Chapitre 8
Math s’était réveillé seul dans l’appartement. Il pleuvait toujours dehors et une étrange odeur flottait dans l’air. Une quinzaine de minute s’écoula avant qu’il se décide à poser le regard sur ses bras tremblants.
A y regarder de plus près : des sortes de minuscules plaques métalliques semblaient constituer la majeure partie de ces membres. Contenant difficilement un haut le cœur, l’ancien sportif détourna le regard.
Il s’assit en tremblant dans le fauteuil situé à côté du lit. Les larmes lui vinrent aux yeux. Il avait fallu qu’on lui coupe les bras.
Depuis quand on trafiquait des bras au juste ? Pourquoi prendre la peine de lui installer des prothèses ? Pourquoi il fallait qu’un taré passe par là au moment où il était inconscient ??
Ou alors c’était cette fille. Tout se clarifia.
Il baissa lentement les yeux vers sa main droite. Combien de camés avaient dû se faire amputer à cause des drogues qu’ils s’injectaient ? C’était ça le fameux cadeau de San ?!
Il avait troqué ses mains contre une malheureuse paire de jambes. Math envoya voler le fauteuil à travers la pièce.
Quel foutu abruti. Egoïste, aveugle. Une merde.
Math se détestait. Il voulait arracher ses prothèses et les balancer par la fenêtre. Il chercha fébrilement la jonction du métal avec la chair. Il devait bien y avoir un moyen de les retirer.
Après plusieurs minutes de labeur et de multiples coupures il dut se rendre à l’évidence : Il n’y avait pas de moyen de les retirer. Le métal venait épouser la chair avec une continuité parfaite juste au-dessus du coude. Au-dessus du coude ??? Math agrandit les yeux devant l’articulation métallique. On lui avait coupé les bras si haut ? Pourtant la veille… Non.
Il n’y avait rien à tirer de quelques instants passés en état de choc. Cette jeune fille avait dit qu’elle lui répondrait quand elle rentrerait. Ne restait qu’à attendre.
Sa vie n’avait pas tant changé que ça finalement.
La colère se glaça subitement.
John redressa le fauteuil et se rassit. Il fit jouer ses mains pendant un long moment. S’émerveillant de leur réponse parfait à ses pensées. De la sensibilité des capteurs qui quadrillaient l’intérieur de ses mains. Tout était identique à des bras humains, à part leur atroce aspect.
Math avait l’impression d’avoir échangé ses mains avec la mort.
Il devait bien y avoir un moyen de rendre service à cette femme. L’ancien athlète cherchait quelque chose à faire quand son ventre lui rappela qu’il n’avait pas eu de vrai repas depuis 3 jours.
Matthew trouva la cuisine au bout du couloir. Elle n’avait rien à voir avec ce à quoi Math avait été habitué : La pièce ne contenait qu’une commode faisant face à une simple table en bois. Une cuisinière à l’aspect antique trainait dans un coin. L’homme resta debout face à l’entrée. La commode et la cuisinière étaient couvertes d’une épaisse couche de poussière. Comment cette fille se faisait elle à manger ? Une mélodie l’arracha instantanément à ses pensées.
- Bonjours résident. Système de distribution alimentaire opérationnel. Si vous souhaitez commander prononcez 1. Si vous souhaitez connaitre le menu prononcez 2. Si vous souhaitez que le système de distribution alimentaire se mette en veille prononcez 3.
Qu’est-ce que c’était que ce truc ? On aurait dit une sorte de distributeur automatique. Math s’approcha timidement
- Euh… 2 ?
- Ce matin nous proposons : Café, Thé, Lait noisette, Lait, Œufs brouillés, Saucisse, Bacon, Hashbrown, Pancake, Céréales, Porridge, Eau.
C’était bien un distributeur
- Un Café
- Très bien, le prix de votre consommation sera ajouté à votre loyer mensuel. Merci d’avoir choisi les services de distribution alimentaire. Bonne dégustation.
La commode vibra, grinça et bipa, puis un verre de café sortit par un trou dans la partie supérieure de la machine.
Le truc qui en sortit n’avait rien à voir avec du café. Ça en avait vaguement le gout bien sur… mais il s’agissait plus d’une eau aromatisée au café qu’autre chose. Au moins c’était quelque chose de chaud.
Math bu une nouvelle gorgée, fronçant les sourcils à la venue du puissant arrière-gout de caoutchouc. Différentes photos de plats accompagnées de prix défilaient en permanence sur l’écran du petit distributeur. Si le reste des plats étaient préparés de la même manière que le café cette fille devait avoir une pauvre vie…
L’ancien athlète s’approcha de la cuisinière à bois. Constituée principalement d’acier, elle n’avait pas l’air d’avoir servi beaucoup. Le foyer n’était pas si sale et les plaques de fontes étaient intactes.
Math sourit pour la première fois depuis longtemps. Il finit son café d’une traite et posa le gobelet vide sur la table avant de se diriger vers la chambre.
Il y retrouva son vieux sweater et, après une courte fouille de l’appartement, il finit par trouver des sortes de gants de jardins noirs. En tout cas, ça ressemblait fortement aux gants en tissus synthétique que portait son jardinier quand il désherbait.
L’ancien sportif ferma les yeux. Il enfila ses gants le plus vite possible en tentant d’ignorer les cliquetis de ses mains métalliques, puis remit son sweat.
Matthew rouvrit les yeux avec appréhension et regarda ses bras. Contre toute attente, ils avaient l’air parfaitement normaux. Il pouvait sentir le contact de son pull limé par le temps contre ses prothèses. Comme si rien n’avait changé...
L’ancien sportif attrapa le stylo qui trainait sur la planche de travail et écrivit « Parti courir, je reviens dans la journée » sur un bout de papier puis se dirigea à grand pas vers l’entrée. Il remit ses vieilles baskets, respira un grand coup, et attrapa la poignée.
C’était fermé.
S’énervant de plus en plus il tenta de tourner la poignée plusieurs fois, sans succès. Un logo coloré apparu alors sur la porte.
- « Bonjour résident, vous semblez vouloir quitter votre résidence, veuillez préciser votre durée de sortie et le motif de votre sortie »
Math regarda l’écran avec de grands yeux.
- « …Quoi ? »
- « Vous n’êtes pas madame Sanchez. En utilisant les services Rex Corp vous acceptez que ce dispositif résidentiel recueille des informations afin d’améliorer les services Rex Corps. Acceptez-vous ces conditions d’utilisations ? »
Un immense pavé de texte apparu à l’écran. C’était la première page du dossier de 180 pages qui définissait les conditions d’utilisations dont parlait la porte.
- « Je dois accepter vos conditions pour sortir ?? »
- « Vous n’êtes pas madame Sanchez. En utilisant les services Rex Co… »
- « J’accepte ! »
- « Veuillez décliner votre identité et procéder à une photo d’usage, la photo se déclenchera 3 secondes après l’enregistrement de votre identité »
Une photo d’identité… qu’est-ce que c’était que ce délire ?
L’ancien athlète se souvenait avoir vu un vieux magazine trainer dans la chambre. Il alla le chercher et le mit devant la caméra. Le modèle qui faisait la première page lui excusera bien cet emprunt d’identité.
- « John Wisp, 33 ans »
Un flash, et la photo du modèle apparu à l’écran.
- « John Wisp, veuillez préciser le motif de votre sortie et votre durée de sortie »
- « Heu…séance de jogging, deux heures »
- « Appréciez votre sortie. Merci d’avoir choisi les services Rex Corp »
La porte s’ouvrit sur un long couloir. Matthew piétina devant la porte quelques instants. Il chercha instinctivement sa petite sacoche noire dans la poche de son sweater. Evidemment elle n’était pas là. Rien dans ses poches non plus. Il regarda derrière lui. Peut-être que ça pourrait l’aider pour apr… NON
Il fixa le symbole de lance bleu dessiné sur le dos de ses gants en respirant lentement. Le Meck c’était fini.
Les mains dans les poches de son jean, l’ancien athlète s’engouffra dans les couloirs sombres du bâtiment.
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