La réalité VS les réseaux sociaux
Ce n'est qu'en cliquant sur la notification que je réalise que certains étudiants ont filmé et photographié ce qui s'était passé à l'université : mon acte de brutalité envers Vanessa, ses larmes, le moment où je découvre que les fichiers ont été supprimés de mon ordinateur. . .
Ces médias sont accompagnés de légendes tels :
"Je savais que sa perfection cachait quelque chose. . ."
"La vérité sur Malicia Durand"
"La pire soeur jumelle du monde"
Et j'en passe. . .
Cependant, ces titres ne sont rien à côté des commentaires :
"Quelle horreur !"
"J'étais là quand ça s'est passé. On pensait tous que Malicia était une bonne personne, elle semblait si parfaite, elle excellait en tout. Nous avons tous été surpris, choqués, déçus et même dégoûtés ! Plus jamais je ne lui parlerai."
"Quand je pense que j'ai fréquenté amicalement une fille aussi mauvaise pendant si longtemps. . . Ça me donne envie de vomir."
La nausée me monte aussi. Tous ces gens me critiquent sans même savoir ce qui s'est passé. Ceux qui croient connaître la vérité ne se rendent pas compte qu'ils ont été manipulés par Vanessa.
"Pauvre Vanessa ! Ce doit être terrible d'être victime de la jalousie de sa propre soeur, surtout quand il s'agit de sa jumelle. . ."
"Je ne connais pas ces filles, mais je plains cette Vanessa et maudis le monstre qui lui sert de soeur !"
"Malicia, hein ? Elle porte bien son nom, c'est le mal incarné !"
Je serre les dents. Quel inculte ! Mon prénom n'est pas dérivé du mot "mal", mais du latin malitia, qui signifie astucieuse ou rusée.
C'en est trop ! Je n'accorderai pas plus d'importance aux commentaires de tels ignorants ! Qu'importe ce qu'ils pensent de moi. . .
"Tu te trompes" me murmure une voix dans ma tête alors que je m'apprêtais à poser mon téléphone. "Tu t'es toujours soucié du regard des autres. Tu as été élevée ainsi. C'est pourquoi tu t'es efforcée de devenir cette fille parfaite que tout le monde admirait."
- C'est faux ! rétorqué-je à voix haute pour m'auto-convaincre. Leur avis m'importe peu. L'important est que moi, je sache ce qui s'est réellement passé, que je suis innocente. . .
"Cesse donc de te mentir à toi-même. À quoi te sert de savoir que tu es innocente si personne d'autre ne le sait ? Comme tous les êtres humains, tu ne vis que grâce et pour la reconnaissance des autres. Les humains sont des êtres sociaux. Si leur société ne les reconnaît pas, ils cessent d'exister, donc tant que ton entourage te déclare coupable, tu l'es, que tu le veuilles ou non."
- Pourtant, mon innocence est une réalité, alors elle doit exister puisqu'elle est réelle !
"Ce sont les gens qui décident de ce qui est vrai ou pas et tu ne peux rien à cela. Bien sûr, tu peux toujours faire comme ces grands Hommes qui se sont battus seuls contre tous pour imposer leur réalité, mais la plupart ont énormément sacrifié, jusqu'à leur propre vie, pour parvenir à cet objectf, sans même être sûrs qu'ils réussiraient. C'est à toi de voir si tu veux prendre le risque. . ."
- Qu'ai-je à perdre ? Rien ne peut être pire que ce que j'endure actuellement ! Pas même la mort. . .
Je rallume l'écran de mon appareil et rédige un post dans lequel j'explique toute la situation :
"J'ai travaillé pendant des mois sur un projet me tenant un coeur. C'était mon rêve professionnel. J'ai tout donné, me suis plongée corps et âme dans ce travail, mais une personne que j'aimais m'a trahie. Elle a volé mon projet, en a supprimé toute trace sur mon ordinateur pour s'assurer que je ne puisse pas la confondre, puis s'est arrangée pour passer avant moi. Je me suis certes laissée emporter par ma rage, mais il faut vous mettre à ma place : ma propre soeur jumelle a ruiné mes plans pour bâtir son propre avenir dessus. Elle s'est ensuite fait passer pour la victime afin de me décrédibiliser et de me prendre tout ce qu'il me restait, que ce soient mes proches ou ma réputation. Libre à vous de me croire ou pas, mais quoiqu'il arrive, je sais que c'est moi qui détiens la vérité. Mon bourreau a profité de ma résistance pour me faire revêtir sa cagoule."
Au moment de cliquer sur "poster", les paroles d'une série me reviennent en tête :
"S'excuser, se justifier, se défendre, c'est ce qu'on attend de toute personne ordinaire accusée d'une erreur ou d'un crime dans la vraie vie. C'est la meilleure façon d'arranger les choses, mais sur les réseaux sociaux, c'est différent. Faire l'une de ces trois choses revient à jeter de l'huile sur le feu et empirer l'incendie de haine nous menaçant. . ."
J'aurais dû me souvenir de ces mots plus tôt. J'aurais ainsi eu une chance d'échapper à l'incendie jusqu'à ce qu'il s'éteigne de lui-même avec le temps où l'arrivée d'une cible plus intéressante. Au lieu de cela, je n'ai fait qu'empirer les choses. . .
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