Chapitre 1 – L'Appel du Destin

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Le vent glacial soufflait à travers les ruines du district militaire n°17, s’infiltrant à travers les fissures des bâtiments éventrés et soulevant un fin nuage de poussière. Les drones de surveillance flottaient dans l’obscurité, leurs faisceaux lumineux balayant les rues désertes d’un regard artificiel. Assis sur le rebord d’une fenêtre brisée, Grey observait leur passage avec indifférence, une main fourrée dans la poche de sa veste usée.

Le ciel était noir, sans étoiles, une tapisserie d'une obscurité sans fin suspendue au-dessus des vestiges de la ville. Un mauvais présage, disait-on. Mais Grey ne croyait pas aux présages. Il croyait à la faim, au froid et à l’épuisement qui broyaient lentement ceux qui n’étaient pas assez forts pour tenir.

Il tira une longue inspiration et ferma les yeux un instant. Le silence pesant du district n’était brisé que par les grincements métalliques des structures affaissées et les échos lointains des rafales de tirs qui résonnaient dans la nuit. Quelque part, une autre bataille pour des ressources se déroulait. Rien de bien nouveau.

Grey était un jeune homme d’apparence banale, mais dont la présence imposait un certain poids silencieux. De taille moyenne, ni trop grand ni trop petit, il possédait un corps mince mais athlétique, forgé par des années de survie dans un monde impitoyable.

Ses cheveux noirs, souvent en bataille, lui retombaient légèrement sur le front, masquant parfois partiellement son regard. Mais c’étaient ses yeux qui attiraient le plus l’attention. Un mélange étrange de vert et de brun, une couleur indéfinissable, oscillant entre ombre et lumière en fonction de l’angle et de l’éclairage.

À l’orphelinat, il n’avait jamais eu de vrai nom. Lorsqu’il était arrivé là, encore enfant, il était couvert de poussière, les vêtements en lambeaux, incapable de parler distinctement après ce qu’il avait vécu.

C’est ainsi qu’ils l’avaient appelé Grey.

Une couleur sans éclat, un nom sans histoire.

Mais même s’il avait grandi sous cette identité, il n’avait jamais cherché à en changer. Parce qu’au fond, cela lui convenait.

Ni trop sombre, ni trop lumineux.

Juste Grey.

***

Un bruit derrière lui le fit tressaillir. Il tourna légèrement la tête pour voir une silhouette frêle se découper dans l’ombre de la pièce.

Tu vas encore attraper froid.

La petite voix tremblotante de Nyla le ramena à la réalité. Il esquissa un sourire fatigué et sauta souplement du rebord de la fenêtre.

Je suis déjà congelé. Ça change rien.

Elle fronça les sourcils, l’air contrarié, et croisa les bras. Ses joues étaient creuses, son corps trop maigre sous les couches de vêtements rapiécés. Mais ses yeux noirs brillaient d’une étincelle de défi.

C’est stupide. Tu devrais être en train de dormir.

Toi aussi.

J’ai froid.

Grey lui tapota doucement la tête avant de se diriger vers l’ancien poêle à charbon au centre de la pièce. À l’intérieur, quelques braises mourantes luisaient encore faiblement. Il attrapa un bout de bois calciné et le retourna du bout des doigts, espérant raviver un peu la chaleur.

Ça ira mieux demain.

Nyla ne répondit pas. Elle savait aussi bien que lui que ce n’était qu’un mensonge.

Autour d’eux, une dizaine d’autres enfants dormaient sur de vieux matelas à même le sol, serrés les uns contre les autres pour se réchauffer. C’était ça, leur réalité. L’orphelinat du district 17, un vestige d’un monde révolu, un abri fragile au milieu d’un monde qui ne laissait de place qu’aux plus forts.

Grey tira un vieux coffre en métal vers lui et l’ouvrit. À l’intérieur, il ne restait qu’un petit pain rassis. Il le coupa en plusieurs morceaux et en tendit un à Nyla.

Tiens. Mange lentement.

Elle hésita, puis accepta le morceau avec précaution.

Et toi ?

Je mangerai plus tard.

Un mensonge de plus. Mais elle ne posa pas de questions. Elle savait aussi bien que lui que, dans ce monde, partager signifiait survivre un jour de plus.

Grey s’adossa au mur et laissa son regard errer sur les murs fissurés. Il ne rêvait pas d’un avenir meilleur, ni de grandeur. Il voulait juste exister un jour de plus.

Mais le destin en avait décidé autrement.

Une brûlure soudaine explosa sur son front.

Il tressaillit violemment et porta une main tremblante à son visage. La douleur était insupportable, comme si une lame incandescente s’enfonçait dans sa peau. Son souffle se coupa, sa vision se brouilla.

Nyla recula d’un pas, effrayée.

Grey ?

Il ne pouvait pas répondre. Il tituba en arrière, haletant, et son regard accrocha le vieux miroir fendu contre le mur. Ce qu’il vit lui glaça le sang.

Une marque noire et irrégulière s’étendait sur son front, pulsant légèrement comme une chose vivante. Elle se propageait lentement, dévorant sa peau, descendant vers sa joue.

Il sentit son estomac se nouer.

Un Stigmate.

Il vacilla, une panique glaciale s’emparant de son être.

Non. Pas moi.

Il connaissait ces marques. Tout le monde les connaissait. Elles étaient le signe indélébile de ceux que le Nexus Divin avait choisis. Ceux qui allaient être envoyés dans un Scénario.

Et rares étaient ceux qui revenaient.

Le sol sous lui trembla.

L’air devint lourd, vibrant d’une énergie invisible.

Puis la voix retentit.

Froide. Implacable.

「 La période de grâce est écoulée 」

Grey tomba à genoux. Il voulait fuir. Il voulait hurler. Mais c’était déjà trop tard.

Il croisa le regard de Nyla une dernière fois, figée d’effroi, puis son monde explosa en une lumière aveuglante.

Le néant l’engloutit.

Et la voix du monde parla une dernière fois.

「 Téléportation réussie. Bienvenue dans votre scénario 」

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