Chapitre 34 - En Route

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Le monde bascula.

Et Grey tomba.

Encore une fois.

Le contact brutal avec le sol fut presque rassurant tant il était prévisible. Son corps s’écrasa lourdement contre une terre molle et légèrement humide, et il resta là, le visage contre le sol, sans bouger.

Une odeur d’herbe. De vent propre. De poussière naturelle. Pas de sang, ni de métal chauffé. Pas de ruines, ni de monstres. Il leva lentement la tête.

Des plaines.

Immenses, dorées sous le soleil pâle d’Eldoriana. Le ciel était dégagé, balayé de nuages lents, et une brise légère glissait sur les collines en silence.

Grey roula sur le dos, haletant. Il ferma les yeux et inspira profondément.

Il était vivant.

Encore.

Un rire lui échappa. Faible, éreinté, mais vrai.

J’vais finir par m’y habituer, à tomber comme une merde...

Il se redressa lentement, chacun de ses muscles hurlant sa fatigue. Sa peau portait encore les traces du scénario : les déchirures sur son torse, les ecchymoses, les bandages sales. Mais il tenait debout. Et il n’était plus là-bas.

Il leva la main gauche.

Sur sa paume, une marque noire. L’écho de l’épée corrompue, celle qu’il avait affrontée dans la dernière nuit du Scénario. Elle n’était plus visible… mais elle était là. Il la sentait. Elle brûlait doucement, comme un rappel silencieux.

Et à sa ceinture, bien sanglé, reposait un objet qui le dérangeait davantage encore : le Livre des Runes du Royaume Figé. Froid, mystérieux, fermé.

Grey le regarda un instant, puis détourna les yeux.

— Pas maintenant.

Il porta son regard à l’horizon. Là où, quelques instants avant le début de son cauchemar, il avait aperçu une tribu nomade. Il n’en restait rien. Ni feu. Ni roulottes. Ni empreinte. Ils étaient partis depuis longtemps.

Peut-être avait-il disparu pendant des jours, peut-être plus.

Le silence des plaines n’avait rien d’hostile, mais il n’en était pas rassurant pour autant. Il s’y sentait minuscule. Il était seul. Vraiment seul.

Il resta ainsi, immobile, plusieurs minutes, à réfléchir.

Puis il souffla un coup, et tourna les talons.

— Bon… marchons.

Il n’y avait aucune route, aucune direction définie. Il n’avait aucune idée d’où il était exactement dans Eldoriana. Mais rester ici ne servait à rien. Il devait trouver un abri. Des gens. N’importe quoi.

Il s’éloigna lentement, ses pas marquant la poussière ocre d’un monde plus vaste qu’il ne l’avait imaginé.

***

Grey marchait.

Et plus il marchait, plus la fatigue quittait son corps. Non pas parce qu’il allait mieux. Non, ses muscles étaient toujours aussi lourds, ses plaies encore à vif sous les bandages improvisés. Mais la simplicité de poser un pied devant l’autre, encore et encore, lui offrait un genre de répit qu’aucun scénario ne pourrait jamais lui donner.

Les plaines d’Eldoriana s’étendaient à perte de vue, tapissées d’herbes hautes et sèches, ponctuées de rares rochers blanchis par le soleil. Il ne croisa pas une âme. Pas un bruit de pas. Pas un cri. Juste le vent. Un silence presque sacré, comme si la terre elle-même voulait le laisser respirer.

Il ne savait pas où il allait. Mais il suivait l’instinct simple de survivre. D’avancer. Trouver un lieu où poser le sac. Manger. Dormir. Et penser à la suite. Pas de plan, pas d’ambition. Juste le rythme d’un pas après l’autre.

Le ciel vira lentement vers l’orange. Le soleil d’Eldoriana descendait doucement derrière les collines, allongeant les ombres. Il aurait pu s’arrêter là, faire un feu, dormir sous les étoiles. Mais quelque chose… l’appelait. Une sensation au creux du ventre. Une intuition profonde.

Alors il continua.

Et puis, au sommet d’un plateau, il la vit.

Une ville.

En contrebas, un immense mur de pierre encerclait un territoire organisé, vivant. Des tours, des cheminées, des dômes d’argile claire et des toits d’ardoise grise. Des étendards flottaient aux portes, et la lumière des lanternes commençait à s’allumer dans les rues. Un son. Des bruits de pas. D’animaux. De cloches.

La civilisation.

Grey resta figé un instant, observant la cité depuis sa colline.

— J’y suis arrivé, souffla-t-il.

Son regard se posa sur les grands murs.

Ce n’était pas une ville nomade. Ni un avant-poste. C’était une vraie cité. Une pierre vivante au cœur des terres humaines.

Grey sourit faiblement.

Reste à voir s’ils me laissent entrer.

Et sans plus attendre, il reprit sa marche, direction les portes de pierre. Un peu de lumière. Un peu de bruit. Un peu d’humanité.

Peut-être même… un toit.

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