L'immeuble bleu
Je me souviens d’un grand immeuble bleu, peut-être de cinq ou six étages, plus large que haut. Mon grand-père maternel Guy, y habitait avec sa femme, je devais avoir cinq ans. Je ne pouvais pas être tellement plus âgé car nous avons déménagé par la suite à Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine en 1969, je devais avoir sept ans. Je doute que mon père nous ait emmenés en visite depuis Saint-Cloud, car, outre le fait qu’il détestait son beau-père, il a commencé à se faire plus rare, à la maison cette année-là.
Je me me souviens plus où se trouvait l'immeuble. Peut-être à Alfortville ? En tous cas dans le Val-de-Marne, en région parisienne.
En bas, se trouvait un square assez vaste. Ma sœur et moi adorions l’enclos des balançoires ! Il s’agissait de ces modèles à deux places, en métal, ressemblant à de petites gondoles un peu épaisses, peintes en vert bouteille. Je lançais la balançoire le plus fort possible, dans le secret espoir de faire un tour complet, ce qui n’est jamais arrivé heureusement. Ce fantasme n’avait d’intérêt que d’être espéré sans jamais être réalisé.
L’appartement situé au quatrième, offrait une belle vue sur les alentours, le square d’un côté et la ville de l’autre. Il était traversant, comme je l’apprendrais bien plus tard. Je n’avais pas ce type de vocabulaire à l’époque. La femme de mon grand-père s’appelait Germaine et nous l’appelions Mamie. Elle avait à peine cinquante-ans mais acceptait le titre et le rôle avec bienveillance. Je ne me souviens pas bien de ses marques d’affection. Elle nous en témoignait certainement car nous l’aimions tendrement et elle n’aurait pu nous inspirer de pareils sentiments si elle avait manqué de générosité.
Elle était d’un autre temps cependant. Elle entretenait un immense parquet ciré, sur lequel il ne fallait s’aventurer que munis de «patins». Pour les plus jeunes qui n’ont aucune idée de ce dont je parle, il s’agissait de rectangles de tissu épais, aux coins arrondis, qui servaient à lustrer les parquets. Il suffisait de marcher avec. Et nous ne nous privions pas de les transformer en patins à glace improvisés. Un chaton jouait avec un bouchon attaché à une corde. Enfants et chatons avaient des jeux simples en ce temps là ! La pauvre mamie devait mourir deux ans plus tard. J’ai un souvenir de moi pleurant dans la cour de récréation. Ce fut mon premier deuil, cuisant. Son absence eut un effet dévastateur sur mon grand-père qui sans ce repère, sombra peu à peu dans l’alcool, d’autant plus, qu’il se sentait coupable car il l’avait incitée à ne pas consulter un an plus tôt quand après une chute, elle s’était violemment cogné la tête et ma mère pensait qu’elle était morte de cela. Quoiqu’il en soit, je garde un beau souvenir du l’immeuble bleu et de cette mamie partie si tôt.
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