Chapitre 23 : Nuit coquine, ou pas ...

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Seul le soir, dans son agence, Arturo consultait la liste des activités du mois. Les touristes n'étaient pas revenus comme il l'avait craint. Il savait qu'il pouvait supporter une seconde année difficile mais il était nécessaire que l'activité reprenne l'année suivante sinon il devrait se séparer de Miguel ou d'Elena. Mais comme il essayait toujours de voir le bon coté des choses, il se dit que cette situation avait au moins un avantage : il aurait plus de temps pour Ingrid lorsqu'elle reviendrait le voir. Il était temps pour lui de se détendre et il monta dans son appartement.

Il s'était fabriqué une armure de bonne humeur et de joie de vivre après son divorce, se créant un personnage un peu volage et inatteignable, mais il commençait à ressentir le manque d'une présence féminine dans sa vie. Ingrid lui manquait et elle n'avait pas encore annoncé la date de son retour. Il ne voulait pas la presser mais il sentait que leurs échanges quotidiens leur faisaient du bien autant à l'un qu'à l'autre. Mais la distance entre eux était un frein à leur amour.

Ses employés lui avaient fait remarquer qu'ils l'avaient trouvé plus serein ces derniers temps, que quelque chose avait changé. C'était bien sûr Elena, plus observatrice que Miguel, qui s'en était rendu compte et elle n'avait pas hésité à le taquiner sur le sujet. Mais il était resté vague sur les raisons de ce changement. Tant qu'il ne reverrait pas Ingrid, les doutes sur la suite de leur relation l’empêcheraient de se confier. Pourtant, il les aimaient bien, ces jeunes qui avaient été présents à ses côtés dès le début de sa nouvelle activité. Si sa belle revenait, il ne leur cacherait plus rien.

La lune était pleine, baignant son séjour d'une douce pénombre, le cadre idéal pour tenter quelques échanges coquins sur WhatsApp. Il s'installa confortablement dans son canapé et il commença à pianoter sur son smartphone.

  • Hello, ma belle serait-elle déjà endormie ?

Ne sachant pas si elle était rentrée du restaurant, il ne fut pas surprit de ne pas recevoir de réponse immédiate. Il en profita pour se diriger vers son frigidaire et se préparer quelques tranches de saucisson et se servir un verre de vin pour accompagner son repas frugal. La lumière faiblissant, il alluma une lampe à faible intensité avant de rejoindre le coin salon, juste au moment où Ingrid lui répondit.

  • Hello, je viens de rentrer et je me préparais à rejoindre les bras de Morphée.
  • Heureux homme qui a la possibilité de te prendre dans ses bras…
  • Si je ne me trompe, Morphée serait une femme
  • Homme ou femme, j'aimerais être à sa place... Et à défaut de pouvoir me téléporter jusqu'à toi, peut-être pourrais-tu me décrire la tenue dans laquelle tu vas t'allonger ?

L'écran resta vide et la pièce lui sembla tout à coup bien silencieuse. Alors, pour occuper le temps qui commençait à lui sembler long, il rechercha dans ses play-lists un peu de musique d'ambiance.

  • Je ne suis pas d'humeur coquine ce soir. Je suis un peu tracassée.
  • Dans ce cas, viens vite me rejoindre et je soufflerai sur ces vilains nuages.
  • C'est justement une contrariété qui m'empêche de déterminer un date pour te rejoindre.

Il eut tout à coup besoin de lui parler, sans quoi ses doutes l'envahiraient. Il tenta un appel en visioconférence auquel elle répondit immédiatement. Elle était aussi assise dans son salon et son doux sourire lui rendit immédiatement confiance.

  • Quels sont donc ces tracas qui t'éloignent de moi ?
  • Jean voudrait que nous nous voyons pour discuter de notre divorce. Il devrait revenir en France dans le courant du mois de septembre, début octobre au plus tard. Je n'ai pas envie de le contrarier pour que la procédure se passe au mieux.
  • Si tu veux, je peux te rejoindre pour te soutenir, répondit-il un peu trop rapidement.
  • C'est gentil de ta part, mais je pense qu'il vaut mieux que vous ne vous rencontriez pas pour le moment. Je pense qu'il est préférable qu'il ignore encore ton existence. C'est un homme puissant qui a de nombreuses connaissances, il pourrait faire de notre séparation un enfer. Et toi, tu auras sans doute encore quelques retraités intéressés par tes excursions gastronomiques à cet période.

Sa logique lui disait qu'elle avait raison, mais son cœur l’incitait à agir.

  • Elena pourrait s'en charger et, si par malheur ton mari rentre le week-end où je suis avec toi, je pourrais toujours rendre visite à un de mes jumeaux.
  • Peut-être que tu devrais t'intéresser à Elena plutôt qu'à moi, avec mon sac plein de tracas et de questionnements. Édith m'a dit qu'elle était célibataire et qu'elle rêvait de fonder une famille. Moi, je suis loin et je n'ai aucune idée du temps qu'il me faudra pour être enfin libre d'envisager une relation sur du long terme.

Arturo ressentit d'abord du rejet puis, il se rappela les infidélités de Jean et les doutes d'Ingrid concernant les relations à distance. Il attendait aussi leurs retrouvailles avant de pouvoir commencer à se projeter dans un avenir qu'il espérait commun mais, il savait qu'il devait d'abord la rassurer.

  • Quelle idée ! J'ai déjà une famille, en France et je ne ressents pas d'attirance pour Elena. Je reviens d'ailleurs souvent voir mes jeunes en basse saison. Et comme c'est une année exceptionnelle, ils ne seront pas étonnés de me voir revenir plus tôt.

Il observait Ingrid, songeuse face à ces dernières affirmations. Ne sachant pas s'il avait trouvé les bons arguments ou non, il changea de conversation.

  • N'oublie pas que je m'appelle Arthur et que j'utilise le prénom que ma grand-mère portugaise me donnait quand j'étais petit uniquement pour faire un peu plus « couleur locale », reprit-il
  • C'est vrai que tu m'avais dit que tu venais aussi du nord mais pour moi tu resteras toujours Arturo, celui qui a enchanté mes vacances. Où habite ta fille ?
  • Ma fille vit à Maubeuge, pas loin de chez toi. Je pourrais passer la voir si, par manque de chance, ton mari revenait justement au même moment. Je pourrais te laisser tranquille le temps nécessaire pour que tu règles les conditions de ton divorce avec lui.
  • Dans ce cas, cela me ferait plaisir que tu me rejoignes. Et Édith s'installe à Maubeuge le mois prochain. On parle souvent de toi et je suis sûre que cela lui ferait aussi plaisir de te revoir.

Il blagua encore un peu, essayant de lui remonter le moral. La conversation avait prit un tournant plus amicale et il avait l'impression qu'elle s 'éloignait. Demain, il ferait le point avec Elena et Miguel et il s'envolerait pour Lille dès que possible. Il était temps de la rejoindre. Il avait toujours forcé le destin et il n'aimait pas attendre, impuissant.

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