Chapitre 3
Math reprit conscience alors qu’il sombrait toujours plus profondément, bercé par le grondement sourd de l’océan dans lequel il était immergé. Il était seul et l’abime se prolongeait à perte de vue, masse uniforme d’eau trop profonde pour laisser entrevoir un fond marin.
Le même rêve… l’homme nagea avec une certaine assurance jusqu’à ce qui lui apparaissait être la surface : une sorte de paroi de verre munie d’un trou. Math sortit de l’eau en prenant appui sur la paroi puis avança droit devant lui, sans hésiter.
Le ciel dénué de soleil diffusait une lueur blanche, l'homme marchait inlassablement.
Après un certain temps, un lit apparu à l’horizon.
Il s’y installa, se mit en boule, et ferma les yeux.
La réalité vint le frapper de plein fouet alors qu’il se réveillait en sursaut dans cette petite chambre d’hôtel qu’il avait loué pour quelque temps. Il lui fallut un bon moment pour recouvrer l’usage de ses sens.
Math s’assit sur son lit, tentant de faire le tri entre toutes les données qui parvenaient à son cerveau.
Il faisait nuit, l’air était humide et chaud, une température d’environs 27°C si il ne s’abusait pas.
Il était le seul occupant de cet hôtel avec le patron et un camé qui devait certainement être au pays des fées en ce moment à en juger par l’odeur d’héroïne dans l’ai
L’ancien sportif fronça les sourcils alors que les informations se mélangeaient dans son esprit, formant une chorale de petites voix nasillardes. Il prit sa tête dans ses mains : il ne devait pas se laisser submerger, il fallait se concentrer sur ce qui l’intéressait ! Son corps. Gardant cette idée a l’esprit, l’homme fit taire une à une les petites voix, ne gardant que celles pour lesquelles il portait de l’intérêt.
Son volume musculaire avait augmenté de 3.2%, ses capacités pulmonaires et cardiaques de 30%, son système nerveux avait été optimisé de 15% et surtout. Surtout : cette saloperie de maladie qui l’avait cloué dans un fauteuil avait été purgée entièrement. Jusqu’à la dernière cellule défectueuse.
Il était puissant, il était endurant, il était libre.
Math se sentait bien.
Il avait envie de sortir de sa chambre miteuse, de mettre à l’épreuve ce corps, de courir aussi loin qu’il pouvait. Il voulait se sentir vivant.
Une nouvelle vie allait s’offrir à lui, une vie de défi, de conquêtes.
Comment mieux la commencer qu’en détruisant les ultimes vestiges de la parodie d’être humain qu’il était ? La voiture.
Après avoir réunis quelques affaires, Mathew sortit de l’hôtel.
Il ne faisait jamais vraiment nuit à San Fransisco : le ciel était uniformément coloré d’une teinte orange sombre due à la pollution lumineuse. On pouvait entendre çà et là des sirènes de police ou des alarmes de voiture. Paradoxalement, la crise de 2023 et l’appauvrissement qu’elle avait amené avait rendu ces quartiers plus actifs que jamais. Les classes pauvres cherchant désespérément à s’évader d’une réalité qui semble les haïr, un nouvel âge d’or avait commencé pour le trafic de drogue.
Sans faire attention aux guetteurs stationnés au coin de la rue, Math se dirigea d’un pas assuré vers le garage où il avait caché sa camaro.
Le garage fut en vue après quelques minutes, Mathew la gara sur le côté de la route et entreprit de vider tout ce qu’il lui restait de sa précédente vie dans la boite a gant: passeport, carte d’identité, photos…
« Hé mon gars, qu’est-ce que tu fous donc ? »
L’homme se retourna pour faire face à l’intrus : vu le tatouage qu’il arborait fièrement sur le visage, l’ample sweater violet qu’il portait et le pistolet qu’il tenait à la main, il devait être membre d’un gang.
Math serra les dents
- « Rien qui t’intéresse, fais-moi de l’air »
Comment ce vulgaire pourceau pouvait il oser espérer voler sa voiture ?? Songea-t-il alors que la colère l’emplissait de plus en plus vite. Il pensait peut être que ses couleurs et son arme suffirait à l’intimider…Il n’en était rien ! Sale …sale humain bouffi d’orgueil ! Matthew avait envie de jeter le plus loin possible son pathétique joujou de fer blanc. De le frapper à s’en briser les poings, jusqu’à ce qu’il arrête de bouger, de s’agiter à la surface de cette terre pour toujours.
Pendant ce temps le voyou s’était avancé jusqu’à ce que les deux hommes se retrouvent face à face.
- « Pardon ? Qu’est-ce que tu viens de dire j’ai pas bien compris ? »
Il commit l’erreur de pointer son arme vers Math.
Un coup de feu retentit.
Tout se passa très vite.
En un éclair Math avait écarté puis brisé le bras du gangster. Il le tenait à présent par le col, le soulevant 10 cm au-dessus du sol.
L’homme hurlait, tant à cause de la douleur que de la terreur que lui inspirait son adversaire.
Sans prendre le temps d’écouter l’agaçant babillage du voyou, Math le projeta du plus fort qu’il put contre le mur a l’opposé de la rue, l’homme le percuta dans un bruit sourd, puis la nuit redevint silencieuse.
Après avoir siphonné sa camaro, l’ancien sportif l’aspergea d’essence. Grattant une allumette, il mit le feu à la voiture puis s'assit à côté du corps du voyou, et profita du spectacle qu’offrait la dance des flammes dans l’air. La colère était retombée. Une telle conduite n'était pas dans ses habitudes...
La chaleur devenant difficilement supportable, l’homme se leva et quitta la rue sans même jeter un regard à la silhouette qui gisait brisée sur le trottoir et à la mare de sang qui se formait autour d’elle. Un flot incessant de sentiments contradictoires avait rendu Mathew aveugle à tout élément extérieur.
Il avait beau songer, sonder, examiner, il n'éprouvait pas la moindre culpabilité pour ce qu'il avait fait, pas plus qu'il ne ressentait d'empathie à l'égard du voyou et du sort qui lui était réservé. De cela, Math était certain.
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