Chapitre 31 : Quand le fille d'Arturo rentre en jeu
- Papa, tu es un imbécile, tempêta Liv.
Arturo était rentré chez sa fille, avec une mine encore plus déconfite que le matin, il s'était avachi dans son canapé et, vu son attitude, il regrettait de s'être confié à elle. Sa fille avait le caractère de sa mère et l'esprit d'entrepreneur de son père. Elle avait décidé de se consacrer entièrement à sa boite d'import-export et elle vivait seule dans une petite maison en périphérie de Maubeuge.
- Si un jour, un homme me déclarait sa flamme comme ton Ingrid vient de le faire, je serais prête à lui faire une petite place dans mon emploi du temps professionnel, argumenta-t-elle d'un ton plus calme.
Liv avait tendance à toujours tout ramener à sa situation personnelle, mais elle tenait réellement à ce que son père rencontre quelqu’un de bien. Ses parents ne s'entendaient plus bien avant leur séparation et elle avait de l'estime pour son père qui avait tenu bon jusqu'à ce que son jumeau et elle soient majeurs avant de divorcer. D'ailleurs, ces deux-là n'avaient même pas pu s'entendre sur le choix des prénoms de leurs enfants. Son père avait tenu à appeler son fils Nicolas, comme le grand-père de Liv, et sa mère avait choisi seule son prénom à elle. Dans le couple gémellaire formé par les enfants d’Arturo, c'était elle qui portait la culotte et son père lui avait souvent répété que son futur conjoint devrait avoir des qualités exceptionnelles pour trouver une place dans sa vie. Par cet argument, Liv espérait avoir touché une des failles de son père. Son silence lui prouvait qu'il commençait à se rallier à son point de vue et qu'il ne faudrait plus beaucoup insister pour qu'il se rende compte de son erreur.
- Tu sembles oublier que tu es une force tranquille, papa. Et il fallait bien cela pour tenir tête à maman. Quand tu as décidé quelque chose, tu es un véritable bulldozer, rien ne peut plus t'arrêter. Tu as agi à ta guise ces dernières années, à Santa Lucia, mais si tu veux avoir une chance de partager à nouveau ta vie avec quelqu'un, il va falloir lui faire un peu de place. Elle te demandait seulement de la laisser avancer à son rythme.
Arturo aurait pu lui tenir exactement le même discours si la situation avait été inversée.
- Tu as raison, je suis inexcusable, finit-il par déclarer.
- Bien sûr que non. Il faut juste que tu trouves le moyen de te faire pardonner. Je suis sûre qu'elle n'attend que cela.
Liv prit les clés que son père avait déposées sur la table, récupéra une veste et se dirigea vers la porte.
- Viens papa, je doute que nous arrivions avant qu'elle n'ait quitté la terrasse. Mais je suis prête à t'accompagner jusqu'à Lille pour te soutenir.
Voyant que les dernières réticences de son père commençaient à tomber, elle marqua un dernier point en ajoutant.
- De toute façon, tu dois quand même la revoir pour récupérer ton sac de voyage et le trajet te permettra de réfléchir à ce que tu veux réellement lui dire.
Arturo ne se fit plus prier. Il n'aurait pas dû la brusquer de la sorte, Ingrid était tellement différente de sa fille et de son ex-femme qu'il avait quelques difficultés pour comprendre son mode de fonctionnement. Mais cela valait la peine d'essayer.
***
Ingrid venait de rentrer chez elle et une musique mélancolique, à l'image de son état d'esprit actuel, emplissait son studio. Elle avait trop attendu, sans tenir compte des attentes et des doutes d'Arturo et maintenant elle craignait de l’avoir perdu. Au moment où elle se dirigeait vers son bar à alcool, pour compenser celui qu'elle n'avait pas commandé tout à l'heure, elle entendit la sonnerie de son interphone.
- Madame Marville ? J'ai une livraison pour vous, déclara une voix féminine lorsqu'Ingrid répondit à l'appel.
Bien qu'elle n'ait rien commandé, elle débloqua la porte du hall d'entrée et indiqua l'étage à celle qui devait lui déposer le colis. Lorsqu'elle ouvrit la porte de son duplex, elle tomba sur un énorme bouquet de fleurs qui cachait, partiellement, le visage de son amant. Face à sa surprise et son immobilisme, qu'il commençait à connaître et à comprendre, Arturo en profita pour lui déclarer ce qu'il avait préparé pendant le trajet.
- Ingrid, j'espère que tu pourras me pardonner de ne pas avoir suffisamment tenu compte de ta situation. Je ne connais pas ton monde et j'ai mal réagi. Ton mari est impressionnant et donne l'impression que rien ne peut lui résister, y compris toi. Je n'ai pas cherché à comprendre les enjeux qui t’animaient, je suis prêt à essayer maintenant, si tu veux toujours m’en laisser l’opportunité.
Ils se regardaient les yeux dans les yeux, sans un mot. Si les yeux bleus d'Ingrid reflétaient facilement la tristesse ou la joie, ils étaient relativement inexpressifs pour les autres sentiments. Arturo comprit alors qu'il devait aussi la rassurer par rapport à ses démons à elle.
- Je ne sais pas si notre relation résistera à la distance, mais je te refais la même promesse qu'à ton retour à Lille. Tant que nous serons un couple, tu n'auras rien à craindre d'une autre, même si nous ne pouvons pas nous voir aussi souvent que nous le souhaiterions.
Cette fois, les yeux d'Ingrid s'illuminèrent en même temps que son sourire. Elle s'approcha de lui pour accepter son bouquet et lui offrir un tendre baiser.
- Ça ne sera pas facile, ni pour l'un, ni pour l'autre. Une cousine, qui a reformé un nouveau couple, a dit lors d'une réunion de famille, qu'il fallait désapprendre les habitudes de son ancienne vie pour avoir une chance de créer un nouveau couple. Et la distance ainsi que les discussions qui s'annoncent avec Jean ne vont pas nous faciliter la vie. La façon dont un couple fait face aux difficultés en dit long sur leurs possibilités d’avenir. Nous avons fait un grand pas l'un envers l'autre ce week-end et j'ai encore envie d'y croire.
Elle lui ouvrit le passage vers son intérieur. Il ne leur restait plus beaucoup de temps avant le départ d'Arturo, mais ils ne comptaient pas perdre une minute pour profiter d'être ensemble, et reprendre la visite de l'appartement d'Ingrid à l'endroit où ils avaient été interrompus.
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