Elle
Je pue. Des relents d’alcool et une odeur qui n’est pas la mienne, qui n’est pas la tienne. Je me suis trouvée nue et à côté, ce n’était pas toi. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre, tu sais ? Oh non. J’ai encore dans le coin de l’œil son regard amoureux et sa queue pendante.
Je me suis levée vêtue de mes cheveux. Tu dis toujours que mes cheveux sont le seul habit dont j’ai besoin. Je me suis levée et j’ai laissé mon corps drapé de mon mépris. Tu aurais adoré. Il était dans ces mots que je ne disais pas, ce regard que je n’accordais pas, dans la lenteur de mes pas jusqu’à la pointe de mes seins. Tu aurais souri. Tu aurais brisé cela en attrapant mon bras, en me basculant sur toi, en m’embrassant pour me faire cesser cette comédie et me rappeler nos ébats. Si je m’étais réveillée avec ton odeur sur moi, oui j'aurais fait semblant de te mépriser et tu aurais vite percé le masque. Tu sais comme je mens mal.
Cette fois, je n’ai pas fait semblant. Je ne voulais qu’une chose : me laver de lui et de moi.
La douche n’était pas assez chaude. Ma peau pas assez rouge. J’ai frotté pourtant, que les souvenirs restent au loin au lieu de venir me faire chier de bon matin. Tu sais que je ne suis pas du matin. Mais il était là, partout. Dans mes gestes trop faibles, dans mes lèvres qui se détournaient, dans ces cris étouffés, ces coups de pieds avortés. Il était là encore, jusque dans mon corps qui tentait de se détourner.
Je t’ai rêvé, tu sais ? Tu étais là toi aussi. Je t’ai appelé si fort, tes mains, ton corps, tes lèvres, à sa place. Tu me manques. Tu me manques tant que j’en viens à douter. Me voilà à me demander pourquoi je l’ai laissé faire.
Je te vois venir, je vois presque ton visage qui se fige, tes sourcils prennent leur poste au-dessus d’un regard qui arrive à m’engueuler tout en s’inquiétant. Combien de fois j’ai pu le voir ce regard ? Celui qui me répétait que c’était un comble d’être si intelligente pour être aussi conne. Mais la vérité est que je me suis laissée faire. Même toi tu ne peux pas nier ça. Je n’aurais jamais dû me rendre si vulnérable. J’aurais pu me débattre plus. J’aurais pu être plus forte, tu sais comme je le suis, une lionne capable d’arracher les yeux de n’importe qui. Mais je n’ai rien fait, je l’ai même laissé entrer. Et il a suffi d’une image, celle d’un geste, un geste idiot, un geste qui te ressemblait.
Tu te souviens ? Tu aimais passer ton pouce sur le creux de ma gorge. Tu le posais là, juste entre les clavicules et tu appuyais en dessinant de petits cercles. Il a suffi de ce geste, moins long, moins appuyé que toi, mais tellement proche que tu es revenu à moi. Je n’avais plus qu’à fermer les yeux pour te voir, pour te toucher enfin. Il était là pourtant, trop souvent pour être dupe, alors je gardais mes yeux fermés, je détournais mes lèvres des siennes, je ne supportais pas sa barbe, je fuyais tout ce qui m’arrachait à tes bras.
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