Chapitre 13 : Apparences
Felipe était méconnaissable dans son T-shirt rouge, légèrement moulant, qui mettait en évidence une musculature dont il semblait être très fier. Lorsque Édith approcha du point de départ vers la praya do Barril, il lui adressa un simple “ Ola señora“ et quelques formules de courtoisies en espagnol sans pour autant quitter la file. Devant le visage perplexe de son amie, Édith lui murmura que les employeurs de Felipe n’appréciaient pas que leur personnel ait des relations avec les clientes et qu'il préférait ne pas attirer l’attention sur lui en public.
Au moment de l’embarquement, il ne restait plus de place dans le wagon où il s’était assis, mais Ingrid leur trouva une banquette dans le wagon suivant, ce qui lui permettait d’observer Felipe. Lorsque le train à vapeur s’ébranla, le vent s'infiltrant à travers les fenêtres béantes atténuant le bruit des conversations. En moins de dix minutes, le train aurait longé les dunes qui clôturaient la lagune et rejoignait la plage. Un temps qu'Ingrid mit à profit pour essayer de raisonner sa copine.
- Es-tu sûre de ce que tu fais, Édith ? Je comprends que tu aies pu te laisser séduire par son physique d’apollon, mais c’est un inconnu et la situation pourrait déraper, lui dit-elle d'un air soucieux.
- Ne t’inquiète pas maman, lui répondit Édith en riant. Mais si tu veux te rassurer, tu peux toujours nous accompagner.
- Non, non ! Tu ne m'auras pas. J'ai quand même pris le numéro de la police locale au cas où tu disparaîtrais...
- Oh ! Toi non plus, tu ne pourras pas me dissuader. Je lui ai dit que je voulais juste voir ce qui se passait dans les dunes et il m’a promis de me faire découvrir les coutumes de son pays.
- Coutumes, coutumes ! Cela ne concerne qu'une toute petite partie de la population locale. Et je comprends que ses patrons n'apprécient pas qu’il emmène les touristes dans un tel endroit. Si je n’étais pas avec toi maintenant, personne n’aurait pu deviner que vous aviez prévu cette … activité, ensemble.
- C’est justement parce que tu es au courant de notre escapade que je ne risque rien. C’était la même chose hier, quand tu es partie seule avec Arturo. En cas de disparition inquiétante, j’aurai pu signaler la dernière personne avec laquelle je t’avais vue.
Ingrid ne répondit pas, son amie avait raison et elle n’avait pas envie de reprendre la discussion qu’elle avait réussi à esquiver ce matin. Édith était rayonnante dans un paréo jaune qui illuminait son teint d’ébène et son sourire augmenta encore d’un cran lorsqu’elle comprit qu’elle avait eu le dernier mot. Un silence, rythmé par le bruit des roues sur les rails, s'installa jusqu’à ce que le train arrive à destination. Elles remirent toutes les deux leurs chapeaux de paille qui ne risquaient plus de s’envoler et avancèrent vers la plage. Felipe ne les avait pas non plus attendues à la sortie du train. Il s’était dirigé vers la droite, en direction de la praia do homen nu, avant de s’arrêter en voyant qu'Édith ne le suivait pas. Juste avant qu’elle ne le rejoigne, Ingrid saisit le bras de son amie.
- Je vais louer un parasol ici. Si tu changes d’avis, il y aura deux transats.
- Est-ce que j’ai une tête à changer d’avis ? Mais je te rejoindrai avec plaisir avant la fin de l’après-midi, Felipe doit prendre son service à dix-sept heures.
Le sourire d'Édith n'éclairait plus ses yeux, signe que les inquiétudes d'Ingrid commençaient à l'affecter. Pour se donner du courage, elle entama une petite danse, comme si un air de musique endiablée raisonnait dans sa tête puis, elle se dirigera vers son amant d'un pas rapide afin d’essayer de le rattraper. Comme à l'accoutumée, elle se tenait droite et fière, donnant l'impression d'une confiance en elle qu’elle était loin de posséder en réalité.
Annotations