« Bien, bien. Un peu patraque ce matin, mais que veux-tu, c’est la vie ! Va falloir que je m’y habitue, ça va pas aller en s’arrangeant. Le docteur me donne plus que quelques mois et ce sera pas quelques mois en pleine forme. Mais sinon ça va. J’ai été viré mais au moins ça me laisse du temps libre. Je peux enfin faire les mots fléchés du journal et regarder par ma fenêtre. Évidemment depuis qu’ils ont construit un nouvel immeuble à 1m du mien, la vue n’est pas terrible. Après, tu sais, j’ai l’habitude : quand mon père m’enfermait à la cave pendant des heures, y avait pas grand-chose à voir non plus. Ça me dérangeait pas trop. Ce qui me dérangeait vraiment, c’est quand il venait me voir et qu’il me violait. De toute façon, je parle plus à ma famille : personne m’a jamais cru et je supportais plus de voir la gueule de mon père. C’est pas grave, j’ai rencontré de nouvelles personnes. J’ai même failli être père à mon tour mais ma copine a eu un accident de voiture : elle est morte avant d’accoucher. C’est pour ça que je vis seul. Ça me plait bien même si c’est plus compliqué avec la maladie. Quand je tombe, y a personne pour me relever. Avant, j’avais mon chat. Alors, bien sûr, il m’était pas d’un grand secours mais ça me faisait une petite compagnie. Hier, il est sorti sans que je le voie. Je l’ai retrouvé écrasé sur la route. Et toi ?

— Euh… Moi, ça va. »