Chapitre 32
Les résultats du laboratoire sur le verre des fioles apportèrent beaucoup moins d’éléments que ce qu’Akos en avait espérés. L’analyse spectrométrique du verre en relevant l’abondance de potassium, magnésium, titane et strontium donnait une première indication et délimitait la zone géographique à tout ce qu’il y avait au-delà de l’Oural. Les signatures isotopiques de certains éléments étaient venues confirmer la première analyse. En revanche, les impuretés ne donnèrent aucune indication supplémentaire. Les choses furent un peu plus intéressantes lorsque le labo exploita l’air emprisonné dans quelques bulles du verre. Avec cela, il put affirmer que le verre comme la fiole du reste était le résultat d’une production récente.
« L’analyse de cet air l’a clairement montré. La présence de certains isotopes permet assurément de dire que ce verre n’a pas plus de trente ans. » avait affirmé le professeur Lattan, tout sourire.
Akos aurait préféré qu’il lui donne un lieu exact mais bon, c’était déjà mieux que rien. Il fit ensuite un saut chez Mason.
« Vous êtes en train d’installer cette Freya durablement chez nous ! s’était exclamé son supérieur devant sa nouvelle requête.
— Je suis surtout en train d’éviter un conflit dont vous n’avez même pas idée. » avait répondu Akos du tac-au-tac.
Il regarda l’heure et décida de repasser par le bureau d’Ely avant de partir. Il y trouva celle-ci seule, en train de ranger ses affaires.
« Elle est partie, il y a une demi-heure, lui dit Ely voyant qu’Akos regardait la place laissée vide.
— Je lui ai trouvé un bureau.
— Alléluia ! Merci ! Tu décolles ?
— D’ici un quart d’heure, vingt minutes, oui. Pourquoi ?
— Comme ça, pour rien. Non, ne t’inquiète pas, je ne vais pas te reproposer d’aller boire un verre ce soir ! Ton canapé est confortable mais je préfère mon lit. »
Akos sourit. Il réalisa qu’il n’avait jamais imaginé Ely comme une insomniaque, bien au contraire, il lui semblait beaucoup plus probable qu’elle soit du genre, grosse dormeuse. Peut-être se trompait-il.
« Pourquoi tu te marres ? l’interpela Ely en le tirant brutalement de son étrange questionnement.
— Non rien, je pensais à autre chose. À demain. »
Il tourna les talons et retourna dans son bureau.
*
Avant de rentrer chez lui, Akos fit un détour pour se prendre un plat à emporter. Son réfrigérateur était vide depuis le début de la semaine et quand bien même il ne l'aurait pas été, il n’avait pas envie de cuisiner. Pendant qu’il attendait sa commande, il repensa au fait qu’il n’avait toujours pas parlé avec Ely de ce qu’il avait expérimenté lorsqu’il avait mélangé le contenu des fioles du Druide. Il se demanda à quel moment, il serait opportun de le faire. Même si les choses avaient peiné à démarrer dans l’enquête, il y avait désormais de bonnes pistes à suivre et à privilégier, au moins temporairement et il fallait éviter d’ouvrir un nouveau front et s’éparpiller. Cette découverte après tout, n’était pas directement liée au meurtre. Certes les éléments avaient été retrouvés sur la scène de crime mais à première vue, c’était un peu comme si on avait trouvé la brosse à dent ou le tube de dentifrice du Druide. En tout cas, s’il devait investiguer davantage, il le ferait dans un second temps.
Puis il revint au scénario qu’avait tenté d’élaborer Ely en début d’après-midi. Il n’était pas délirant et même mieux, il avait l’avantage de remettre dans une même narration une bonne partie des éléments de l’enquête. Le seul reproche qu’il pouvait lui adresser, c’était qu’il ne respectait pas le principe de simplicité. Cela faisait partie des bases du travail d’enquête : ne pas agréger trop de faits entre eux. Mais au final, pouvait-on s’arranger pour avoir une lecture plus simple de l’affaire ? Akos n’y croyait pas vraiment. La fatigue se faisant sentir, il rentra chez lui, avala son repas et se coucha dans la foulée.
*
Le lendemain matin, il eut la surprise d’être réveillé aux aurores par la livraison impromptue d’un communicateur jetable par un coursier. En revanche, il ne fut guère étonné de l’appel qui s’en suivit.
« La maison ne se refuse rien, Lys.
— Que veux-tu ? Les affaires tournent bien alors je peux bien faire des petites folies. Et puis, je n’allais pas te refaire le coup de la doublure. Il est éculé et de plus, l’envoyer chez toi : j’aurais trop peur de ce qui pourrait arriver.
— Tu t’es décidé ? Tu vas m’aider ? demanda Akos en ignorant totalement sa dernière remarque.
— Ok, même du matin, tu ne changes pas. Pas de fioriture. Mais bref, oui. Je vais te filer un coup de main. J’ai effectué quelques recherches hier et j’ai trouvé une dizaine de manières de me rembourser et me faire un bénéfice substantiel pendant l’opération. J’ai préféré prendre quelques précautions car je me doute bien qu’une fois que le système sera mis au jour, notre législateur aura à cœur de neutraliser la brèche, histoire de redevenir aux yeux du public, la blanche colombe qu’il n’est pas. Cela dit, je te préviens, cette fois-ci, c’est une grosse production avec acteurs, figurants et effets spéciaux. J’ai été surprise du dispositif mis en place dans cet Institut pour gérer les transactions. Je m’attendais d’abord à ce qu’il ne gère rien et que tout passe par la plateforme du ministère. Cela aurait déjà été un petit défi, car cette dernière est déjà bien sécurisée. La faiblesse est toujours la même : un grand nombre d’opérateurs humains et donc, t’as à ta disposition un vrai catalogue où tu peux choisir ton gagnant. Mais là, que nenni ! Tout est fait à la maison et cerise sur le gâteau, une partie du système est hors ligne. On croirait presque qu’ils gèrent des bombes ou des choses comme ça. J’ai même cru qu’ils étaient allés jusqu’à stocker leur registre uniquement sur du papier. J’en ai eu des sueurs froides. Imagine, obligé de numériser chaque page ! Cela m’aurait demandé un budget pharaonique en main d’œuvre. Heureusement qu’un petit retraité m’a confié qu’il existait une double saisie sur support numérique. Tu vas me dire que le hors ligne de toute manière m’impose la main d’œuvre et je te dis : oui ! Mais entre copier un fichier et photographier je ne sais combien de pages, ce n’est pas vraiment la même.
— Tu as besoin d’un coup de main ?
— Pourquoi me demandes-tu cela ?
— Si j’ai bien saisi, tu dis que tu vas avoir besoin de vraies personnes, pour faire des choses dans la vraie vie, donc je me disais que je pouvais avoir une utilité pour une fois.
— Non merci, ce serait contre-productif. Le but à la base, je te rappelle, c’est qu’on ne fasse à aucun moment le lien entre toi et ce que je vais organiser. Donc… Mais c’est gentil de reconnaître que tu ne sers à rien. J’adore les gens humbles. Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours l’impression que ça rééquilibre les choses. Va comprendre !
— Cela va te prendre combien de temps ? Tu as une idée ?
— Hum. Je n’y ai pas trop réfléchi mais attends que je calcule… Je pense que demain au plus tard, ça devrait être bon.
— Tu rigoles ?
— Pas du tout, Chéri. En vrai, j’avais déjà pris ma décision hier. J’ai donc eu le temps de préparer mon opération.
— Cela m’étonne que tu ne te sois jamais fait recruter par une agence de renseignements.
— Pour cela, il faudrait qu’ils me connaissent. Mais je ne suis pas du genre à laisser des traces. Ce n’est pas ma tasse de thé et ça n’aurait aucun sens vu ce qu’on me demande la majorité du temps.
— Cela pourrait fuiter par un de tes clients.
— Cela pourrait. Mais aucun n’y aurait d’intérêt. Je ne travaille jamais sans garantie.
— Tu as d’autres choses ? Je dois filer au bureau.
— Bah vas-y, dis que je te saoule aussi. Mais sinon, non j’ai fini. Hasta la vista, baby ! Tu peux aller rejoindre ton amoureuse ! »
Lys était aussi pénible qu’elle était douée. Peut-être était-elle différente enfant mais si ce n’était pas le cas, ils avaient du en voir des vertes et des pas mûres avec elle.
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