Carambolage
Je me souviens parfaitement de ce jour-là. Ma tête fourmille sous les détails mais l’image globale est assez floue. Quand j’y repense, c’est la peur et les lumières criardes qui m’assaillent ; la chronologie exacte m’échappe.
Je sais bien comment ça a commencé. J’avais un peu bu, je riais, Mickaël aussi. Nous étions collés l’un contre l’autre, j’ai écrasé la pédale et nous avons filé. La vitesse nous grisait, nous nous sentions forts. Enfin. Tout était possible. Il n’y avait plus de quoi s’inquiéter : quoi que nous voulions, nous pourrions l’obtenir. Ses éclats de rire se perdaient dans la mare de sons qui nous entourait et peu à peu je l’oubliai.
J’étais là, les mains coagulant sur le volant, et j’aimais ça, être moi. Je sentais mon corps sur le siège, massif, prêt à exploser. J’avais envie de le confronter au reste du monde, de montrer de quoi j’étais capable. L’excitation prenait toute la place, elle guidait mes yeux dans une course frénétique : je fixai une à une chaque voiture avant d’arrêter mon regard sur l’une d’entre elles. Petite, d’un bleu nuit étincelant, elle m’appelait.
J’accélérai. Ligne droite vers elle, mes roues parallèles aux siennes. Mon pare-choc contre le sien, nous nous sommes enfin rencontré·e·s. La violence du choc me projeta loin d’elle. Je repartis en sens inverse. La partie d’auto-tamponneuses ne faisait que commencer.
Annotations
Versions