Chez le marchand de journaux
Le petit carillon de la boutique retentit. Madame la quincaillière salua amicalement Monsieur le marchand de journaux qui était occupé à ranger des livres sur une étagère.
— Oh bonsoir, dit-il à sa cliente. Je vais chercher de suite votre revue.
— Prenez votre temps, je ne suis pas pressée. Mais c'est vrai qu'il me tarde de lire cet article. Chaque mois il y a plein de précieux conseils sur la mode. Je vends des articles de bricolage mais toujours avec style.
— C'est vrai que je dois vous complimenter pour vos tenues vestimentaires, vous êtes toujours à la pointe de la mode.
— C'est grâce à ce magazine. Et je fais tout moi-même, ajouta fièrement Madame la quincaillière. J'ai d'ailleurs promis de prêter ce numéro à Madame l'épicière quand je l'aurais terminé.
— Je vous tire mon chapeau, répond Monsieur le marchand de journaux admiratif. Je me demande où vous trouvez le temps de faire tout ça.
— Que voulez-vous, certains se passionnent pour les cartes, d'autres pour la couture.
— Pardon ?
Madame la quincaillière changea de sujet le plus rapidement possible.
— Oubliez ça. Vous savez ce que vient de me raconter Madame l'épicière sur les agissements de notre chère élue ? Elle blanchirait de l'argent sale, comme dans la série de Monsieur le barman.
— Oui j'en ai entendu parler. C'est un comptable qui travaille pour le compte d'un groupe de mafieux.
Madame la quincaillière ouvrit de grands yeux, outrée. Elle posa sa main sur son cœur.
— La mafia ? Dans notre village ?
— Ce n'est qu'une série télévisée...
— Oui vous avez raison, mais quand même... Oh et attendez, je ne vous ai pas tout dit. Il semblerait également qu'elle trompe Élisabeth avec Monsieur le facteur. Bon, j'avoue que j'ai été surprise lorsqu'elle est rentrée de voyage et qu'elle a annoncé être mariée avec une femme.
— Nous l'avons tous été. Mais les coups de foudre ça arrive vous savez.
— Bien sûr, bien sûr, je n'ai jamais dit le contraire. Je dis juste qu'on ne s'y attendait pas, c'est tout. Puis nous avons appris à connaître Élisabeth, qui n'est pas d'ici. Elle est adorable, toujours prête à rendre service. Vous savez qu'elle nous a proposé généreusement son aide pour la grande tombola de dimanche. Vraiment, elles forment un joli couple toutes les deux.
Monsieur le marchand de journaux réfléchit un instant en se caressant le menton.
— Dites-moi, vous ne la trouvez pas un peu trop gentille ?
— Que voulez-vous dire par là ?
— Tous ces excès de gentillesse ne cacheraient-ils pas quelque chose ?
— Peut-être, mais quoi donc ?
— Je ne sais pas encore. Au sujet de la tombola, Madame la coiffeuse m'a suggéré que je mette comme lot les meilleurs polars de tous les temps, je ne sais pas si c'est une bonne idée. Si vous voulez mon avis, elle devrait changer de lecture de temps en temps, ça ne lui ferait pas de mal.
— Adressez-vous à Madame la boulangère, c'est elle qui est en charge des prix à gagner. Et bien le bonjour à Madame la fleuriste quand vous la verrez ce soir.
— Quoi ? Qui vous a dit ça ?
— Euh... personne, bafouilla Madame la quincaillière. Au revoir bonne soirée.
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