Je suis révéillée par une violente explosion : le tremblement de la maison, le bruit de vitres se brisant et de murs s'écroulant me font sursauter. Je regarde partout autour de moi, quelque peu désorientée. Ma sœur jumelle est assise à mes côtés. Elle prend de grandes inspirations pour tenter de retrouver son calme. Elle n'en a hélas pas le temps. Nous entendons des bruits de pas précipités et des cris provenir de l'étage inférieur. Une forte odeur de brûlé ne tarde pas à venir chatouiller nos narines. Je peux voir, à travers la grande fenêtre de notre chambre, la lueur étincelante de flammes, surmontée par une épaisse fumée noire. Notre maison prend feu ? ! Où sont Aba et Ima ? ! Pourquoi ne sont-ils toujours pas venus nous chercher ?

Un tremblement incontrôlable s'empare de tout mon corps, tandis que mes oreilles sont assaillies par le terrible cri strident d'une femme. Mon sang se glace. Ma sœur et moi nous jetons dans les bras l'une de l'autre en poussant des cris de panique. J'éclate en sanglots, pendant qu'elle retient avec peine ses larmes, dont certaines parviennent malgré tout à couler le long de ses joues. Nous nous serrons aussi fort que nous le permettent nos forces de petites filles.

Les bruits de course reprennent. Cettes fois, ils semblent provenir de l'escalier et se rapprochent rapidement. Nous fixons avec effroi la porte en bois de notre chambre, qui n'est même pas fermée à clé. La poignée est brutalement saisie de l'autre côté. Nous avons à peine le temps d'ouvrir nos bouches pour crier à nouveau que la porte est violemment cognée, nous arrachant pour de bon un hurlement de terreur. Une flaque commence lentement à s'étendre sous la porte, mais dans la pénombre, je ne parviens pas à distinguer ce que c'est. Trop terrifiée pour bouger, je me contente de l'observer de loin avec des yeux exhorbités par la peur. Au bout de quelques secondes d'un silence pesant, ma jumelle desserre lentement son étreinte et commence à retirer ses bras de mon corps. Je la rattrape précipitemment en protestant :

- Non, ****** ! Ne me laisse pas toute seule, je t'en prie !

- Ne crains rien, *****. Je te promets de ne pas sortir de la chambre sans toi. Je vais juste voir ce qui se passe de l'autre côté de la porte pour m'assurer que nous sommes en sécurité. Ensuite, nous irons rejoindre Aba et Ima.

J'acquiesce, tremblante, et lâche lentement son bras. Elle m'adresse un petit sourire, mais a à peine le temps de tourner la tête qu'une main vient masquer mes yeux. Prise de panique, j'inspire à pleins poumons pour hurler de toutes mes forces, mais une voix grave et rassurante nous murmure :

- Chut. . . Tout va bien. Je suis venu vous sortir de là.

Elle m'est totalement inconnue. Pourtant, son intonation et la chaleur agréable se dégageant de la main l'accompagnant suffisent à m'apaiser. Petit à petit, mon corps cesse de trembler et les battements de mon cœur reprennent un rythme ordinaire. Je n'ai plus peur.

- Bien, poursuit le mystérieux individu. Rentrons à la maison, maintenant.

Aussitôt, une sensation de chaleur intense m'envahit. Quand elle disparaît, la main quitte mon visage, me permettant enfin de voir ce qui m'entoure.

Nous sommes dans un grand bureau richement meublé et orné. Le pourpre et l'or sont les couleurs dominantes, donnant à l'endroit une atmosphère à la fois chaleureuse et majestueuse.

Ma sœur jumelle me fait face. Quand nos regards se croisent, nous nous empressons de nous prendre la main, puis nous tournons ensemble vers l'inconnu.

Grand, vêtu d'un élégant costume richement décoré de brodures et de pierres précieuses, une longue chevelure argentée tombe en queue de cheval sur son épaule, tandis que son regard écarlate nous fixe intensément. C'est un démon, comme nous. . .

- Qui êtes-vous ? lui demandé-je.

- Je suis votre seigneur Lucifer, se présente-t-il avec un doux sourire, ou votre sauveur, si vous préférez. . .

- Notre sauveur ? l'interroge ma soeur.

- Oui. Je vous ai sauvées de la mort, ce soir. Vous m'êtes donc redevables de vos vies. Voilà ce que je vous propose, ajoute-t-il en s'agenouillant pour se mettre à notre niveau. Je vous garde à mes côtés pour l'éternité. Cette maison devient la vôtre. En échange, je n'exige que votre dévouement et votre obéissance les plus totales, dit-il en posant un index sous chacun de nos mentons.

- Qu'en est-il d'Aba et Ima ? lui demandé-je.

- Je suis le seul à pouvoir et vouloir m'occuper de vous deux, désormais. . . m'explique-t-il en passant une main dans mes cheveux blonds.

Je sens mon cœur se serrer et les larmes monter. La main tremblante de ma jumelle dans la mienne m'indique qu'elle est dans le même état que moi.

- Chut. . . nous susurre-t-il en caressant nos visages du bout des doigts. Vous êtes fatiguées. Tsad !

- Oui, Monseigneur, répond une voix masculine dans notre dos.

Nous nous retournons en sursaut pour faire face à un vieil homme en costume noir et doté d'une épaisse moustache blanche.

- Conduis les filles dans leur chambre. Elles ont besoin de repos. Je reviendrai à elles demain.

- Bien. Allons, mes petites, ajoute-t-il à notre intention en nous tendant ses mains.

Il arbore un sourire bienveillant. Nous plaçons timidement nos mains sur ses paumes. Il referme ses doigts gantés dessus et nous conduit en dehors du bureau.

- Bonne nuit, Mimi. Bonne nuit, Sassa, nous parvient la voix du seigneur Lucifer. Tels sont désormais vos prénoms.