Miaou. . .
J'ouvre les yeux. Mon crâne me lance horriblement. Je retiens une grimace de douleur et regarde autour de moi. Je suis dans ce qui semble être un sous-sol, éclairé seulement par quelques bougies, posées sur ce qui ressemble à un autel. Une personne, vêtue d'une longue robe rouge à capuche, se tient debout de l'autre côté. Bien que son visage soit masqué par son habit, je sais qu'elle me fixe. Je sens son regard pesant sur moi. À ses côtés se tiennent d'autres individus habillés de la même façon, mais en blanc. Trois de chaque côté, qui tournent le dos à une grande croix en bois fixée au mur. Je tente de bouger, mais constate rapidement que je suis mains et pieds liés. Je lance alors à celui qui semble être l'instigateur de tout ça :
- Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
- Silence, sorcière ! résonne une voix sombre et profonde, dont je serais incapable de dire si elle appartient à un homme ou une femme. Tu n'as pas droit à la parole en ce lieu sacré. Nous attendions ton réveil pour commencer la question. . .
- La question ?
- Nous savons qui tu es, Malicia. . .
- Comment. . . ? !
- Ne sais-tu pas que tu es recherchée pour tentative d'homicide volontaire ? Ta traîtresse de soeur a porté plainte contre toi. . . La police te recherche. Si tu n'as pas encore été reconnue, c'est tout simplement que ton signalement n'a pas encore été donné dans les médias. Ils ne veulent pas que tu remarques qu'ils te recherchent pour que tu baisses ta garde et qu'ils puissent te mettre la main dessus facilement. Si tu veux mon avis, ils finiront par classer l'affaire si tu ne leur apparais pas bientôt, comme ils le font toujours avec ce genre de cas. . .
- Si mon signalement n'a pas été rendu publique, comment. . . ?
- Nous avons des contacts, m'interrompt-il encore une fois. C'est ainsi que nous avons su pour qui tu travailles, vile créature. Cet homme qui est actuellement à l'hôpital, par ta faute. . . Il nous a tout raconté. Il nous a dit qu'il en était arrivé là à cause d'un contrat passé avec le Diable et nous a décrit son assistante. C'est ainsi que nous avons découvert ton identité et que nous avons pu te mettre la main dessus. Tu seras bien sûr châtiée pour tes crimes, mais d'abord. . . dit-il en descendant les marches de son autel pour s'approcher de moi. Nous voulons savoir tout ce que tu sais sur ton maître.
- Tout ce que je sais sur mon maître. . . ? murmuré-je. Je n'en sais certainement pas plus que vous. . . réalisé-je avec un petit sourire.
- Oh, tu te trompes, réplique-t-il en sortant de sous sa robe un fouet. Il y a bien une chose que tu sais et que nous ignorons : son emplacement, ajoute-t-il en soutenant mon menton avec son instrument.
- Je comprends, maintenant. . . La question désigne cet interrogatoire passant par la torture que pratiquaient les autorités religieuses de l'époque. Votre but est de me torturer pour m'arracher l'emplacement de mon patron, mais je vous préviens : quand bien même je vous le disais, votre secte de fanatiques ne pourrait jamais venir à bout de lui. Il est bien plus puissant qu'on peut l'imaginer. . .
- Il est puissant pour les faibles esprits égarés comme toi, lâche-t-il avec mépris. Il lui a été facile de profiter des souffrances engendrées par la trahison de ta sœur jumelle pour te manipuler. Il ne fait que se servir de toi comme d'un pantin, car il connaît bien la nature humaine et sait ce que chacun désire. Nous, cependant, sommes forts de notre foi. Dieu nous soutient, car c'est en son nom que nous nous battons, et le Diable ne peut rien contre son créateur.
- Peut-être, fais-je en haussant les épaules, mais dans tous les cas, peu m'importe. Je ne vous révélerai rien.
- Tu es sûre de toi ?
- Absolument, affirmé-je avec un air de défi.
- Bien. Comme tu voudras, dit-il en me contournant lentement.
Ce n'est qu'alors que je remarque le cercle de sel m'entourant. J'imagine qu'il est censé empêcher Lucifer ou un quelconque autre démon de venir à ma rescousse.
Pendant qu'un des individus habillés de blanc ouvre une Bible, les cinq autres apportent une table trouée au centre et munie de sangles de métal. Ils l'installent verticalement et m'attachent dessus en resserrant les sangles sur mes poignets et mes chevilles. J'ai beau me débattre, impossible de me libérer. Je constate alors que le trou creusé dans la table est juste à la taille de mon dos.
La lecture des versets bibliques commence.
- Où se trouve le refuge de ton maître ? me questionne le chef de la secte chrétienne.
- Jamais je ne vous le dirai !
Une vive sensation de brûlure dans mon dos m'arrache un cri. Ce fou est en train de me fouetter !
- Tu t'obstines, mécréante ?
Je garde les dents serrées. C'est alors que je sens les sangles métalliques se resserrer un peu et je comprends aussitôt à quoi sert cet instrument : à chaque fois que je refuserai de répondre, ils resserreront un peu plus mes liens, jusqu'à briser mes os. . .
Je déglutis avec peine, mais garde une expression déterminée. Il est hors de question que je leur montre ma peur !
À chaque question, un silence. À chaque silence, un nouveau coup de fouet. À chaque nouveau coup de fouet, les sangles se resserrent. J'ai rapidement le dos en feu et les articulations qui craquent, mais je n'ajoute aucun hurlement au premier. Les larmes montent malgré moi à au fur et à mesure que la douleur se fait plus forte, mais je garde résolument les dents serrées. J'ai été surprise au premier claquement du fouet. Je ne me ferai plus avoir. Je me refuse à crier, encore moins à supplier leur merci. Ce serait inutile, de toute façon. Je sais qu'ils ne me lâcheront pas jusqu'à ce que je crache le morceau. Je ne le ferai pas. Je n'abandonnerai pas. Lucifer est le seul à m'avoir tendu la main au moment où tous m'abandonnaient et me rejetaient. Il m'a promis de m'aider à me venger et tient parole. . .
- Franchement, je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines à protéger un être qui ne fait que te condamner à l'Enfer en se servant de toi ! lâche le chef de la secte en abattant une nouvelle fois son fouet.
- J'ai déjà plongé en Enfer au moment-même où Vanessa m'a volé ma vie ! Il ne me restait plus rien auquel me raccrocher et chaque jour était une torture, jusqu'à ce que je le rencontre. . . Il a redonné un but à ma vie, m'a offert une maison, un travail et un avenir. Je sais qu'il ne fait que se servir de ma souffrance, de ma haine et de mon désir de vengeance pour servir ses intérêts. Je sais que je finirai en Enfer si je continue sur la voie qu'il m'indique, parce qu'il a eu l'honnêteté de me le dire en face en me mettant en garde au moment de signer mon contrat avec lui. Il me conduit à ma propre perte, c'est vrai, mais c'est parce que j'ai accepté qu'il le fasse en échange d'une seule chose : me venger de cette Humanité qui m'a injustement maltraitée ! Lucifer ne m'a pas dupée ou trompée comme l'ont fait tous les autres avec moi. Il m'a proposé un juste marché : ce que je désire en échange de ce qu'il désire. Il m'a tant appris, depuis. . . Pour tout ça, je lui suis reconnaissante. Voilà pourquoi jamais, au grand jamais je ne le trahirai, dussé-je le payer de ma vie ! Comment pourrais-je ne serait-ce que penser à trahir la seule personne au monde qui ne m'a jamais trahie ?
- Ton émouvant petit discours ne te sauvera pas, se contente-t-il de dire en levant son fouet.
Je ferme les yeux pour me préparer à encaisser le coup, lorsque la seule lucarne du sous-sol, située au-dessus de la croix, éclate soudainement en mille morceaux ! Le membre qui lit la Bible s'interrompt soudainement pour se protéger des éclats de verre. Le chef de la secte suspend son geste, surpris. Un puissant souffle éteint toutes les bougies et, dans la nouvelle obscurité régnante, le pesant silence est brisé par un miaulement sinistre. . .
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