle ferme les yeux. Rouvre.
Le reflet redevient identique. Tout est rentré dans l’ordre.
Mais durant ce bref instant… ce n’était pas elle.
Comment est-ce possible ?
Cette brève vision laisse Émelie perplexe. Son cerveau cherche désespérément une explication rationnelle à cette étrange occurrence.
Serait-ce la fatigue qui lui joue des tours ?
C’est ce qu’elle décide de croire. Elle choisit d’ignorer et continue à se préparer pour son mari.
Après avoir soigneusement démêlé ses cheveux et massé son visage avec sa crème de nuit, Émelie enfile une fine nuisette en satin bordeaux — la seule que son époux lui ait offerte au début de leur mariage. Elle se place devant le miroir, prête à tout. Ce soir, dès son arrivée, elle va tenter de le séduire à nouveau. Elle fera tout pour attirer son attention, espérant raviver une étincelle entre eux. Est-ce une dernière chance ? Un ultime espoir pour sauver sa famille ?
Elle ajoute une touche de stick à lèvres rose et s’asperge de parfum à l’intérieur des poignets et en tapote un peu dans le creux du cou. Dehors, l’orage continue de gronder avec force. Sur le point de quitter la salle de bain, un éclair illumine la pièce. Cette intense lumière blanche, l’espace d’un instant, met en évidence quelque chose qui attire son regard.
Elle perçoit à nouveau une différence sur ce qu'elle voit devant elle. Cette fois-ci, ses lèvres sont teintées de rouge. Elle vérifie son gloss : il est bien rose. Mais alors… pourquoi son reflet lui renvoie-t-il une couleur écarlate ?
Elle effleure sa bouche du bout des doigts. Dans le miroir, les siens caressent une teinte plus vive. Émelie ne comprend pas ce qui se passe. Cartésienne de nature, elle peine à concevoir l’existence de phénomènes hors du « normal ». Elle secoue la tête, s’apprête à quitter la pièce, quand elle entend :
— Salut…
Son reflet vient de parler.
Émelie recule, choquée, sans voix.
Son image n’imite plus ses mouvements. L’effet miroir a disparu. C’est comme si une autre personne se tenait en face d’elle — une de celle dont la ressemblance ne fait aucun doute.
Sans un mot, elles se fixent, Silencieuses. Bouleversées.
Le cœur battant, Émelie cherche une explication rationnelle… mais aucune ne vient.
Puis, des petits coups à la porte brisent l’instant suspendu. Une des jumelles s’est réveillée, effrayée par l’orage.
Le temps d’articuler une phrase rassurante à sa fille et la magie du miroir s’est évanouie.
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