Chapitre 12 – L’Appel d’Eldoriana
Le vent soufflait fort sur le terrain d’entraînement.
Les recrues frappaient, esquivaient, s’adaptaient. Leur départ était imminent, et tout le monde le savait.
Chaque instant comptait.
Chaque coup, chaque mouvement, chaque respiration.
Mais Grey… Grey sentait autre chose.
Quelque chose au fond de lui.
C’était infime, presque imperceptible. Mais il savait que c’était là.
Une chaleur sourde, une sensation étrange, comme une braise enfouie sous la cendre.
Elle ne répondait à rien de logique. Il ne pouvait pas l’invoquer à volonté, ni la modeler comme les autres modelaient leur énergie.
Mais il avait remarqué un détail.
Quand il ressentait quelque chose de fort… la chaleur grandissait.
Frustration. Détermination. Rage.
Toutes ces émotions qu’il avait enfouies au plus profond de lui… elles faisaient réagir cette chose.
Mais c’était encore flou, instinctif.
Et pour l’instant, ça ne lui servait à rien.
Alors, il faisait ce qu’il savait faire de mieux.
Il s’entraînait.
Grey avait testé plusieurs armes au cours des semaines d’entraînement.
Les épées étaient rapides, mais demandaient trop de finesse.
Les dagues étaient précises, mais exigeaient une proximité mortelle avec l’ennemi.
Les masses et les haches frappaient fort, mais il n’avait pas la force d’Erik pour les manier efficacement.
La seule arme qui lui permettait de rester en sécurité tout en restant offensif…
C’était la lance.
Lian se moquait souvent de lui pour ça.
— Tu veux être un héros des temps anciens, c’est ça ? lança-t-il un soir en le regardant tourner autour d’un mannequin, sa lance en main.
Grey ignora la provocation et porta un coup précis, plantant la pointe de l’arme juste là où se trouverait la gorge d’un adversaire.
Sienna, qui observait en silence, haussa un sourcil.
— C’est une arme intelligente.
Lian croisa les bras.
— Ouais, mais c’est pas la plus impressionnante.
— C’est pas l’arme qui tue, répliqua Grey sans le regarder. C’est celui qui la tient.
Lian ricana.
— T’as pas tort. Mais je te parie que dès qu’on sera là-bas, tu vas regretter de pas avoir pris une vraie arme.
Grey ne répondit pas.
Il savait que Lian avait tort.
Une épée demandait trop d’engagement.
Une hache exigeait trop de force.
Une dague nécessitait trop de proximité.
Mais une lance…
Une lance permettait d’attaquer sans s’exposer.
C’était une arme pragmatique, pas faite pour les duels glorieux. Elle était faite pour survivre.
Et survivre, c’était tout ce qui comptait.
***
La nuit avant leur départ, Grey ne trouva pas le sommeil.
Il était trop calme.
Trop en paix.
C’était comme si son corps savait déjà ce qui allait arriver.
Il se leva sans un bruit et sortit du dortoir.
Le ciel était d’un noir profond, et la Lune Rouge approchait.
Il sentit une fois de plus cette chaleur étrange en lui.
Un murmure, une sensation indéfinissable.
Il ferma les yeux et inspira profondément.
Il n’avait jamais été spécial.
Il n’avait jamais eu de grands rêves.
Mais maintenant… maintenant, quelque chose brûlait en lui.
Un pressentiment, un instinct qu’il ne comprenait pas encore.
Et il savait qu’il allait découvrir ce que c’était.
***
L’alarme retentit à l’aube.
Tous les Marqués furent rassemblés sur la grande place de l’Académie.
Le Colonel était là, droit et imposant.
Son regard balaya les recrues une dernière fois.
— Aujourd’hui, vous partez pour Eldoriana.
Silence.
— Une fois là-bas, votre mission est simple.
Il marqua une pause.
— Survivre.
Il ne leur souhaita pas bonne chance.
Parce qu’il savait que la chance n’existait pas.
Et la lumière les enveloppa.
Le sol disparut sous leurs pieds.
Le monde bascula.
Eldoriana les appelait.
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