Chapitre 42 - Un pas après l'autre

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Le ciel était d’un bleu clair sans nuages, et l’air du matin portait cette fraîcheur particulière des terres entourant Lithoria. Les oiseaux chantaient, les marchands criaient leurs prix, et la ville s’éveillait une fois de plus à un jour qui, pour la majorité de ses habitants, serait paisible.

Mais Grey, lui, avait d’autres plans.

Il se tenait devant le panneau de quêtes de la Guilde des Aventuriers, les mains dans les poches, ses yeux verts-marron balayant les propositions du jour.

Beaucoup de missions étaient similaires à la veille : livraisons, réparations, petits nettoyages. Rien qui ne stimulait vraiment son instinct de Marqué. Mais une quête retint son attention, discrète dans un coin du tableau :

"Chasse de régulation – Lapins Cornus – Forêt du Lierre. Récompense : 1 de bronze par paire d’oreilles."

Il avait déjà entendu parler de ces créatures. Pas très grandes, rapides, et armées de cornes bien trop acérées pour leur taille. Un défi modeste, mais une excellente occasion de tester ses réflexes... et ses récentes découvertes.

Il décrocha le papier et se dirigea vers le comptoir.

— Je prends celle-ci, dit-il en le tendant à la réceptionniste.

— Lapins Cornus, hein ? fit-elle en souriant. T’as l’air en forme pour un rang F. Fais juste gaffe, certains aventuriers les prennent à la légère et finissent par se faire embrocher le mollet.

— Je me débrouillerai.

Il récupéra la carte d’accès temporaire pour la zone de chasse, puis quitta la guilde, son sac en bandoulière et sa veste rabattue sur ses épaules.

La Forêt du Lierre s’étendait aux abords de la ville, une mer d’arbres hauts et d’ombre fraîche. Des cris d’animaux résonnaient par intermittence, et le sol souple étouffait les pas.

Grey marchait calmement, balayant du regard les fourrés, l’esprit alerte.

Ce fut un craquement discret qui l’avertit.

Une silhouette bondit des broussailles, rapide comme un éclair – un lapin gros comme un chien, ses yeux rouges brillants, deux cornes fines et recourbées au-dessus de son crâne.

Grey roula sur le côté.

Le lapin rata sa cible et percuta un tronc dans un bruit sourd. Avant qu’il ne puisse se redresser, Grey bondit et le tua d’un coup sec entre les omoplates.

— Un.

Mais il n’eut pas le temps de savourer sa réussite.

D’autres arrivaient.

Trois, puis cinq.

Ils surgissaient des buissons comme des projectiles. Et s’ils étaient petits, leur vitesse était monstrueuse.

Grey plissa les yeux.

Il se déplaça avec fluidité, évitant les charges. Il ne les frappait pas avec rage – il les guidait, les poussait à se heurter aux arbres, à trébucher sur les racines, à s’emmêler entre eux. Puis, d’un mouvement précis, il les finissait, un par un.

Et étrangement, c’était… plaisant.

Les réflexes du monde figé étaient toujours là.

Une fois qu’il eut attrapé une demi-douzaine de lapins inertes, il s’assit à l’ombre d’un vieux chêne.

Il sortit un petit couteau et préleva soigneusement les oreilles des créatures.

Puis, ses doigts effleurèrent son sac.

Le livre de runes était là.

Et l’idée, aussi.

Il saisit un caillou lisse, y grava la rune de l’éclair aussi proprement que possible avec la pointe de sa lame. Quand il la termina, une légère vibration parcourut le galet.

Il le lança vers un tronc.

Un éclair jaillit à l’impact.

— Oh...

Ce n’était pas puissant. Mais c’était réel.

Il en grava un autre, cette fois sur une branche.

Il la lança vers le sol – même effet. Une faible décharge.

Grey ricana. Puis, il se tourna vers ses mains. Et si...

Il traça la rune sommairement sur ses gantelets matérialisés, juste au niveau des poignets.

Quand il serra les doigts… une faible lueur jaune parcourut ses bras.

Un léger courant, contrôlable.

Il le fit remonter jusqu’à son épaule.

Il ne brûlait pas, mais vibrait à travers ses muscles. Un fouet d’énergie vivante, prêt à frapper.

Il tenta une attaque dans le vide.

L’air grésilla autour de ses poings.

— Voilà qui va être amusant…

Le soleil était déjà bas lorsqu’il revint vers une clairière isolée.

Il n’y avait plus de lapins en vue.

Alors, il décida de tester l’épée.

Il matérialisa d’abord ses gantelets, puis ferma les yeux.

Dans sa paume, il sentit une chaleur noire pulser.

Un halo obscur, semblable à une brume solide, se forma autour de sa main.

Et là…

L’épée tomba dans sa main comme une ombre solide.

Longue de 1m60, massive, sa lame absorbait la lumière. L’air autour d’elle vibrait comme sous l’effet d’un sort. Le froid gagna le sol.

Il la leva.

Et frappa.

Un simple arc horizontal, sans y mettre toute sa force.

Mais le sol devant lui fut éventré.

La végétation fut arrachée, la terre projetée sur plusieurs mètres. Les arbres ployèrent sous la pression, et un rugissement sourd résonna.

Grey recula immédiatement.

— Bordel...

Il désactiva l’arme.

Elle se dématérialisa aussitôt, laissant une brûlure légère dans sa paume.

— OK. Ne pas refaire ça trop près de la ville...

Il inspira profondément.

Et pour la première fois, réalisa à quel point cette épée n’était pas une arme banale.

Elle était vivante.

Et affamée.

Il rangea les oreilles dans son sac, essuya ses mains, puis repartit en direction de la ville.

Demain, il aurait de quoi manger, et un pas de plus vers la maîtrise de ses dons.

Mais ce soir, il avait encore dans les doigts l’écho du tonnerre.

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