Chapitre 7
Tout se mit subitement à tourner. Chaque meuble, chaque objet se tenait prêt bondir les uns sur ses voisins, à les déchiqueter. La cacophonie avait repris de plus belle : des voix d’une clarté inhumaine débattaient à grand cris, perforant son crane à chaque explosion de voix. La salle de bain entière s’était tout d’un coup animée d’une vie grotesque et aveugle.
Math rampa jusqu’à la sortie. Sortir de cet enfer. Les gouttes qui tombaient unes à une dans la baignoire sonnaient comme des coups de feu à ces oreilles. Il avait froid. Et à chaque centimètre parcourus : ces horribles membres de métal.
C’était trop. Il fallait trouver de l’aide. Steve ! Il devait bien trainer quelque part. Matthew hurla le nom de son infirmier sans pouvoir entendre sa propre voix. Sans comprendre pourquoi il n’avait pas de réponse. Il aurait dû être là. Il était toujours là…
Steve n’était plus aux côtés de Math depuis longtemps.
Il n’avait plus rien. Il était seul.
Le sol était froid.
Math n’entendit pas Julia tomber de son fauteuil. Pas plus qu’il n’entendit les fusils cracher dehors. Il avait besoin d’aide… il irait jusqu’à l’hôpital. Après une éternité, Math sentit soudainement le contact de la moquette poussiéreuse sur ses mains. Le couloir. Les cris cédèrent alors la place aux chuchotis
« Ta faute. »
« Arrête-toi. »
« Meurt. »
« Vas-tu finir par mourir ? Fait toi un cadeau pour une fois. »
Etait-ce la fin ? Chaque picotement dans ses bras était une aiguille plantée en lui. Suffisait-il d’écouter les voix ? Poser la tête contre le sol et mourir. Ca paraissait tellement simple
Non pensa John. Pas mourir, mais se battre. Les retrouver, leur faire payer, les tuer. Les mettre en pi..
Deux bras enlacèrent alors l’ancien sportif professionnel. Les créatures s’endormirent une à une alors qu’il se sentait soulevé du sol. On calla sa tête contre quelque chose de mou alors que la vue lui revenait peu à peu.
« Tout va bien se passer John. Je suis là. Je te jure que tout va bien se passer, mais c’est clairement pas le moment de sortir. » Cette voix. C’était Myra ?
Matthew distingua alors les traits de Julia. Elle était assise contre le mur du couloir, et le tenait dans ses bras. Les coups de feu ne retentissaient plus dehors. La terre même semblait retenir son souffle.
Elle approcha doucement sa main de son avant-bras gauche. Le premier réflexe de John fut de retirer vivement la main. Mais elle ne semblait pas bien menaçante, elle parcouru les veines de liquide bleuté du bout du doigt.
« Les docteurs du coins feront rien pour toi. Je peux t’aider à arranger ça »
L’aider ? Cette fille avait tellement d’espoir que John manquât de rire. Ou alors elle allait le vendre à la première occasion. Il fallait partir. Partir vite, en s’assurant une longueur d’avance suffisante sur qui le poursuivrait.
La jeune femme tourna subitement la tête et regarda l’homme droit dans les yeux.
« J’ai dit que je t’aiderai, je t’ai pas franchement demandé ton avis »
Etait-ce quelque chose dans son regard ? Le fait est que John se relâcha. Enfin, une amie.
Pour la première fois depuis des années, Math pleura.
Julia ne dit rien. Elle se contenta de bercer l’ancien sportif dans ses bras, entonnant une douce mélopée. Après un certain temps, les sanglots cessèrent. La respiration de l’homme redevint régulière, et il finit par s’endormir.
La jeune femme porta sans difficulté son invité vers la chambre et le déposa avec précaution sur le lit. Elle ramassa la tasse qu’elle avait fait tomber dans sa course, puis s’assit sur le plan de travail sans quitter Matthew des yeux.
Il avait l’air tellement serein. Dormir devait être un genre d’évasion pour lui... Julia resserra le bandage qui entourait sa cuisse droite. Malgré la souffrance évidente de l’homme qu’elle avait accueilli, elle ne pouvait réprimer cette joie qui grandissait en elle.
Ca évolué si vite en trois jours. Il devait avoir pris de ce truc bizarre. La jeune femme contint un tremblement à la pensée de la sacoche noire qu’elle gardait sous clé dans la cuisine.
La tâche ne sera pas simple, mais ça faisait trop longtemps qu’elle attendait une telle occasion.
Il pleuvait toujours dehors. Les chasseurs fêtaient leur victoire. Les traits tendus, Julia se leva et traversa le couloir. La porte de son appartement était bien constamment fermée, mais on n’était jamais trop prudent. Elle alluma donc l’écran intégré à la porte.
- Bonsoir Mademoiselle Sanchez. Vous n’avez souscrit à aucun abonnement récemment. Souhaitez-vous souscrire à l’une de nos offres ?
- Formule titane, durée de 24h
La jeune femme procéda au scan rétinien d’usage. L’écran se teinta de vert. La transaction avait été effectuée avec succès.
- Une équipe veillera à votre sécurité durant la durée de votre abonnement, merci de ne pas sortir de la zone d’action de ReX Corp.
Julia retourna dans la chambre en grimaçant, tout ça allait lui couter un bras. Attrapant une couverture au passage, elle s’effondra dans le fauteuil qu’elle avait installé à côté du lit. L’étranger ronflait doucement.
C’était étrange d’avoir quelqu’un sur qui veiller tout d’un coup.
La jeune femme se laissa bercer par l’assaut des gouttes de pluie sur la fenêtre de la chambre.
- Bonne nuit l’enfant perdu
Elle bailla, puis tourna le dos à Matthew
- Demain, on tache de trouver une solution.
Annotations