Chapitre 2 – L’Ombre de la cité

5 minutes de lecture

La lumière aveuglante s’évanouit brusquement, laissant place à une obscurité écrasante.

Grey sentit le sol dur sous son corps avant même d’ouvrir les yeux. Son esprit était encore engourdi, comme s’il flottait entre deux mondes. L’air était lourd, imprégné d’une chaleur étouffante et d’une odeur qu’il ne reconnaissait pas immédiatement. Il inspira un coup, et une vague d’arômes étrangers lui frappa les narines : une odeur de terre sèche, de pierre chauffée par le soleil, de sueur humaine et de quelque chose de plus écœurant, plus organique… le sang.

Un vertige le prit alors qu’il ouvrait lentement les yeux.

Autour de lui s’étendait une ville colossale.

Les bâtisses s’élevaient haut dans le ciel, ornées de fresques magnifiques et de motifs dorés scintillant sous un soleil de plomb. Partout, des rues pavées grouillaient de vie. Des marchands criaient leurs produits, des esclaves couraient pour satisfaire les désirs de leurs maîtres, et des soldats en armures de bronze patrouillaient avec un air sévère. L’atmosphère vibrait sous un tumulte incessant, une cacophonie de langues et d’accents que Grey ne reconnaissait pas.

Il était perdu.

Son cœur cogna contre sa poitrine alors que l’information s’imposait à lui. Il n’était plus dans son monde. C’était un Scénario.

Une main brutale l’arracha à sa stupeur.

Toi !

Un coup terrible s’abattit sur son estomac. L’air s’échappa violemment de ses poumons alors qu’il s’effondrait au sol, suffocant.

Un maudit espion ? Un vagabond des ombres ?

Grey n’eut pas le temps de réagir avant qu’un autre coup ne lui écrase le dos, l’envoyant à plat ventre sur la pierre brûlante. Des mains rudes l’agrippèrent et le soulevèrent brutalement. Autour de lui, plusieurs soldats l’entouraient, des colosses musclés aux visages durs, les yeux remplis de mépris.

Il tenta de parler, de demander où il était, mais un poing s’enfonça dans sa mâchoire.

La douleur explosa dans son crâne.

Le goût du sang envahit sa bouche.

Enchaînez-le ! Il aura tout le temps d’expliquer ses crimes dans les geôles.

Tout se brouilla.

Un scénario… et je suis déjà condamné ?

Ses poignets furent liés brutalement derrière son dos et une corde rugueuse fut passée autour de son cou. Comme un chien.

Il fut traîné à travers la ville sous les regards indifférents des passants. Aucun d’entre eux ne semblait surpris. Ce genre de scène était monnaie courante ici.

Grey serra les dents, luttant contre le tournis provoqué par les coups. Chaque pas était une torture, ses pieds traînant contre les pavés chauffés par le soleil. Il tenta de reprendre son souffle, mais l’air brûlant le faisait suffoquer.

Ils atteignirent une immense structure de pierre sombre. Les portes en bronze s’ouvrirent dans un grincement lugubre.

Puis, les ténèbres l’avalèrent.

***

L’odeur de moisi et de chair en décomposition l’accueillit lorsqu’il toucha le sol froid et humide de la cellule. Son corps heurta durement la pierre, lui arrachant un grognement de douleur.

Autour de lui, des murmures flottaient dans l’air épais de la geôle.

Un nouveau…

Pauvre type. Il tiendra pas une semaine.

Grey ouvrit lentement les yeux. La pièce était faiblement éclairée par une torche vacillante accrochée au mur. Il n’était pas seul.

Une dizaine d’hommes aux visages creusés par la faim et la souffrance l’observaient d’un regard vide. Ils étaient enchaînés aux murs, leurs corps couverts de bleus et de cicatrices.

L’un d’eux, un vieil homme à la peau marquée par le temps, s’approcha lentement.

D’où viens-tu, gamin ?

Grey essaya de parler, mais sa gorge était trop sèche. Il avala péniblement sa salive et murmura :

Je… je ne sais pas.

Le vieil homme le détailla un instant avant de soupirer.

Alors t’es foutu.

Les autres prisonniers ricanèrent doucement, un rire amer, sans joie.

Grey s’appuya contre le mur froid et tenta d’ignorer la douleur dans son corps. Il était piégé ici, sans comprendre pourquoi, ni comment sortir.

Puis, le vieil homme reprit, sa voix rauque comme le frottement d’une lame sur la pierre.

Ils nous envoient tous là, tôt ou tard. La cité a besoin de sang et de sueur pour construire son œuvre finale.

Grey fronça les sourcils.

Quelle œuvre ?

Un silence pesant s’installa.

Un des prisonniers laissa échapper un ricanement nerveux.

Tu verras bien.

Le lendemain, les portes de la cellule s’ouvrirent brutalement.

Les prisonniers furent tirés hors de leurs chaînes et traînés dans les couloirs sombres du complexe. Grey, encore sonné, fut poussé violemment en avant. Ses poignets étaient enchaînés et ses pieds liés par des fers, l’obligeant à avancer lentement.

Lorsqu’ils émergèrent à l’air libre, le spectacle qui s’offrit à lui lui coupa le souffle.

Devant lui s’élevait une structure titanesque. Une tour gigantesque.

Une chose colossale, défiant l’imagination. Ses fondations disparaissaient dans la brume et son sommet se perdait dans le ciel. Elle semblait infinie, comme si elle cherchait à toucher les cieux eux-mêmes.

Le chantier grouillait de milliers d’ouvriers en guenilles, tous réduits à l’état de bêtes de somme. Sous le regard impitoyable des gardes, ils transportaient d’énormes blocs de pierre, mélangeaient du mortier et gravissaient d’interminables échafaudages branlants.

Grey sentit un frisson glacé parcourir son échine.

C’était impossible. Une construction d’une telle ampleur… Elle dépassait toute logique humaine.

Un garde le poussa brutalement en avant.

Bouge, esclave !

Grey n’eut d’autre choix que d’avancer.

***

Les jours suivants furent un véritable enfer.

Le travail était inhumain. Chaque matin, on le réveillait à coups de bottes avant de l’envoyer porter des charges bien trop lourdes pour son corps affamé. Ses mains étaient en sang, ses muscles tétanisés par l’effort constant. Chaque soir, il retournait à sa cellule, vidé de toute force.

Il vit des hommes s’effondrer sous la chaleur accablante. Ceux qui ne pouvaient plus travailler étaient abattus sur place.

Le doute s’insinua lentement dans son esprit. Était-ce ça, le Scénario ? Était-il condamné à crever ici, comme un vulgaire esclave ?

Il serra les poings.

Non. Il ne mourrait pas ici.

Il devait comprendre ce qu’on attendait de lui. Il devait trouver un moyen de survivre.

Mais alors que l’épuisement et la douleur l’envahissaient, une voix résonna soudainement dans son esprit.

Une notification.

Elle était froide, indifférente, absolue.

「 Le Scénario va maintenant débuter 」

「 Cycle de Ruine : La Chute de Babylone 」

Description : Babylone, ayant offensé les Dieux, doit affronter leur courroux.

「 Condition de Victoire : Fuir
Condition de Défaite : Mort
Pénalité en cas d’échec : Mort 」

Grey sentit son souffle se bloquer.

Puis, un grondement sourd secoua la cité.

Le ciel devint noir.

Et Babylone trembla.

Annotations

Vous aimez lire V.Redgrave ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0