Lundi 19 août 2024

4 minutes de lecture

  Lorsque j'étais enfant, j'aimais lire. C'est ma mère qui m'en a donné le goût. J'ai commencé à lui emprunter quelques-uns de ses romans de science-fiction de la collection "présence du futur" chez Denoël. Je me souviens du livre "Le premier Fulgur" d'Edward Elmer Smith. J'avais oublié le nom de l'auteur, que j'ai retrouvé dans une entrée Wikipedia. J'ai également totalement oublié l'intrigue de l'histoire ! Le roman américain date de 1950 mais est paru bien plus tard en France. Je fouille mes souvenirs car j'aimerais dater mes premières lectures. Toujours est-il que ma mémoire est remplie d'histoires de SF à demi oubliées. A l'époque, je ne choisissais pas, je prenais ce qui me tombait sous la main. J'étais très rêveur et cette littérature convenait à merveille à mon tempérament.

  La lecture ne m'empêchait pas de jouer dans la rue ou au parc avec mes copains. Mais je revenais fréquemment à mes lectures. Je pense que j'ai pris l'habitude de lire régulièrement à partir de 10 ou 11 ans ce qui n'est pas si précoce que ça.
Nous avions une petite "bibliothèque pour tous" dans le quartier à deux ou trois cents mètres, juste après l'église et la mairie, ce qui nous arrangeait bien car il n'y avait pas beaucoup d'argent à la maison. Mon père nous avait quittés et maman se débrouillait pour nous élever seule, ma sœur et moi, avec son maigre salaire de secrétaire. Elle nous aimait pour deux et veillait à ce que nous ne manquions de rien.

  Je me suis régalé avec les chroniques martiennes de Ray Bradbury. J'ai probablement dû les relire à l'adolescence. Ces nouvelles tranchaient avec la sempiternelle supériorité humaine qu'on retrouve dans de nombreux ouvrages de l'époque. Les terriens tentaient, fusée après fusée de mettre le pied sur la planète rouge qui leur restait totalement étrangère. Les martiens se dérobaient à leur regard ou les tuaient sans que cela ne leur pose de problème de conscience.

  Les autochtones sont à la fois ordinaires et extraordinaires : dans l'une des premières nouvelles, un couple vit paisiblement dans une villa et Madame s'ennuie un peu, elle rêve d'un visiteur d'une autre planète, qui malgré une apparence étrange, l'obsède. La vision se répète chaque nuit et comme Madame raconte ses rêves à Monsieur, celui-ci en conçoit un certain agacement, qui se transforme vite en jalousie. Il est fortement possible qu'elle le fasse un peu exprès, se servant de ses rêves pour ennuyer son compagnon un peu trop monotone. Alors quand un équipage de deux terriens débarque juste à côté de leur villa, Monsieur se fâche et leur règle leur compte. Ils n'ont pas d'importance. Le martien ne les envisage pas comme des êtres réels, ils sont le rêve de sa femme, rêve auquel il met fin. Les humains n'ont aucune valeur sur Mars !

  Dans une autre histoire, les terriens s'enhardissent. Ils sont un peu plus nombreux, ils débarquent à quatre ! Ces hommes sont ravis d'entrer en contact avec les habitants d'une petite ville, comme ceux-cis sont télépathes, la communication s'en trouvera facilitée, pensent-ils. Le moment est historique, il marque la rencontre de deux civilisations étrangères ! Et pourtant, encore une fois, les martiens ne peuvent pas envisager l'existence des terriens. Pour eux, ce sont des compatriotes victimes d'une hallucination grave, qui se prennent pour des étrangers ce qui est simplement inenvisageable. Cette illusion représente un grave danger pour la santé publique : on rappelle que les locaux sont télépathes. Ils sont certain que ces pauvres malades projettent leur délire sur eux. Ils les enferment dans un premier temps dans un hôpital psychiatrique. Hélas leur cas se révélant désespéré, le médecin décide de les tuer afin d'enrayer l'épidémie. Comme l'illusion ne disparaît pas avec leur décès, plutôt que de remettre en question son hypothèse de départ, le martien pense que cette folie hallucinatoire s'est emparée de lui. Se croyant perdu, il met fin à ses jours !
  L'histoire résumée en quelques lignes semble absurde ? Elle l'est effectivement et c'est cette absurdité poussée à son paroxysme qui fait le sel des chroniques martiennes. Encore une fois, les visiteurs, tout humain qu'ils soient, ne sont pas dépeints en tant que héros cosmiques, ils ne sont simplement pas imaginables sur Mars qui leur refuse toute existence !


  Je me souviens d'un autre récit qui se passe sur mars, mais je ne sais plus s'il fait partie des chroniques martiennes, pourtant il aurait pu y figurer. Un terrien tente de survivre après l'amarsissage catastrophique de sa fusée. Il pénètre dans une antique cité totalement déserte. Hélas pour lui, celle-ci se révèle hostile. Ses fontaines brûlent comme l'acide et la nourriture qui apparaît pourtant chaque jour dans une auge en pierre depuis sa venue, est immangeable, voire nocive. Désespéré, il s'endort pour ce qu'il pense être sa dernière nuit. Le lendemain, tout a changé : la ville est devenue un havre de paix. Ses fontaines le rafraîchissent et l'apaisent, tandis que l'auge contient une nourriture succulente et roborative ! Quel miracle, la cité a compris ce dont son hôte avait besoin ! Pas du tout : c'est l'humain qui s'est trouvé modifié. La description de l'auteur nous fait comprendre que sa transformation en fait à présent un être parfaitement adapté aux lieux et complètement inconscient de ce qui lui est arrivé. Une fois encore, Mars n'a pas permis au terrien de la conquérir, elle l'a assimilé.
Cette générosité dénote avec les autres nouvelles qui exécutent leurs visiteurs ! Pour cette raison, elle ne doit pas faire partie du recueil !

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