Chapitre 4

6 minutes de lecture

Akos avait dans l’idée de trouver quelqu’un qui pourrait accéder aux dossiers de la Sécurité Intérieure. Évidemment, c’était plus facile à dire qu’à faire. Cependant, rien n’était impossible. Il regarda sa montre : il était encore temps. Il repéra un buraliste à l’angle de la rue et pressa le pas pour s’y rendre.

La fille qui tenait la caisse le regarda en biais lorsqu’il lui tendit un communicateur jetable qu’il avait attrapé dans le rayon le moins en vue de la boutique. L’objet était parfaitement légal mais il était admis que seules les personnes ayant des activités peu recommandables les utilisassent.

« Cela fera 5 dols, s’il vous plaît. »

Akos lui tendit un billet et aussitôt celui-ci encaissé, il ouvrit l’emballage pour se munir du dispositif.

« Il n’y a pas de garantie sur ces appareils. » se sentit obligée de préciser la fille, croyant qu’il testait le bon fonctionnement de l’objet.

Akos tourna la tête vers elle et haussa les épaules. Le visage de la vendeuse s’empourpra :

« C’était au cas où vous ne sauriez pas, rien de plus ! » tenta-t-elle de se défendre.

Akos secoua la tête et ouvrit la communication :

« Vous êtes bien au salon de massage l’Évasion Corporelle, notre établissement est ouvert de 10h à midi et de 15h à 21h, pour toute demande particulière, merci de nous laisser un message après le bip sonore… »

Akos secoua la tête.

« Salut Lys, j’aurais besoin de tes services rapidement. Tu peux utiliser le protocole habituel. Merci. »

Il coupa la communication. La vendeuse, qui avait continué à l’observer, ne cacha pas sa surprise quant à la brièveté du message. Bien que sa curiosité lui eût commandé de poser des questions, elle s’abstint, en laissant transparaître tout ce qui s’était passé dans sa tête par sa main qui vint se placer devant ses lèvres. Akos, qui avait continué de la surveiller d’un œil, secoua de nouveau la tête avec un air plein de reproches puis sortit de la boutique.

*

La réponse de Lys allait intervenir d’ici une demi-heure. Il n’avait aucune idée de comment. C’était pour cette raison qu’elle aimait demander ironiquement à ses clients de parler du protocole habituel. Les années passaient, mais Lys était toujours une gosse de ce point de vue-là. Akos ne savait pas à quoi elle ressemblait, il ne savait pas non plus s’il s’agissait réellement d’une femme. Des petits indices l’avaient poussé à le supposer. Outre le fait qu’elle se fît appeler Lys, au fil des échanges qu’il avait pu tenir soit par messages textuels ou bien au travers d’une conversation cryptée par communicateurs interposés, quelques réflexions l’avaient trahie ou bien alors était-ce joué et habilement suggéré ?

Lys était l’atout informatique dans le jeu d’Akos. Une sorte de petit génie qui avait mal tourné. Elle pouvait pirater à peu près tout et n’importe quoi du moment que le système était raccordé au réseau global et surtout, elle était capable de trouver une information noyée dans l’océan. Pour la rémunérer, Akos pouvait lui verser de l’argent mais c’était rare et dans ce genre de cas, Lys adaptait ses tarifs. La plupart du temps, le deal était que Lys pouvait disposer à sa convenance des données du système piraté. Aussi étrange que cela puisse paraître, Akos avait une confiance totale en Lys quant à ce qu’elle pouvait en faire. Même si elle pouvait monnayer beaucoup de choses, il savait qu’elle avait une certaine éthique. Ils avaient beaucoup échangé à propos de ses activités et de jusqu’où elle était prête à aller. Cela datait du temps où leurs routes s’étaient numériquement croisées et où Akos, malgré ses lacunes en informatique, l’avait pratiquement attrapée. En tout cas, jamais personne n’avait été si proche de le faire. Lys avait donc trouvé plus utile de devancer les choses en entrant en contact avec lui pour négocier. Akos était à l’époque un peu idéaliste mais il n’avait pas fallu le travailler longtemps pour qu’il comprenne que Lys pouvait lui être plus utile dehors qu’en prison. Il suffisait de faire un compromis sur la notion du légal versus moral et le deal était passé. Depuis, ni elle, ni lui n’avait trouvé de raison pour le remettre en cause.

*

Akos retourna au bureau. Il voulait étudier quelques pistes. Forcément un gars dans le genre de la victime n’était pas de la région. S’il n’était pas venu dans cette ville clandestinement ou s’il n’était pas apparu ici par magie, il devait bien avoir fait l’objet d’un signalement à l’immigration par l’intermédiaire des douanes. À peine s’était-il connecté à la base qu’il reçut un appel audio d’Ely.

« T’as quelque chose pour moi, El ?

— Houlà, direct comme ça : droit au but ! J’espère pour cette chère Ely que c’est dans tous les domaines comme ça !

— Arrête de dire des inepties, Lys. Et d’abord comment t’as fait pour appeler en prenant l’identité d’Ely ?

— Je voulais m’amuser un peu et je voulais voir aussi si le système de sécurité de la police avait progressé. Même pas. Moins de dix minutes et encore, j’en ai passé trois à regarder dans tes échanges électroniques ce qui pouvait motiver ton appel. Mais je n’ai rien trouvé d’excitant. J’espère que tu ne me contactes pas pour me demander un rencard.

— Comme si c’était mon genre.

— Ah oui, désolé, ton genre c’est Eliya.

— De quoi tu parles ? Et de quoi tu te mêles enfin ?

— Oh désolé, c’était pour rire. Tu t’es levé du pied gauche ce matin ? »

Akos soupira. Lys était parfois exaspérante aussi.

« On peut retourner à l’essentiel, fit-il. Le temps c’est de l’argent pour toi, je me trompe ?

— Si Monsieur sort les grands arguments… Je t’écoute.

— T’es sûre de la ligne ?

— Oui, Monsieur, autant que je sais aussi que personne n’écoute à la porte de ton bureau et qu’il ne semble pas y avoir de mouchard dans les parages non plus.

— Je suis sur une nouvelle affaire depuis ce matin.

— L’homme mort dans l’hôtel Paradisio ?

— Oui. Comment tu sais ça ?

— Je ne le savais pas, je suis juste en train de lire les transcriptions de tes collègues. Ils bavardent plus que toi et oublient que leurs conversations sont enregistrées. Euh… Il a l’air bizarre ton bonhomme.

— Oui, c’est un Druide.

— Un Druide ? Comme ceux des livres d’Histoire ?

— Ouais, je suis étonné que cela te surprenne. Toi qui sais toujours tout sur tout.

— Toute information connue ne l’est pas avant qu’elle ne vienne à tes oreilles. Je fais dans le renseignement, pas dans la divination.

— Il paraît que la Sécurité Nationale avait un œil sur le bonhomme.

— Et tu voudrais que je mette mon nez dans leurs dossiers ?

— T’as tout compris.

— Hum…

— Quoi, ça ne t’intéresse pas ? Tu n’as pas d’accès aux données ?

— Non. J’étais en train de réfléchir à la valeur de tout ça.

— Vas-y mollo sur le prix !

— Ce que tu peux être naïf parfois. Je crois que je vais raser gratis cette fois-ci. Tu ne peux pas savoir ce qu’une information comme celle-ci peut valoir.

— Alors vas-y mollo sur la diffusion. J’aimerais mener mon enquête sans avoir le tintamarre médiatique attaché au train.

— Il va falloir que tu accélères car, fais-moi confiance, ce genre d’info va sortir. Il y a trop de gens au courant de l’affaire : trop d’agents et trop de témoins pour faire l’impasse sur le physique de ta victime. Je parierai sur le patron ou les employés de l’hôtel. L’appât du gain d’un bon papier dans la presse à sensation, ça aiguise les appétits. Bon, je te laisse. Je te recontacte d’ici la fin d’après-midi. Bye bye, mon chéri ! »

Akos aurait voulu rajouter un mot mais Lys avait raccroché. Il allait avoir ses informations mais il savait aussi désormais que le silence médiatique dont il jouissait à propos de l’affaire allait finir par tomber. C’était une question au mieux de jours et au pire de quelques dizaines d’heures.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire PelchMelba ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0